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Ciguë
Par Caroline Tully ©, traduction Lune
Attention. Plante Toxique.
Bien que certaines drogues soient réellement un raccourci pour changer d’état de conscience ou atteindre une expérience mystique, je me sens toujours encline à étudier les plantes/drogues des sorcières qui traditionnellement les aident à atteindre ces états de conscience. J’estime que ces plantes ont été utilisées à leur façon pour acquérir un résultat spécifique au cours de certaines périodes.
Récemment, j’ai découvert que ce que j’avais toujours pris pour des carottes sauvages étaient en réalité de la ciguë. Cela m’est venu comme une surprise agréable, c’est une plante extrêmement prolifique et je m’étais demandée auparavant où il me serait possible de m’en procurer. Et là voilà, j’en en ai partout !
La carotte sauvage est utilisée contre les maladies urinaires, c’est une source de vitamine A, B1, B2 et C, de sucres et de pectine. Elle est également employée comme diurétique, elle est carminative et facilite la digestion. Elle est ressemble tant à la Ciguë qu’une identification correcte de la plante est essentielle si on veut en manger et rester en vie.
Il n’est pas vraiment trop difficile de faire la différence. Elles possèdent toutes deux un feuillage duveteux, les fleurs blanches se composent d’ombrelles denses, elles ont une longue racine fusiforme. Cependant, la Carotte Sauvage est une plante plus courte, plus flexible et ses feuilles sont visiblement velues en opposition à celle de la ciguë, qui possède des tiges lisses, cannelées, avec des tâches pourpres. Celles-ci sont tout à fait apparentes, spécialement près de la base de la tige. Les fruits diffèrent également. Le fruit de la Ciguë est strié et lisse, tandis que le fruit de la Carotte est entouré par de petits crochets épineux. La Ciguë a une odeur semblable à celle des souris ; une sorte d’odeur fétide et de souris, donc la Carotte Sauvage a une odeur particulière de carotte.
Le nom latin de la Ciguë est Conium Maculatum et il existe aussi une ciguë d’eau que l’on appelle Cicuta Virosa, mais elle est de loin plus dangereuse que la Conium Maculatum car elle contient un élément vénéneux nommé cicutoxine qui produit de douloureux spasmes.
La Ciguë (simple) est également toxique mais bien moins que sa sœur d’eau. Il est probable que Socrate ait bu du jus de ciguë mélangé à du laudanum et du vin lorsqu’il mourut en 399 avant JC. Diogenes Laertius, un écrivain du IIIème siècle dit explicitement que la coupe de Socrate contenait du jus de ciguë.
Selon Pline, ce mélange qui tua Socrates était le moyen le plus habituel des grecs qu’utilisaient les grecs pour tuer les condamnés à mort. Seuls, les plus atroces prisonniers étaient forcés de boire l’aconit qui produisait une mort bien plus douloureuse.
La Ciguë a également été utilisée comme herbe médicinale ; elle était employée par les chirurgiens qui l’administraient à leurs patients en tant qu’anesthésie locale avant de les amputer. Elle était également grandement renommée pour sa capacité à guérir «l’ignis sacer », le Feu de Saint Antoine, l’empoisonnement par l’ergot, un des plus grands fléaux du moyen-âge.
C’était une coutume pré-chrétienne de laisser pousser la Ciguë devant la porte principale et la porte arrière de toutes maisons, afin qu’elle puisse absorber n’importe quel poison qui flotterait alentours et garder en bonne santé la famille de la maison.
La propagation de la Ciguë est attribuée aux gitans ; on dit que c’étaient eux qui faisaient commerce de grains de ciguë sur les marchés à l’extérieur des villes et comme ils étaient de célèbres voleurs de poules, ils employaient la ciguë. En effet, si on trempe du blé ou toutes autres graines dans un mélange de vin et de jus de ciguë et qu’ensuite on le donne à manger aux poulets, cela leur fait perdre leur force et les enivre ; ils sont donc très facile à attraper et reste bons à manger.
La Ciguë semble avoir été cultivée dans les jardins des hôpitaux et des monastères comme herbe médicinale et pour d’autres raisons très intéressantes ; elle inhibe les désirs de la chair des moines et des nonnes. Discordes précise que les cataplasmes de ciguë affaiblissent les parties génitales et lorsque la vie des monastères et des couvents était faite de sacrifice de soi et de lubie d’automutilation, il est tout à fait plausible qu’ils utilisaient la plante de cette façon.
Discordes a également écrit que la Ciguë pilée dans un mortier et appliquée sur les testicules, « aide ceux qui font des rêves érotiques et les éjaculateurs précoces ». Selon Pline, lorsque utilisée sur la poitrine d’une femme, la ciguë arrête le lait et empêche également les seins des vierges de devenir trop gros.
Deux mille ans plus tard, Simon Paulli dans « Flora Danica » dit : « les seins des filles qui sont frottés avec le jus de cette herbe ne poussent pas davantage, mais restent correctement petits et gardent leur taille ». Je ne vous encourage pas à frotter de ce jus sur votre poitrine ou parties génitales si vous ne voulez pas les meurtrir. En outre, je sais que certains modes d’emploi d’onguents de vol préconisent l’application sur ces endroits car ils facilitent l’absorption par le sang.
Les sorcières ont souvent été accusées de priver un homme de son « membre intime ». Derrière l’accusation, pourrait très bien se cacher la peur masculine d’impuissance, mais il pourrait également très bien exister un fond de vérité. Il est très facilement possible de rendre un homme inconscient avec du vin, puis de lui enduire les testicules avec du jus de ciguë si quelqu’un se sentait enclin à cela et je ne doute pas que cela ait pu arriver en certaines occasions.
Dans l’antiquité Grecque, la ciguë était dédiée à Hécate. La ciguë « normale » et la ciguë aquatique étaient utilisées comme ingrédients des onguents de vol. C’est le poison coniine qui produit l’effet de vol. Mes propres expériences m’ont prouvé qu’un peu de jus de ciguë frotté sur les poignets et les mains produisait une sensation de chute et son action est extrêmement rapide, environ une à deux minutes après application.
La petite ciguë, Aetusa cynapicum, contient de la coniine sous forme moins concentrée et il serait plus sûr d’en prendre par voie interne, tandis que seules des doses minutieuses (micro) de ciguë peuvent être prises (et la quantité de coniine de chaque plante varie, accroissant le risque d’empoisonnement accidentel). Il est bien mieux et plus sûr de l’utiliser sur les parties externes du corps, plutôt qu’internes, afin d’éviter l’empoisonnement.
La Ciguë est une herbe très cosmopolite et pousse dans la plupart des endroits autour du monde qui ne soient ni trop chauds, ni trop secs. Elle a probablement été importée en Australie, sous la semelle d’une chaussure ou dans la fourrure d’un animal. C’est une plante attrayante qui ressemble beaucoup aux fougères ; elle pousse vite, cependant la combinaison d’une culture intensive de la terre et l’utilisation de produits chimiques contre les mauvaises herbes fait qu’elle devient une plante sauvage de plus en plus rare.