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Frau Holda, la Montagne de Vénus et les Voyageurs Nocturnes
Par Nigel Jackson ©, traduction & adaptation Tof
Illustration Frau Holt par Nigel Jackson.
Depuis le Xème siècle les clercs et les hommes d’église francs comme Regino von Prum s’emportaient contre les croyances « diaboliques » de « certaines mauvaises femmes » qui « nombreuses chevauchaient nuitamment certains animaux avec Diane la déesse des païens ou avec Hérodias ». On y fait référence dans un texte de loi lorrain du XIVème siècle qui condamnait ceux qui volaient dans les airs avec Diane. L’image de la Déesse Sauvage Ancestrale a eu une très grande influence sur l’imaginaire médiéval, l’auteur du « Roman de la Rose » raconte qu’un tiers des gens rêvait de voyage nocturne en compagnie de Dame Habundia.
Dans le Nord de l’Europe, on disait que la secte des sorcières, qui voyageaient nuitamment, volait dans le ciel derrière la Déesse Hérodias ou Holda qui guident les anciens esprits de la Horde Furieuse dans les mois d’hiver autour de Samhain et de Noël. Comme la déesse galloise Cerridwen, Frau Holda est la Terre Mère du monde de sous terre, la maîtresse de la mort, de l’initiation et de la renaissance, elle règne sur le royaume chtonien de Hel ou d’Annwvyn. En Scandinavie on la connaît sous le nom de Hela, fille de Loki, et on dit d’elle qu’elle est vieille et à demi claire et à demi sombre. Cela représente ses aspects clair et sombre en tant que Freyja / Holda maîtresse de la vie et de la mort. La Déesse voilée oriente la dualité cosmique du jour et de la nuit, croissance et décroissance, éclat et ombre. En Allemagne on l’associe étroitement à la Chasse Sauvage où la chevauchée des puissances de la mort est parfois appelée Heljagt. Les Normands l’appellent Mesee ou Hellequin. La Déesse des Sorcières indo-européenne originale est Kolyo « la Protectrice » – la Reine funèbre de l’Autre Monde des indo-européens dont descendent divers personnages comme la Celte Cailleach ou la Nymphe grecque Calypso.
Le magicien, herboriste et voyant allemand Diel Breull von Calbach fait référence aux aspects vie / mort de Dame Hela lorsqu’en 1630 il confesse que « quatre fois l’an, pour les fêtes » il est allé sur la montagne de Vénus. Il n’avait aucune idée de la manière dont il s’était rendu là-bas. Il a aussi avoué être un voyageur nocturne et que « la Frau Holle (chez qui il se rendait) et très belle de face, mais de dos elle est comme un arbre creux avec une écorce grossière. » C’était sur la montagne de Vénus qu’il acquit une grande partie de son savoir en matière de plantes.
Cette description correspond à l’esprit féminin de la forêt appelé Skogfru en Ancien Norois ainsi que épouse du bois, jeune fille du bouleau, ou demoiselle sauvage ailleurs. De face, c’est une femme splendide mais par derrière elle est creuse comme un rondin pourri. Les épouses du bois sont associées à la Chasse Sauvage et sont parfois poursuivies par Odin (ndt : Woden en anglais). « L’Epouse du bois » (Woodwife) vient du mot « Wod » d’origine saxonne qui signifie sauvage, furieux, enthousiaste. Comme de nombreux sites initiatiques européens, la Huselberg était considérée comme une des portes du monde de sous terre, le domaine de Frau Vénus, la Freya/Holda latinisée. A partir de la grotte de Hurseloch de la montagne Eldritch on peut parfois entendre des voix et des gémissements, ils nous conduisent dans le royaume de la déesse.
La légende médiévale de Tannhauser est basée sur un récit initiatique où un chevalier troubadour qui, alors qu’à la tombée de la nuit il est passé devant la grotte de Hurselberg, a rencontré la magnifique et ravissante Frau Vénus, qui l’a amené avec elle chez son compagnon dans les régions de l’autre monde pour une période de sept années. La tradition écossaise raconte une histoire semblable où Thomas The Rymer, le voyant du XIII ème siècle a rencontré la Reine de Féerie sous les Eildon Thorn et l’a suivi dans son monde de Féerie pour une durée de sept années.
Elle a donné à manger à Thomas une pomme d’or qui lui a conféré le don de connaître l’avenir. C’est un souvenir de la descente d’Odin au cœur de la montagne de Suttungr où il a dormi avec Gunnlodd la géante pour atteindre le pré d’inspiration poétique.
Cette forme de déesse est comparable à la mère du clan du monde du dessous des chamans de la mythologie sibérienne. Nous pouvons remarquer que Jord/Hlodyn la Terre Mère du Nord est honorée sur les collines et les hauteurs qui symbolisent le ventre de la terre. La Horde Furieuse de Samhain est ésotériquement liée à la rune Haegl dont la forme première « * » représente un flocon de neige. Cela prend tout son sens lorsqu’on se souvient que Holda est traditionnellement celle qui secoue la neige sur les campagnes, dans les îles anglo-normande une chute de neige se produit lorsque Hérodias secoue ses jupons. Son oiseau sacré, l’oie, est aussi lié à la chasse sauvage , et les cristaux de neige proviennent de leurs plumes lorsqu’elles volent au-dessus de nos têtes. Les cris nocturnes des oies migratrices sont interprétés comme les aboiements des chiens fantômes de Gabriel de la tradition celtique et sont symbolisés par l’Ogham-oiseau Ngeigh à Samhain. Ninth la Mère-Rune mystique symbolise les neuf nuits où après la mort l’âme voyage sur le Chemin de Hel, l’archétype de la Route des Esprits qui va vers le Nord vers le monde souterrain de Helheim.
Frau Holda est l’original païen de la Mère L’oie dont on se souvient en hiver, et l’oie est le coursier sur lequel les chamans de l’arctique voyagent dans leur vol visionnaire vers l’autre monde. En 1596, la sorcière Agnès Gerhardt a confessé qu’en compagnie d’autres initiés elle a utilisé un onguent de vision « pour voler vers la danse comme les oies des neiges » et elle a décrit comment elle préparait cet onguent hallucinogène en faisant frire de la Tanaisie, de la Rose de Noël et du Gingembre sauvage dans du beurre mélangé à de l’œuf. De tels « onguents de vol » (ou Unguentum Sabbati) sont souvent évoqués lorsqu’il est question du savoir des sorcières qui voyagent nuitamment.
Les sorcières ukrainiennes utilisaient toujours ces onguents au XIXème siècle. Le physicien bavarois Hartliepp a donné une formule utilisée au XVème siècle par les sorcières du Nord qui devaient se procurer sept herbes lors des jours appropriés de la semaine païenne : de l’héliotrope le jour du Soleil, une variété précise de fougère le jour de la Lune, de la verveine le jour de Mars, de l’euphorbe le jour de Mercure/Odin, du Sempervivum le jour de Jupiter/Thor, une autre espèce de fougère le jour de Vénus/Freyas et de la belladone le jour Saturne/Saeter/Hela. Cette opération magique devait donner au baume la puissance des énergies des principales déités païennes.
En 1582 le conseiller de l’archevêque de Salzbourg, le mathématicien érudit et astrologue Martin Pegger fut arrêté car sa femme avait volé dans les airs avec les voyageurs nocturnes de l’Unterberg qui se rendaient chez la déesse Hérodias. Dans la montagne elle a vu Hérodias avec ses dames des montagnes et les nains des montagnes. Il est dit que la déesse s’est rendue chez Frau Pegger au marché au poisson de Salzbourg. La mention des nains des montagnes de la déesse est significative car ils sont parfois connus sous l’appellation de Huldravolk ; ceux du Sureau, l’arbre sacré de frau Holda.
Que l’on associe les chats et les lièvres aux sorcières et aux voyageurs nocturnes peut indiquer qu’ils ont hérité de nombreuses techniques magiques du culte de Seidr, le chamanisme du « feu intérieur » sacré de la déesse Freya où il y était question de voyages en transe et de contacts avec les elfes et d’autres entités. Selon la tradition saxonne, Freya apparaît parfois accompagnée d’une compagnie de lièvres et elle est connue pour errer de nuit dans le pré d’Aargau avec un lièvre gris argenté à son côté. Le lièvre est connu comme une des formes totémiques sous laquelle voyagent les sorcières métamorphosées.
On sait qu’il y avait au moyen-age en Allemagne une forte survivance cachée du culte de Freya. Il existait des Mystères initiatiques relativement proches dans les îles britanniques, centrés en général sur la Déesse de féerie, la Reine de Féerie.
Le cas plus récent de l’astrologue et hermétiste John Heydon au XVIIème siècle est intéressant. Il avait imprudemment prédit la mort de Cromwell et fut contraint de quitter Londres pour le Somerset. Là il a raconté avoir rencontré une dame vêtue de vert sur une colline aux fées. Elle l’a emmené avec elle dans la colline jusqu’à un château de verre où il a acquis une grande sagesse et de grandes connaissances. Il a vécu cette expérience dans un état chamanique de perceptions modifiées.
Frau Holda est la contrepartie féminine du Maître de la Chasse Sauvage, et elle est essentielle pour une appréciation équilibrée de ce côté de la spiritualité païenne. Les sorcières des Pays du Nord qui voyagent nuitamment, loin d’être démoniaques comme les présentent les hommes d’églises vindicatifs et ignorants, étaient en réalité celles qui préservaient une ancienne Tradition de Connaissances et une vision magique du monde qui nous est maintenant à nouveau accessible à l’aube d’une nouvelle ère païenne.