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Divination avec les pierres. Extrait de « Cœur de Chaman » aux Éditions Vivez Soleil. Par Arthur Sörensen.
Nous devons travailler par deux. Je n’ai pas de difficultés à me choisir une partenaire, car je me sens immédiatement attiré par une femme assise un peu plus loin. Elle paraît très surprise quand je lui demande si elle veut bien travailler avec moi. L’exercice consiste à trouver une méthode permettant de voir dans l’avenir, un moyen d’étudier de plus près nos motivations cachées, ainsi que les possibilités d’action et les solutions. Selon Michael [Harner], il s’agit d’une méthode couramment utilisée par les peuples chamaniques pour obtenir les indications sur soi-même et sur l’avenir. La femme en bleu s’appelle Karen et il me faut du temps pour comprendre ce qu’elle me dit, bien que nous soyons assis très près l’un de l’autre. Karen est quasiment sourde et ses verres de lunettes sont aussi épais que des marbres.
Michael donne ses instructions. « La pierre que vous avez trouvée est un outil qui vous permettra de voir l’avenir. D’après les peuples indigènes du monde entier, toutes les choses de la nature sont vivantes ; elles ont leur place et leur sens. Une fois que le pierre aura accompli sa mission, vous la remettrez là où vous l’avez trouvée. Vous lui poserez une question, en évitant de la mettre à l’épreuve en lui demandant quelque chose que vous savez déjà. Vous la diviserez en quatre côtés, que vous définirez vous-même. Vous la tiendrez à plat et la tournerez vers vous chaque fois que vous aurez fini avec un côté.
Votre partenaire interviendra à ce moment là. En tournant la pierre, vous trouverez un maximum de quatre éléments ou images de chaque côté. Vous pourrez donc trouver seize images en tout, ce qui est le maximum. Le chaman doit voir et confirmer ce que voit celui qui pose la question ; pour pouvoir continuer, il faut qu’il visualise ce que dit son partenaire. Avant que celui-ci passe au prochain côté, le chaman demande : ‘trouves-tu un lien entre ces images et la question que tu as posée ?’ Lorsque le partenaire lui répond par l’affirmative, il peut continuer. Ne posez qu’une seule question à la pierre. Si vous en avez plusieurs, vous devez recommencer à chaque fois l’ensemble du processus, c’est-à-dire chercher une pierre et l’apporter ».
Karen m’indique qu’elle préfère que je sois d’abord le partenaire. Autour de nous, les autres membres du groupe se sont également mis par deux et discutent passionnément.
Je prends la pierre et la tiens devant moi avec les deux mains. Elle paraît vivante. Par chance, elle est carrée, ce qui permet de trouver facilement quatre côtés. Puis la question. Je me suis demandé si les notes que je prends pourraient devenir un livre. Mes expériences peuvent-elles être utiles à quelqu’un d’autre ? Comment rédiger mon récit si je veux qu’il soit vivant et intéressant ? Je formule donc ainsi ma question : comment dois-je écrire pour que mes expériences donnent au lecteur le maximum de bénéfice émotionnel ?
Nous commençons. Sur le premier côté je vois un visage triste, sage, doux, avec une colonne blanche sur le golden retriever avec les yeux fermés, qui paraît maladroit et heureux. Le deuxième côté montre une tête de bison, et un oiseau noir. Sur le troisième, je trouve qu’une seule image, une sorte de lieu sacré, un d’une couleur particulière, indéterminée. Sur le quatrième et dernier côté je vois d’abord un grand lieu sacré, puis un fossé, un fossé archéologique.
Après chacune des quatre faces, Karen, ma chamane, me demande le lien entre ce que je vois et ma question. A mon grand étonnement, je n’ai pas de mal à répondre. J’ai la nette impression d’avoir compris des choses qui méritent d’être transmises (le visage), mais je voudrais les exprimer d’une manière spontanée. Je me fais du souci à propos du conflit entre être soit trop formel et sérieux, soit trop spontané, maladroit et stupide (le chiot). Mais tant que j’oserai voler dans l’obscurité (l’oiseau noir), c’est à dire écrire sans montrer à qui que ce soit ce que je fais et sans chercher des conseils avant d’avoir suffisamment avancé, en faisant confiance à ma force intérieure, je resterai dans le domaine de l’ancienne sagesse, dans la connaissance éternelle (la tête de bison). Je dois trouver un lieu qui soit mien (le lieu sacré), mon propre lieu pour écrire. Dès que je m’assiérai, ma connaissance augmentera ; j’oublierai toutes mes questions concernant ma façon de travailler (le fossé), qui seront remplacées par une connaissance immédiate, inspirée. Karen, contente, confirme mon interprétation.
Nous changeons de rôle et c’est à moi de découvrir la question de Karen. Elle sort une minuscule pierre et demande : « Qu’est-ce qui peut me rendre heureuse maintenant ? » Je m’assieds devant elle , tandis qu’elle tripote un moment sa pierre pour trouver les quatre côtés. Puis nous commençons.
« Je vois un chien, dit-elle le doigt pointé. Je me penche et, en regardant de plus près, je peux acquiescer. Puis, montrant de nouveau du doigt : « il y a un grand trou ». Je suis tout de suite d’accord. Je lui demande ce que signifient ces images par rapport à sa question. Le deuxième côté montre une faille dans une montagne, le troisième un sommet et enfin le quatrième un plateau entouré de montagnes.
Karen trouve immédiatement la réponse à sa question. J’ai du mal à comprendre ce qu’elle dit et suis obligé de me concentrer pour entendre quelque chose.
« Je dois apprendre à être patiente avec mon handicap et persévérer dans mon effort pour me comprendre moi-même et comprendre le monde qui m’entoure (le chien). Je commence par tomber dans un grand trou. Mais là je vois une lumière. Il y a une ouverture (la faille dans la montagne) devant moi et je dois monter. Je vois un sentier qui mène au sommet de la montagne. Quand j’aurai atteint le sommet, j’aurai osé regarder en moi-même et atteint une nouvelle étape (le plateau). Je sais maintenant que pour être heureuse, il me faut toujours chercher la lumière intérieure. J’ai tenté par tous les moyens de me faire aider par rapport à mon handicap. J’ai l’impression que si je commence par regarder en moi-même, je rencontrerai des gens qui comprendront les puissantes expériences que j’ai faites et que j’arriverai à un contact humain plus profond. J’attendrai ce plateau intérieur qui rendra le contact possible.
Karen est toute joyeuse d’avoir compris les indications que cette méthode simple lui a données. Nous restions encore assis un moment à regarder nos pierres, en attendant que le reste du groupe ait fini.
Puis nous revenons rapidement à nos places, posons nos pierres et, dans l’expectative, regardons Michael. Celui-ci dit : « J’espère que la pierre a pu apporter des éléments de réponse à vos questions. Allons manger. Pensez à rapporter vos pierres là où vous les avez trouvées et à leur dire merci. »
Je sors au soleil avec les autres. Près des sources chaudes, je retrouve l’endroit d’où venait la pierre. Je la remets soigneusement à sa place. En la remerciant pour son aide, je ressens la force du lien qui nous unit. Puis je fais demi-tour pour aller manger.