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Voler sur un balai
Par Alexander Kuklin, traduction et adaptation Lune
Chapitre 9 – Voler sur un balai
« Au cours de certains rituels… une baguette phallique est utilisée »
Janet & Stewart Farrar, The Witches’ Way
La sorcière sur son balai vit toujours dans notre imaginaire depuis notre enfance. Les livres de contes de fée regorgent d’images fascinantes de vieilles et mauvaises sorcières conduisant leur balai et qui, occasionnellement, hantent les rêves de leur jeune auditoire. La sorcière et son balai restent inséparables. Cette image est universelle, à la fois sur l’ancien et sur le nouveau continent.
La croyance populaire selon laquelle les sorcières conduisent un balai pour se rendre sur les lieux de leurs réunions se reflétait dans l’Art de l’époque. La représentation la plus ancienne d’une sorcière sur son balai est celle de la cathédrale de Schleswig en Allemagne, elle daterait de 1280. Dans la plupart des livres, les sorcières sont dépeintes complètement nues sur leur moyen de transport.
Le balai était utilisé, non seulement pour le transport, mais aussi comme moyen de dissimuler l’absence de la sorcière durant la nuit. Selon les confessions d’Isobel Gowdie, d’Auldearn, dans le comté de Nairn, en 1662, elle et ses complices plaçaient un balai dans le lit, à côté de leur mari, qui aussitôt prenait l’apparence d’une femme. Dans ce cas, les véhicules qui menaient au Sabbat étaient des chevaux, que les femmes créaient à partir d’une paille ou d’une queue de haricot. Les aveux d’Isobel furent extorqués sous la torture et comme le dénonce le Professeur Cohn, celle-ci a exploité le folklore féerique local afin de satisfaire ses interrogateurs.
A la place du balai, dans le folklore bulgare, et plus particulièrement dans la partie occidentale du Grand Balkan, une représentation du monde de féerie appelée krosnojhazlitsa porterait un fuseau. Le nom vient de krosno, qui signifie fuseau et jhaz, bassin d’eau. Les krosnojhazlitsi (pluriel) sont des femmes qui dansaient sur les rivières et blessaient quiconque s’approchait de leur lieu de rencontre.
Dans son livre « The roots of Witchcraft », Harrison suggère que le verbe « ride » (ndlt : chevaucher, conduire en anglais) est un euphémisme pour « Congrès Sexuel ». Il va plus loin en supposant que l’expression « entre les jambes des sorcières » est aussi un euphémisme et qu’il faut comprendre « entre » comme « dans », « à l’intérieur ». Selon Harrison , le balai n’est rien d’autre que l’équivalent médiéval de l’ancien objet rituel nommé Olisbos ou comme les écrivains classiques l’appellent : Penis Coriaceus. C’est le cuir cuit et moulé que les femmes portent au cours des processions des bacchanales et le pénis artificiel que le Diable est réputé porter durant les réunions de Sabbats.
Le balai était lourdement enduit d’onguent de sorcière. Selon les commentaires de Harrison, un manche à balai « placé contre la membrane absorbante à l’intérieur des grandes lèvres, le délirogène pénétrerait rapidement dans les tractus vaginal et urinaire… ». Cette hypothèse est hautement probable si l’on se réfère aux minutes des procès de sorcière, relatives aux manches à balai et autres « bâtons courts » ainsi qu’à l’anatomie du vagin dont on a parlé précédemment. Le manche à balai ou autres bâtons courts étaient un moyen d’appliquer l’onguent de « vol » sur une ouverture particulièrement perméable du corps féminin*. L’idée de chevaucher un balai, en réalité, est intimement liée à son utilisation en tant que moyen d’application d’onguent.
Le manche à balai est étroitement lié à la baguette magique ou au bâton des sorciers, qui étaient considérés également utilisables pour l’équitation. Dans le sud de la France, les sorciers employaient le cornouiller sanguin (cornus sanguinea) dans la fabrication du balai.
Les balais en Europe étaient fabriqués à partir de cytisus scoparius, dont le nom commun est genêt à balai. C’est un arbuste qui pousse de 1-2 à 4 mètres de haut et fleurit de mai à juin. On trouve cette plante à travers toute l’Europe et également sur les îles méditerranéennes. Dans les montagnes écossaises, le genet à balai avait de la valeur dans l’économie rurale en tant que principale nourriture des moutons en hiver. Dans le sud de l’Europe, cet arbuste peut atteindre une plus grande taille et son bois est utilisé pour le placage.
Une autre plante qui était utilisée dans la fabrication du balai, particulièrement en Italie : ruscus aculeatus, dont le nom commun anglais est « Butcher’s Broom » [ndlt : le Balai du Boucher, (le nom commun français de cette plante n’a rien à voir avec le balai : il s’agit du fragon petit houx, fragon piquant, petit houx, fragon frelon)]. Les gens utilisaient les branches maîtresses de la plante : ils plaçaient autour du bacon et du fromage afin de les protéger des souris, d’où le nom allemand mauserdorn. En Angleterre, cette plante était employée pour fabriquer de petits balais ou brosses afin de nettoyer les ustensiles de cuisine.
Les balais du sud-est de l’Europe ont toujours été fabriqués avec du sorgho – gros mil – (sorghum bicolor). Au Moyen-Age, les méchants sorciers et sorcières italiens étaient armés de tiges de sorgho. Leur contrepartie « bénéfique », les benandanti, utilisaient comme armes des branches de fenouil (foeniculum vulgare). Lorsque nous parlons des balais des sorcières, parfois l’arbuste Witch Hazel (ndlt : traduction littérale -> Coudrier de la Sorcière, soit Hamamélis – Hamamélis de Virginie- en français) vient à l’esprit. C’est le nom commun pour hamamélis virginiana. Cette plante sorcière est originaire du Nord de l’Amérique, du Canada jusqu’en Floride. Les premiers colons utilisaient ses branches comme bâtons divinatoires pour rechercher des sources souterraines ou de l’or. Il est aussi possible que le nom ait été rapporté de l’anglais « wych hazel », qui viendrait de wican, to yield (ndlt : ramener, rapporter). L’hamamélis fut introduite en Europe en 1736 et on la fait pousser dans nos jardins pour ses fleurs tardives automnales.
L’écorce de l’hamamélis avait de la valeur pour les natifs américains pour son effet sédatif. Pendant des siècles, on a cru que l’huile d’hamamélis guérissait tout un tas de problèmes physiques. De nos jours, elle est généralement mélangée à de l’alcool et est utilisée en frictions contre les douleurs du corps. Ses feuilles et ses branches sont employées dans les produits de la toilette.
Le balai a trouvé une place substantielle dans l’art de Barbara Broughel. Dans sa série Requiem, elle présente 42 objets qui attendent comme des portraits de gens condamnés et punis pour sorcellerie au XVIIème siècle en Amérique. L’artiste a conçu des balais et autres instruments domestiques qu’elle humanise en les habillant afin de créer un mémorial pour les sorcières condamnées. Par exemple, le « portrait » d’Elizabeth Kendall, qui fut condamnée à Cambridge, dans le Massachusetts, en 1647 pour « avoir été intime avec Satan », est un balai brosse cornu orné d’un collier de lin.
Le balai n’est pas le moyen de transport principal pour aller au Sabbat, mais seulement un symbole qui reste des différents folklores. C’est l’onguent qui facilite le voyage durant la nuit.
* Le livre de M. D. Faber : Modern Witchcraft and Psychoanalysis serait grandement utile au lecteur intéressé par la psychanalyse des Sorcières et de leurs pratiques.