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Par Doreen Valiente ©, traduction Lune. Extrait du livre an ABC of Witchcraft.
En 1886, le « Folklore Journal » rapporte l’histoire d’une découverte étonnante dans une vieille maison de Wellington, du comté de Somerset. Lors de travaux, des ouvriers y découvrent une chambre secrète située entre la pièce de l’étage supérieur et le toit. D’après le contenu de cette bonne planque, il semblerait que cette pièce fut le lieu de réunion de sorcières.
Six balais y furent trouvés, accompagnés d’un fauteuil ; peut-être le siège de la personne qui présidait à la réunion. Il y avait un autre objet très curieux dont l’usage échappa tout d’abord aux enquêteurs.
Il s’agissait d’un morceau de corde, d’environ 5 pieds et demi (1,68 m) de longueur et d’un pouce (2,50 cm) d’épaisseur. Cette corde était composée de trois brins. Une boucle avait été nouée à l’une des extrémités. Un certain nombre de plumes étaient insérées dans la corde, en travers. La plupart d’entre elles étaient des plumes d’oie, mais il y avait également quelques plumes noires de corbeau ou de freux. Elles transperçaient la corde à intervalles irréguliers. Les plumes n’avaient pas été simplement nouées à la corde mais semblaient avoir été incorporées aux brins de cette corde lorsqu’elle a été confectionnée.
Les vieilles gens de Somerset qui virent cette étrange trouvaille la regardèrent avec désapprobation, et se montrèrent réticentes quand on leur demanda de quoi il s’agissait.
Les ouvriers l’appelèrent « échelle des sorcières » et suggérèrent qu’elle permettait de « passer à travers le toit », ce qui était évidemment absurde. Lorsqu’on demanda à une vieille dame si elle en connaissait l’usage, elle répondit qu’elle savait à quoi servaient une bougie transpercée d’une aiguille, un oignon transpercé d’une aiguille, et une corde et des plumes. Elle refusa d’en dire davantage; mais les sortilèges dans lesquels bougie et oignon sont transpercés par une aiguille étaient des moyens connus pour maudire quelqu’un, ceci fut la preuve pour les étudiants du folklore qui s’étaient intéressés à cette trouvaille, que l’échelle des sorcières était une autre méthode pour jeter une malédiction.
Une enquête plus poussée révéla d’autres détails. La corde et les plumes étaient neuves, et ces dernières provenaient d’un oiseau mâle. Ce sortilège n’était pas spécifique au comté de Somerset. Il était également connu dans en d’autres endroits du West Country, et il était de toute évidence considéré comme une forme dangereuse et secrète de sorcellerie.
Lorsqu’une copie du « Folklore Journal », contenant une description et une gravure de l’échelle des sorcières, parvint à Charles Leland, en Italie, il enquêta et découvrit que la malédiction de la corde et des plumes était également connue dans ce pays. Chez les sorcières italiennes, on l’appelait la guirlanda delle streghe, « la guirlande des sorcières ». Sa forme en était très proche, elle consistait en une corde sur laquelle on réalisait plusieurs nœuds, et dans chacun des nœuds on plaçait la plume d’une poule noire. La malédiction était formulée à chaque nœud réalisé ; et une fois le charme terminé, celui-ci était caché dans le lit de la victime afin de lui porter malheur.
Le Révérend Sabine Baring-Gould, qui avait une grande connaissance du folklore du West Country, présenta le sortilège de l’échelle des sorcières dans sa nouvelle intitulée « Curgenven », publiée en 1893. D’après son récit, l’échelle des sorcières était composée de laine noire, de fils blancs et bruns, entremêlés ; et tous les 5 cm, un nœud était réalisé avec des plumes de coq, de faisan et de poule d’eau, successivement. Dans cette nouvelle, le personnage de la vieille grand-mère tisse et noue dans l’échelle des sorcières toutes sortes de douleurs et de souffrances qu’elle peut imaginer et qu’elle destine à son ennemi. Ensuite, elle noue une pierre à l’une des extrémités de la corde et fait couler le charme dans le lac Dozmary, qui, selon la légende, sont les eaux hantées du Bodmin Moor. Elle croit que le pouvoir de la malédiction est relâché pour agir à mesure que les bulles apparaissent à la surface du lac.
C’est un hommage remarquable à la nature universelle des pratiques secrètes des sorcières. Ce charme quasiment identique, connu et utilisé en des lieux aussi éloignés que le comté de Somerset et l’Italie, par des gens, qui à cette époque, n’étaient pas suffisamment lettrés pour les tirer de quelconques livres ; et ce, même si toutes les descriptions avaient été publiées auparavant, ce qui semble peu probable compte tenu de la perplexité des éminents folkloristes face à cette découverte.
On notera que le nombre magique trois entre dans la réalisation du sortilège, comme c’est si souvent le cas. La corde dans laquelle les plumes sont attachées doit être triple. Les plumes par elles-mêmes sont probablement symboliques de l’envoi du sortilège, qui s’envole invisible vers la personne à qui il est destiné.