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Extrait de The Witches’ Sabbats. Par Mike Nichols. Traduction & adaptation Lune.
Vient maintenant l’équinoxe vernal, la saison printanière parvient à son apogée, à mi-chemin entre la Chandeleur et Beltane. Une fois encore, le jour et la nuit sont en parfait équilibre, les pouvoirs de la lumière gagnent du terrain. Le Dieu de la Lumière remporte à présent la victoire sur son jumeau, le Dieu des Ténèbres. Dans la reconstruction des mythes des Mabinogion que j’ai proposée, il s’agit du jour durant lequel Llew ranimé prend sa revanche sur Goronwy, en le transperçant de sa lance de lumière solaire. Car Llew a été ranimé/est né à nouveau au solstice d’hiver et il est à présent assez bien/assez vieux pour vaincre son rival/jumeau, le compagnon de sa bien-aimée/mère. Et la grande déesse mère, qui a recouvré son aspect de jeune fille à la Chandeleur, accueille l’étreinte du jeune dieu soleil et conçoit un enfant. L’enfant naîtra neuf mois plus tard, au solstice d’hiver. Et ainsi le cycle s’achève enfin.
Nous pensons que les coutumes liées à la célébration de l’équinoxe de printemps ont été importées des pays méditerranéens, même s’il ne fait aucun doute que les premiers habitants des îles britanniques les observaient, comme le prouvent les sites mégalithiques. Mais elle était plus populaire dans le sud, où les gens célébraient la fête comme le jour du Nouvel An et l’ont déclaré premier jour du premier signe zodiacal, le bélier. Toutefois, quel que soit votre point de vue, il s’agit assurément de la période des nouveaux départs, des commencements, comme un simple coup d’œil à la nature nous le démontrera.
Au sein de l’Église catholique romaine, deux fêtes se mêlent à l’équinoxe vernal. La première, qui a lieu sur le calendrier fixe à la date du 25 mars et selon l’ancien calendrier liturgique, est appelée la Fête de l’Annonciation à la bienheureuse Vierge Marie (…). C’est le jour où l’archange Gabriel a annoncé à Marie qu’elle « attendait un enfant ». Naturellement, il a fallu le lui annoncer puisque Marie, étant toujours vierge, n’avait aucun moyen de le savoir. (Cesse de te moquer, homme/femme de peu de foi !) Pourquoi l’église a-t-elle choisi l’équinoxe vernal pour commémorer cet événement ? Parce qu’il était nécessaire que Marie attende l’Enfant Jésus neuf mois complets avant sa naissance au solstice d’hiver (c’est-à-dire Noël, célébré sur le calendrier fixe à la date du 25 décembre.) La grossesse de Marie a nécessité la période naturelle de neuf mois, même si la conception était peu orthodoxe.
Comme mentionné précédemment, le plus ancien équivalent païen à cette scène se concentre sur le processus joyeux de la conception naturelle, lorsque la jeune Déesse vierge (dans ce cas-ci, « vierge » au sens originel du terme, c’est-à-dire « non mariée ») s’unit au jeune Dieu solaire, qui vient juste d’évincer son rival. Toutefois, il ne s’agissait probablement pas de leur première union.
Au sens mythique, le couple est peut-être amant depuis la Chandeleur, lorsque le jeune Dieu a atteint la puberté. Mais la jeune Déesse est devenue mère récemment (au solstice d’hiver) et elle se consacre encore probablement tout à son bébé. Par conséquent, la conception est naturellement retardée de six semaines environ et, malgré ses relations antérieures avec le Dieu, elle ne conçoit pas avant (surprise !) l’équinoxe vernal. Il peut aussi s’agir de leur handfasting, le mariage sacré entre le Dieu et la Déesse appelé hiérogamie, l’ultime Grand Rite. La plus belle étude de ce thème est probablement celle d’Esther Harding dans son livre, « Les mystères de la femme ». Sa plus belle description se trouve dans le roman de Marion Zimmer Bradley, « Les brumes d’Avalon », au cours de la scène où Morgane et Arthur assument leurs rôles sacrés. (Bradley suit la coutume britannique qui transfère l’épisode à Beltane, lorsque le climat est plus adapté à sa célébration en plein air.)
L’autre fête chrétienne qui se mêle à l’équinoxe vernal est Pâques (ndlt : Easter en anglais). La fête de Pâques célèbre aussi la victoire du Dieu de lumière (Jésus) sur les ténèbres (la mort), il est donc logique de la placer à cette saison. Ironiquement, le mot “Easter1” vient du nom d’une Déesse lunaire teutonique, Ēostre (c’est également de son nom que provient le mot pour l’hormone femelle, œstrogène2). Ses symboles principaux étaient le lapin (pour la fertilité, mais aussi parce que ses fidèles voyaient un lièvre dans la pleine lune) et l’œuf (symbole de l’œuf cosmique de la création), des représentations que les chrétiens ont eu beaucoup de mal à expliquer. Sa fête, l’Eostara, avait lieu à la pleine lune de l’équinoxe vernal. Bien sûr, l’église ne célèbre pas les pleines lunes, même si c’est elle qui les calcule, elle a donc établi ses Pâques au dimanche suivant. Ainsi, Pâques tombe toujours le premier dimanche après la première pleine lune qui suit l’équinoxe vernal. Si vous vous êtes toujours demandé pourquoi Pâques était mobile sur le calendrier, à présent, vous le savez. (D’ailleurs, l’Église catholique était si résolue à ne pas intégrer le symbolisme de la Déesse lunaire qu’elle a introduit un calcul supplémentaire : si le dimanche de Pâques tombe lors d’une pleine lune, la fête de Pâques est reportée au dimanche suivant.)
Par ailleurs, ceci soulève un autre point : certaines traditions païennes ont commencé à nommer l’équinoxe vernal, « Eostara ». Historiquement, c’est incorrect. Eostara est une fête lunaire, pour honorer une déesse lunaire, à la pleine lune vernale. Par conséquent, il est préférable de réserver le terme « Eostara » à l’esbat le plus proche du sabbat, plutôt qu’au sabbat lui-même. Comment cela est-il arrivé ? Il est difficile de le dire. Toutefois, il est à noter que certains parmi ces mêmes groupes ont détourné le terme « Lady Day » pour l’attribuer à Beltane, ce qui ne laisse aucune dénomination vernaculaire valable pour l’équinoxe. « Eostara » a ainsi été détourné pour nommer l’équinoxe, parachevant la réaction en chaîne des substitutions. Inutile de dire que le nom vernaculaire ancien et répandu pour l’équinoxe vernal est « Lady Day ». Les chrétiens insistent parfois sur le fait que le titre est en l’honneur de Marie et son annonciation, mais cela fait sourire les païens.
Un autre thème mythique qui doit sûrement retenir notre attention à cette époque de l’année est celui de la descente du Dieu ou de la Déesse dans le Monde-d’en-Bas. Peut-être que nous le voyons plus clairement dans la tradition chrétienne. À compter de sa mort sur la croix le Vendredi saint, il est dit que Jésus est « descendu aux enfers » pendant les trois jours où son corps reposait au tombeau. Mais au troisième jour (qui est le dimanche de Pâques), son corps et son âme se sont réunis, il s’est relevé d’entre les morts et monté au ciel. Par une étrange « coïncidence », les plus anciennes religions païennes parlent de la descente de la Déesse dans le Monde-d’en-Bas, également pour une période de trois jours.
Pourquoi trois jours ? Si nous nous souvenons qu’ici nous traitons de l’aspect lunaire de la Déesse, la raison sera évidente. Comme l’explique le texte d’un Livre des Ombres : « Comme la lune croit et décroît, puis parcourt trois nuits dans les ténèbres, la Déesse passe également trois nuits dans le Royaume de la Mort. » Dans notre monde moderne, éloignés comme nous le sommes de la nature, nous avons tendance à voir la période de la nouvelle lune (lorsque la lune n’est pas visible) comme une unique date sur le calendrier. Nous avons tendance à oublier que la lune est également cachée à notre vue la veille et le lendemain de la date calendaire. Mais cela ne passait pas inaperçu auprès de nos ancêtres, qui parlent toujours du séjour de la Déesse au pays des morts pour une durée de trois jours. Est-il donc étonnant que nous célébrions la prochaine pleine lune (Eostara) comme le retour de la Déesse des régions chtoniennes ?
Naturellement, c’est la saison où est célébrée la victoire de la vie sur la mort, comme tout amoureux de la nature le confirmera. Et la religion chrétienne ne s’est pas trompée en célébrant la victoire du Christ sur la mort au cours de cette même saison. Le Christ n’est pas le seul héros solaire à voyager dans le Monde-d’en-Bas. Par exemple, le Roi Arthur fait la même chose lorsqu’il embarque sur son navire magique, Prydwen, pour rapporter de précieux trésors (c’est-à-dire, les trésors de vie) du pays des morts, comme nous le dit le Mabinogi. Les triades galloises font allusion à Gwydion et Amaethon qui font à peu près pareil. En fait, ce thème est si universel que les mythologues y font référence en utilisant l’expression commune : « les tourments de l’enfer. »
Cependant, on peut supposer que la descente aux enfers ou au pays des morts était accomplie à l’origine, non pas par une déité solaire masculine, mais par une déité lunaire féminine. C’est la nature elle-même qui, au printemps, remonte du Monde-d’en-Bas avec son trésor de vie abondante. Les héros solaires ont peut-être revendiqué ce thème beaucoup plus tard. Le fait même que nous ayons affaire à une période d’absence de trois jours nous informe qu’il s’agit d’un thème lunaire et non solaire. (Bien qu’il faille faire une exception pour les rares déités lunaires masculines, comme le dieu assyrien, Sin.) En tout cas, l’une des plus belles interprétations modernes des tourments de l’enfer apparaît dans de nombreux livres des ombres, il s’agit de « la Descente de la Déesse ». Lady Day se prête sans doute tout spécialement à la célébration de ce thème, sous la forme d’une narration, d’une lecture ou d’une reconstitution théâtrale.
Pour les sorcières modernes, la Fête de la Dame (ndlt : ou Jour de la Dame, « Lady Day » en anglais) est l’un des sabbats mineurs ou petites fêtes de l’année, l’un des quatre « quarter days »1. Et à quelle date les Sorcières choisissent-elles de la célébrer ? Elles choisiront peut-être la date vernaculaire traditionnelle fixée au 25 mars et qui commence la veille. Ou peut-être, la date du véritable équinoxe, lorsque le soleil traverse le plan équatorial terrestre et entre dans le signe astrologique du bélier.
1 NdlT : Le dictionnaire en ligne Oxford explique l’étymologie du mot Easter (Pâques) : « Anglais ancien ēastre ; d’origine germanique et relatif à l’allemand Ostern et east ; peut-être de Ēastre, le nom d’une déesse associée au printemps. » Ostern signifie Pâques et east, l’est.
2 NdlT : L’étymologie proposée ici par l’auteur est erronée. Selon le dictionnaire en ligne Oxford, l’étymologie du mot estrogen est « oestrus + -gen ». Oestrus vient du grec ancien, οἶστρος, oîstros, qui désigne au sens figuré la fureur, le désir, la passion.