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Par Artus.
Le concept de théologie a été introduit par Platon pour réfléchir à la réalité qui se cache derrière la mythologie. Au départ, la théologie est donc une discipline rationnelle. Cela n’a pas toujours été le cas au fil des siècles. Bien des « théologiens » ne font que retranscrire leur vision du monde, selon leur religion, sans se soucier de la raison. Mais pour ma part, je reste attaché à une vision rationnelle de la théologie.
La théologie possède deux grandes facettes. D’un côté, une théologie théorique et de l’autre, une théologie plus expérimentale.
La théologie théorique recherche le divin au-delà de toute expérience mystique, par la logique pure. L’exemple le plus classique est la cause première d’Aristote. Pour faire court, si le monde était le résultat d’une succession infinie de causes et d’effets, comme l’infini est au-delà de notre compréhension, le monde serait incompréhensible. Si le monde est compréhensible, c’est qu’il est le résultat d’une cause première et d’une succession finie de causes et d’effets. Cette réflexion a été beaucoup plus poussée par d’autres théologiens, par exemple Thomas d’Aquin.
Cette démonstration est assez étonnante dans notre culture actuelle qui nous inculque que science et religion s’opposent. En réalité, plus nous expliquons le monde, plus nous démontrons l’existence d’une cause première qui n’est pas de ce monde. À ma connaissance, cette démonstration n’a jamais été contredite de manière sérieuse. Donc tout vrai rationaliste devrait être déiste et non athée.
Pour démolir cette démonstration, de nombreux athées utilisent le sophisme de l’épouvantail. Cela signifie qu’ils rendent cette démonstration ridicule pour mieux la contredire. En général, ils demandent « qui a créé la cause première ? ». Mais par principe, la cause première est incréée. Pour parler de la cause première, on emploie également l’expression « moteur immobile ». La question « qui a créé la cause première ? » revient à se demander « qui a mis en mouvement le moteur immobile ? ». Exprimé ainsi, le ridicule de l’argument épouvantail devient évident.
La théologie théorique n’est pas ma spécialité et si cela vous intéresse, je vous laisse chercher par vous-même. Finalement, cette théologie purement intellectuelle permet de démontrer que notre univers possède une source qui n’est pas de ce monde. Mais elle ne nous permet pas d’en savoir plus. La théologie que je qualifie d’expérimentale a pour but de donner un sens à notre vécu. Il existe de nombreuses techniques conduisant à la transe et à l’extase. Mais au-delà du folklore, quelle est la réalité objective de ces expériences ? Cette recherche m’intéresse beaucoup plus.
Par exemple, lorsque nous sommes pleinement dans l’instant présent, nous éprouvons un sentiment d’éternité. Cette expérience est-elle objective ou subjective ? Prouve-t-elle l’immortalité de l’âme ou s’agit-il d’une illusion de l’esprit ? Il est impossible d’avoir une certitude sur ce genre de questions. Par contre, il est possible de se demander si cette croyance nous rend service ou non. On trouve par exemple cette réflexion sur l’immortalité de l’âme dans le Phédon de Platon. Et voici l’un des arguments de Socrate : « Si ce que je dis se trouve vrai, il est bon de le croire ; et si après la mort il n’y a rien, j’en tirerai toujours cet avantage, de ne pas fatiguer les autres de mes lamentations, pendant ce temps qui me reste à vivre. »
Dans toutes les religions, on trouve des croyances de ce genre. Bien sûr, la plupart des gens qui adoptent une religion croient qu’elles sont vraies. Mais objectivement, on ne peut pas avoir la certitude qu’elles sont vraies. Encore une fois, leur but n’est pas d’exprimer la vérité. Leur but est de nous aider à mieux vivre. Par exemple, de nombreuses personnes se laissent anéantir par les difficultés de la vie. Le monde est souvent absurde et injuste. Et dans la plupart des religions, on trouve une explication pour lui donner du sens et nous aider à rester debout devant les difficultés.
Dans le bouddhisme, les âmes ont un apprentissage à réaliser. Pour cela, elles vivent le cycle des incarnations. Et dans chaque épreuve, nous pouvons trouver une leçon pour notre âme. Selon la kabbale, le monde est brisé et le rôle des humains est d’apporter la lumière nécessaire pour le réparer. Ces deux croyances sont assez différentes et certainement fausses. Mais elles ont le même but. Elles permettent à celui qui les adopte de trouver plus de sens dans l’absurdité de la vie.
Même si la théologie existe depuis près de deux millénaires et demi, nous vivons encore aujourd’hui dans l’âge de la mythologie. La plupart des gens croient à une mythologie sans comprendre ce qu’il y a derrière. Cela est également vrai pour notre monde moderne matérialiste. Si vous avez des doutes à ce sujet, je vous conseille la lecture de « La société de consommation » de Jean Baudrillard qui démontre la nature mythologique de notre civilisation.
Avant, la théologie était réservée à une élite. Elle ne s’est jamais démocratisée et c’est pour cela que nous n’avons jamais atteint l’âge de la théologie. Mais à notre époque, n’importe quel idiot du village à une capacité d’abstraction supérieure à celle des intellectuels des temps anciens. Et avec internet, la connaissance est partout. Je trouve dommage qu’encore aujourd’hui, nous restons dans un âge de mythologie. Il faut dire que la plupart des gens sont trop attachés à leurs illusions pour appréhender le monde rationnellement. Mais pourtant, il est tellement plus efficace de choisir ses croyances en comprenant ce qu’il y a derrière, plutôt que d’adopter une histoire uniquement parce qu’elle nous rassure ou pire, parce qu’elle nous fait peur.