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Par Doreen Valiente. Extrait du livre : « An ABC of Witchcraft past and present ». Traduction & adaptation : Lune.
Est-ce qu’en voyant briller le soleil, la lune cheminer avec majesté,
mon cœur a été secrètement séduit, et ai-je présenté ma main aux baisers de ma bouche ?
Cela aussi eût été un crime capital, car j’eusse renié le Dieu fort d’en haut.
Ce passage du livre de Job, considéré comme le plus ancien livre de la bible, atteste l’ancienneté du culte de la lune. En outre, il témoigne de l’attrait de son auteur pour la lune et de sa crainte d’éveiller la jalouse colère de Yahvé en accomplissant l’ancien rite du salut à celle-ci.
Luminaire nocturne le plus visible et corps céleste le plus proche de notre terre, la lune est suspendue tel un miroir magique scintillant qui reflète les rêves des hommes. De l’âge de pierre à celui des voyages dans l’espace, elle ensorcelle et exerce une attraction sur l’humanité.
La lune a toujours été perçue essentiellement comme féminine, bien qu’il y ait de nombreux dieux lunaires, comme des déesses lunaires. La psychologie confirme cela ; la lune, dans la vie onirique de l’homme, est un symbole de l’influence féminine, et en particulier de la mère. Les dieux lunaires, dont notre « man in the moon » des livres de contes est le dernier vestige, représentait les pouvoirs positifs de la lune, lorsque sa lumière est en train de croître ou décroître.
Nos lointains ancêtres ont remarqué un lien entre la fertilité humaine et la lune, à travers sa course autour de la terre en 28 jours, le temps d’un cycle menstruel ; c’était une raison de plus pour la considérer comme féminine. Cependant, elle régit également les fluides et sécrétions du corps, en termes astrologiques ; et cela inclut le fluide séminal, blanc et nacré. Ainsi, sperme et sang menstruel, les signes et éléments essentiels de la fertilité humaine, sont tous deux régis par la lune.
Elle régit également les marées qui sont de plus grande amplitude au moment de la nouvelle et de la pleine lune. C’était très important pour les anciennes communautés de pêcheurs. Mais la croyance séculaire selon laquelle l’influence de la lune sur les flux de l’énergie psychique et des affaires humaines était plus importante encore.
De nos jours, les opinions divergent à ce sujet. Certaines autorités affirment que la vieille croyance en l’influence des phases lunaires sur le comportement humain est absurde. D’autres déclarent avec la même assurance que cette supposée influence est factuelle et que quiconque est en contact avec la nature humaine dans toutes ses bizarreries peut en attester. Les policiers du monde entier identifient la pleine lune comme la période où des choses inhabituelles sont susceptibles de se produire ; non seulement le type de crimes ordinaires, mais aussi des comportements bizarres, en particulier à caractère sexuel. De nombreux tueurs de femmes ont été surnommés, du moins par la presse, les « meurtriers de la lune ».
On a longtemps cru que la lumière de la pleine lune, et celle de la lune de midsummer en particulier, avait un effet perturbateur sur l’esprit. De là viendrait le terme « lunatique » (ndlt : au sens de « fou », qui est atteint de folie) pour désigner les personnes mentalement dérangées. Une fois encore, certaines personnes sont d’accord avec cette croyance et expliquent que les crises de maladie mentale coïncident avec la pleine lune ; alors que d’autres se moquent et la décrivent comme un conte de bonnes femmes. L’auteur de ce livre peut cependant témoigner avoir connu un homme d’affaires prospère, par ailleurs tout à fait normal, dont le discours se trouvait affecté au moment de la pleine lune. Sa façon de buter sur les mots à cette période du mois était si bien connue au sein de sa famille qu’ils l’appelaient « les lunes ».
Les anciens almanachs, sur lesquels les gens de la campagne s’appuyaient fortement, donnaient habituellement des listes de choses à faire et ne pas faire, au sujet des semailles, la coupe du bois, etc., en fonction des différentes phases lunaires. En générale, la règle consistait à utiliser la lune croissante pour tout ce que vous vouliez voir croître et la lune décroissante pour se débarrasser des choses dont vous ne vouliez plus.
La décroissance de la lune était également une période de magie malveillante, tandis que la croissance de la lune était une période de magie bienveillante. C’est pourquoi « wanion » est un mot archaïque (ndlt: anglais) pour désigner une malédiction, car celle-ci était jetée au moment du déclin de la lune (ndlt : waning of the moon en anglais).
Tout ceci fait partie du folklore ancien du culte de la lune et de la magie lunaire. Comme le dit cette vieille comptine :
Pray to the Moon when she is round,
Luck with you will then abound.
What you seek for shall be found,
On the sea or solid ground.Lorsqu’elle est ronde, la lune tu prieras,
Alors, pour toi, la chance abondera.
Ce que tu cherches, tu trouveras.
Sur mer, sur terre, où que tu sois
L’une des triades bardiques traditionnelles, qui seraient transmises par les druides, nous dit : « Les trois noms embellissant la lune : le soleil de la nuit, la lumière de beauté et la lampe des fées. »
Les rayons de lune sont effectivement une « lumière de beauté » ; lorsqu’ils filtrent à travers les branches de quelques bois, ou teintent d’argent les toits d’une ville, ou dessinent un sentier lumineux sur les vagues de la mer. Les choses ont tendance à avoir l’air très différentes sous le clair de lune et celui-ci a exercé une attraction sur les amoureux à travers les âges, bien avant que ne soient construites les pyramides. La déesse de la lune était la déesse de l’amour, ainsi que la dame des enchantements et des mystères, en toutes villes et provinces florissantes lorsque le monde était jeune. De magnifiques femmes de l’Égypte ancienne l’ont saluée sous le nom de Reine Isis. Les rayons de lune étaient les flèches de la blanche Artémis, tirées à travers les arbres bruissants des forêts de Grèce. Des fêtes sauvages et joyeuses étaient célébrées en l’honneur d’Ishtar. Elle était la Diane des bois de chêne sacrés de Nemi ; et dans sa vision magique, Lucius Apuleius la vit s’élever à minuit de l’océan enchanté.
Pour les philosophes occultistes du moyen-âge, la lune correspondait à l’argent alchimique, et le soleil à l’or. Ceux qui pratiquaient la magie de toute sorte observaient la lune ; et les sorcières particulièrement, habiles dans le travail magique de la lune croissante et décroissante. Le redouté nombre 13, qui est leur favori, vient des 13 mois lunaires de l’année.
De nos jours, pour la première fois de l’Histoire, l’homme a réalisé l’un de ses plus vieux rêves. Il a voyagé sur la lune et a foulé la surface lunaire. Certaines personnes, que je crois plutôt dénuées d’imagination, se sont écriées que cela avait privé la lune de son antique splendeur ; que son glamour et sa magie s’étaient dissipés. A mon avis, rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. L’envol vers la lune, la quête de la Déesse Blanche, a été l’une des plus grandes aventures et l’une des plus magiques.
Il n’existe aucune raison ordinaire à cela, pas plus que l’ascension de l’Everest ou le voyage fou de Christophe Colomb à travers l’Atlantique, avec la peur constante chez ses marins de tomber du bord du monde, ce voyage qui permit de découvrir par erreur le Nouveau Monde. Bien sûr, l’argent aurait pu être plus raisonnablement dépensé pour des services sociaux ou pour soulager la famine ; mais l’homme est parfois dirigé par des sentiments beaucoup plus profonds que la raison. Le désir pressant d’une magie ancestrale a attiré son navire vers ce royaume réellement mystérieux ; tel un miroir brillant suspendu dans l’espace, croissant d’argent sur le bouclier de la nuit.
Les premiers échantillons de pierre lunaire examinés se sont révélés être une substance enrobée et fusionnée de verre, présumée d’origine volcanique. Ainsi, la surface de la lune est en effet semblable à un miroir réfléchissant, même si les anciens occultistes ont affirmé que ses fonctions étaient, en l’occurrence, de rassembler et refléter sur terre les rayons du soleil, des étoiles et des planètes, mais imprégnés d’un magnétisme particulier, de l’influence propre de la lune.
Nul païen doté d’intelligence n’a jamais été assez sot pour penser que la lune visible dans le ciel était une déesse. Au contraire, les planètes et luminaires ont été nommés d’après les dieux et non l’inverse. Il s’agissait de grandes puissances de la Nature, personnifiées comme dieux et déesses, dont les influences se manifestaient à travers les corps célestes. Cela, en tout cas, était et reste la conception des initiés en astrologie.
La même puissance qui régit le soleil gouverne le feu. La puissance qui régit la lune gouverne l’eau. Le soleil était essentiellement masculin ; la lune essentiellement féminine. Toute la nature manifestée était une force incarnant une forme ou une autre ; et pour que les hommes puissent se rapprocher de ces forces, qui n’étaient pas aveugles, mais dotées d’intelligence au-delà de celle de l’humanité, ils conçurent des images pour « les puissances supérieures » afin de leur donner une âme et les noms de dieux et déesses. « Car par les noms et les images, toutes les puissances sont éveillées et réveillées », comme nous le dit l’un des grands rites de la tradition occidentale des mystères (ndlt : cf. Initiation aux secrets de la magie par Israël Regardie).
Une grande partie de la véritable sorcellerie concerne la magie lunaire qui dérive des traditions séculaires du culte de la lune. Bien qu’un grand nombre de livres aient été écrits au sujet de la sorcellerie des temps modernes, en réponse à l’intérêt du public toujours renouvelé sur ce sujet, très peu de choses ont été dites sur cet aspect.
Charles Leland est l’une des très rares personnes ayant jamais écrit avec une connaissance approfondie de la sorcellerie. Et dans ses livres, il nous en dit beaucoup sur la magie lunaire. Un autre auteur qui a démontré des connaissances inhabituelles sur ce sujet est la regrettée Dion Fortune. Bien qu’ils ne traitent pas spécifiquement de sorcellerie, deux de ses romans occultistes, The Sea Priestess et Moon Magic, contiennent beaucoup de curieuses connaissances et traditions lunaires.
Les cultes des déesses lunaires, comme Isis et Diane, sont passés de religions très populaires répandues à travers tout l’Empire romain à l’obscurité forcée, absorbées par le Christianisme. Contrairement à la croyance générale, les mystères religieux païens n’ont pas disparu. Ils ont été réprimés, mais ont perduré sous une forme clandestine et souterraine, en raison de l’attrait émotionnel qu’ils exercent, notamment sur les femmes. L’une des formes qu’ils ont finalement prises est celle de l’Ancienne Religion, le culte de la sorcellerie.