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Les Mystères de la Mort et le Maître Cornu
Par Nigel Jackson ©, traduction & adaptation Tof
Au XVIème siècle, durant le procès de sorcières d’Aberdeen, Andro Man a décrit un rassemblement de Sabbat où il a vu l’Ancien, « …sortir de la neige sous l’apparence d’un cerf ». C’était une rencontre avec l’une des plus archaïques et primales divinités de l’âme du peuple européen – l’ancestral Dieu Cornu de la mort, de la fertilité et de l’extase prophétique, le sombre Roi du monde souterrain que la tradition galloise nomme Gwyn ap Nudd, Roi d’Annwvyn qui renvoie au Celte Vindonos fils de Nudons.
Au début des mois d’hiver, il est le Maître de la Chasse Sauvage, et sa traque frénétique et fantomatique est accompagnée des totems initiaux du cerf, du chien, du corbeau et de l’oie des neiges. Le Vieux Cornu est un dieu effroyablement grossier, étrange qui guide la chasse à l’occasion de cette période critique de renversement rituel, « le temps entre les temps ».
L’effrayante troupe du Cornu, au blanc manteau et à l’oreille rouge est appelée Meute Hurlante – Un autre nom de la « Meute de Gabriel » ; il est significatif que dans des cortèges funèbres médiévaux la bière ait été appelée la Carriole de Gabriel. Là l’archange avec sa trompette avait assimilé l’archétype païen du dieu de la Chasse Sauvage qui souffle dans sa corne pour soumettre l’esprit des morts.
Un ancien nom du Furieux en dialecte anglais est « Owd Scrar » qui vient de « Schrat » qui en ancien Hoch Deutsch signifie « démon des bois chevelu ». Ce terme est utilisé pour désigner le Diable dans la vieille version de la Bible, (encore un exemple d’une interprétation erronée des chrétiens).
La Tradition allemande identifie Odin au Chasseur Sauvage qui conduit la « Chasse de Noël ». Ses nombreux noms dérivent de l’adjectif proto-indo-européen Watos un mot employé au sujet de la transe extatique et à partir duquel l’épithète Watonos (le Furieux) est formé. Le « Furieux » qui personnifie et accorde les facultés extatiques et le génie prophétique du chaman. Nous pouvons voir cette racine dans de nombreuses langues comme l’ancien Norois « Odhr » (inspiration), l’Allemand « Wut », le Saxon « Wod », le Goth « Woths », le latin « Vates » qui désignent le prophète et l’Irlandais « Faith » pour le barde extatique. L’expression « Old Nick » vient d’un des noms du dieu Odin, Hnikkar ou « Le Tueur ». Parfois on l’appelle Hakelberg ou « Celui qui porte un manteau », avec son manteau bleu et son grand chapeau à ruban, toujours accompagné de corbeaux, ses oiseaux sacrés et dont la horde funeste est annoncée par le hibou Tutursel. Les lieux où il s’arrête pour laisser paître son cheval deviennent des lieux de pouvoir où, dit-on, le vent souffle sans cesse.
Il y a aussi certaines anciennes voies le long desquelles les esprits se manifestent continuellement et poursuivent leur chasse à certains périodes de l’année. Ces voies sont les « Voie d’Odin » dans la partie Saxonne de l’Angleterre. Dans les Pays Bas et en Allemagne ces voies fantômes sont appelées Doodwegen ( chemins des morts ) et Geisterwegen ( chemins des fantôme ). Ainsi les nuits de tempêtes à Dartmoor le Chasseur de Minuit et ses chiens sont censés courir sur la route connue sous le nom de Abbot’s Way qui mène en Cornouailles
Autrefois, les gens évitaient soigneusement ces chemins surtout à l’approche des festivals du feu, et cela pouvait être désastreux de passer par là. Rencontrer le dieu sur une de ces routes pouvait entraîner la folie ou la mort. Dans une maison ou deux ou trois portes se faisaient directement face, c’était comme si la Chasse Sauvage passait par elles. De tels alignements étaient évités autrefois par les architectes. Tout cela indique une dimension géomantique inhérente au concept de la chasse sauvage, cela toucha aux paysages rituels, aux chemins des esprits et des manifestations magiques cycliques.
Gabriel Ratchets vêtu de blanc et aux oreilles rouges qui chasse avec le Roi Cornu est le parallèle des chiens noirs dont on parle, par exemple en 1127 dans la Chronique Anglo-Saxonne, lorsque la chasse sauvage a été vue dans la campagne aux alentours de début février (Imbolc/ la Chandeleur).
Les gens effrayés « se sont cachés des chevaux noirs et d’autres animaux ainsi que des chiens noirs comme de la poix et dont les yeux les regardaient terriblement fixement… Tout le nuit les moines on entendu leur vacarme et les meuglements de leurs cors ». Dans de nombreuses régions britanniques, l’apparition d’un Chien Noir est craint car il augure une mort. L’animal fantôme est appelé Black Shuck dans l’Essex et Barguest dans le Yorkshire. Ce second nom provient de l’allemand « Bahrgeist », l’esprit du cercueil.
Le Diable apparaît parfois ainsi au sabbat ; en 1655 lors d’un procès de sorcière dans le Suffolk il est rapporté que « l’Ancien s’est manifesté sous la forme … d’un chien roux et frustre jouant de la cornemuse », et en 1617 à Guernesey la sorcière Isabel Becquet l’a vu sous la forme d’un chien « avec deux grandes cornes ». A Guernesey la tradition désigne le Chien Noir sous le nom de Tchi-Co et l’affuble d’yeux lumineux et d’une chaîne bruyante. Le lien entre les chiens et les puissances de mort est ancien puisque les chiens sont supposés percevoir la présence de la déesse Hela.
Dans certaines formes de Sorcellerie Traditionnelle le Chien Noir est représenté par le bâton, une fourche en bois de frêne plantée au Nord du cercle en tant que Gardien Cornu du portail entre les mondes. Parfois le Bâton est formé d’une paire de cornes de taureau montée sur un bâton avec une couronne de lin accrochée à deux flèches entrecroisées.
Cet objet de culte chamanique fait aussi partie de la tradition folklorique du Northamptonshire de « la Chevauchée du Skimmington » ou « Chevauchée du Bâton », où on le porte par les rues à minuit au son de la cacophonie du Ran Tan Band, un tintamarre de tambours, de casseroles et de trompettes.
C’est l’invocation rituelle de la Chasse sauvage et de son Seigneur, que l’on fait pour chasser du village ceux qui battent leur femme, les adultères et les malfaisants.
A Ashton-under-Lyne il y a une procession connue sous l’appellation de « Chevaucher l’Homme Noir » qui a été interprétée comme une Chasse Sauvage cérémonielle. L’ « Homme Noir » est bien sûr l’Ancien, que les sorcières de North Berwick rencontrent à leur sabbat sous l’apparence d’un «grand homme noir » avec des yeux de braises. L’homme Noir Ou Homme en Noir est le véhicule humain et le prêtre du Maître Cornu, Gwynn / Odin et le représente ; une puissance sauvage et âpre des ténèbres et du froid. C’est le sombre et terrifiant Esprit Chasseur qui accorde la mort, l’extase et l’initiation à ceux qui le suivent ; il est celui qui Ouvre la Voie vers le Monde brumeux du Dessous aux âmes désincarnées.
Il y a des similitudes entre le Maître Noir de la tradition Nord Européenne et le dieu Sibérien du monde du dessous et Seigneur des Morts, Irlik Khan devant chez qui pousse un pin à neuf racines. Cette déité enchaîne les âmes et est vraiment mise en avant dans les activités cultuelles des chamans « noirs » qui se spécialisent dans les descentes dans le monde du dessous. En Sibérie Orientale ces chamans portent un couvre chef rituel avec des cornes symboliques en fer, qui ressemblent beaucoup à celui dont on se sert dans les rites Européens comme les « les Murmures du Cerf » d’Abbots Bromley.
Au début d’une nuit noire, l’Ancien souffle dans son cor et la Charge Furieuse des nuits sauvages passe par l’âme chassée du corps et entre en communion avec le courant ancestral en Annwvyn. C’est plus qu’une simple métaphore pour la mort physique, car elle symbolise l’initiation aux Mystères du Roi Cornu du Monde du Dessous.
La Danse Macabre Médiévale semble être un souvenir de ces pratiques. Au cours du règne d’Henry VI on a joué une Danse des Morts dans la cathédrale St Paul de Londres. Les participants étaient costumés en squelette, et ces processions étaient un spectacle populaire au moyen-âge.
Dans le folklore Breton, l’apparition de l ‘Ankou, celui qui conduit le chariot du Dieu de la Mort et guide les âmes des morts jusqu’au Monde du Dessous, est lié avec la tradition de la Chasse Sauvage, comme l’est l’histoire répandue du « pilote fantôme ».
Les sombres aspects du Dieu Cornu sont parfois ignorés dans les formes contemporaines de paganisme car notre sensibilité moderne n’est pas à l’aise avec eux.
La société moderne est timide avec ce sujet tabou et préfère les fantaisies de l’immortalité cryogénique. Nos ancêtres faisaient face à la réalité et respectaient les puissances de la mort avec dévotion et crainte. Le Maître Noir pouvait être terrible mais il est normal de ressentir la peur en sa présence, c’est la peur de la mort elle même qui nous teste, nous apprend et nous initie. Nous devons tous regarder en face le Gardien Cornu de la Porte et aller vers les ténèbres pour s’approcher de l’éclat revivifiant de la déesse. L’intuition de son arrivée peut être sentie dans les sombres forêts venteuses au début de l’hiver, quand la clameur de la tempête secoue le sommet des arbres et que les nuages filent à toute allure devant les étoiles froides, c’est là que l’on sait vraiment qu’il chasse et qu’aucun être vivant ne peut échapper à la horde céleste du Cornu