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Sheela-Na-Gig
Par Chris Thompson, Traduction adaptation Lune
Sculptée dans une ancienne voûte recouverte de mousse, à demi cachée dans le lierre luisant, une figure apparaît. Ce vieux relief sculpté s’est adouci et patiné avec l’âge. Mais si vous examiner la figure avec soin, elle parle toujours clairement. Une femme, grotesque et bouffie, dont la large tête possède d’énormes yeux qui, de haut et directement, vous fixent. Ses jambes sont écartées, genoux pliés, ses bras sont fuselés et ses mains écartent des parties génitales disproportionnées. Elle n’est pas belle et il n’y a alors aucun doute sur son pouvoir. Cette improbable et étrange figure est sculptée au-dessus de la porte d’une ancienne chapelle. Que diable fait-elle ici ?
C’est Sheela-Na-Gig.
Ces grotesques représentations sont fréquemment trouvées dans les églises à travers toute l’Europe. Il est convenu de dire qu’elles sont là pour éloigner les mauvais esprits, mais Sheela-Na-Gig peut avoir une signification plus profonde et plus positive. Elle est la Terre-Mère qui donne et reçoit la vie en retour, c’est une figure de changement et de transition, qui, comme toute « porte » psychopompe possède un aspect inquiétant. Le changement est par nature dérangeant. Aux périodes de « passage », nous allons du connu vers l’inconnu. Ce qui est inconnu peut être effrayant et les aspects des gardiens peuvent l’être également. Une fois le changement effectué et la porte passée, nous pouvons regarder derrière nous et nous interroger sur nos peurs. Les gardiens des portes deviennent alors des figures de renaissance et de régénération, belles et pleine de compassion.
La Sheela-Na-Gig est donc connectée à la figure de gardien qui avertit et guide lors de transition, et qui, dans les vieilles histoires apparaît comme la « laveuse au gué » ou la bien connue femme fée, la banshee.
Elle est « l’Ancienne » qui attend avant et après. Sinann, la Déesse qui a donné son nom à la Shannon (ndt : rivière irlandaise), qui signifie également « Ancienne ». Son histoire dit comment elle s’est approchée du puits sacré, tenu secret, retenu et statique, bordé de neuf noisetiers possédant les noisettes rouge sang de la sagesse. Il était connu de « quelques-uns » seulement, la prêtrise initiée. Elle alla au puits, emplie de curiosité et dansa avec l’eau. L’eau s’éleva et déborda joyeusement pour devenir une rivière et libérer le saumon de sagesse à la mer. Pour moi, cette histoire représente le partage de la source continuelle de vie et de créativité de tout. Sinann s’est donnée à la rivière, accueillant la transformation et devant une source de régénération intarissable.
Elle est « l’Ancienne », sous un autre aspect, dans l’histoire de la mort de Muircheartach Mac Eara. Une femme Sidhe, appelée Sin (ndt : en anglais Sin signifie péché), prépare et conduit le grand roi vers la transition de sa triple mort prophétisée. C’est une étrange histoire, qui vaut d’être lue entièrement, où la fonction de Sin en tant que gardienne de transition, du passage est claire.
Dans un très intéressant livret de William Battersky, « Three Sisters at the Well » (Trois Sœurs au Puits), j’ai trouvé confirmation des mes propres explorations de l’histoire de Sinann. Il mentionne une Sheela-Na-Gig (ou Sile-Na-Gig) sur les murs de l’église de Dowth. Elle était connue sous le nom de Sainte Shanahan et l’église était dédiée à Sainte Sinann. Une légende locale parlait d’un puits derrière l’église, asséché après qu’une femme y ait lavé ses vêtements.
Presque tous les puits et rivières ont été baptisés du nom de Déesses. Les histoires, comme elles sont parvenues jusqu’à nous, sont toutes très similaires. Mais elles ont toutes pris une certaine tournure (déformations), peut-être parce qu’elles ont été rapportées par des hommes sans femmes, des moines cloîtrés. Aujourd’hui, elles parlent de puits et de rivières libérés, sauvages, dont n’avait pas pris soin, ou, dans le cas susdit détruits par le principe féminin. A propos de l’origine de la Shannon, du Boyne et d’autres, toutes les histoires racontent la même chose. Il existe même un lac près d’ici, Lough Fenagh, qui fut formé lorsqu’une femme ne replaça pas le couvercle d’un puits et un logique débordement s’ensuivit. Cependant dans la version « monacale », un homme à l’esprit vif était tout près, il prit sa faux, lui coupa les pieds et empêcha de ce fait le développement d’une nouvelle rivière !
Il existe une vieille histoire du gallois Mabinogion qui dit qu’une terre fertile devient une terre désolée lorsque les Déesses donneuses de vie des puits s’écoulant librement sont abusées. Il est dit que la terre serait restaurée lorsque le Rire des Puits serait à nouveau entendu une fois dans le pays et qu’à ce moment les gardiens seraient reconnus et honorés.
La Sheela-Na-Gig est la source, la voix du puits. Si ses dons de vie, qui incluent transition et changement, sont pleinement acceptés, alors les eaux nourricières et régénérantes couleront librement pour être partagés pour tous.
Ainsi, elle siège, attendant au-dessus de sa porte, offrant la joyeuse abondance pour vivre, pour créer. Son nom contient l’élément Sidhe (Shee. Ndt : sidhe se prononce shii), elle apportera la transformation mais elle n’a pas à être crainte.