Liber Magnum Opus

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Liber Magnum Opus. Par Peter J. Carroll, traduction Faoltiern Shelcallec. Tiré de « The Magic of Thanateros », 1978.

L’ invocation la plus importante d’un magicien est celle de son génie, démon, véritable volonté ou Augoides. Cette opération est classiquement connue comme la réalisation de la Connaissance et Conversation du Saint Ange Gardien. L’Augoides peut être défini comme le plus parfait véhicule du Kia sur le plan de la dualité. Comme l’avatar du Kia sur terre, l’Augoides représente la véritable volonté, la « raison d’être » (en français dans le texte) du magicien, le but de son existence.

La découverte de la véritable nature du génie de quelqu’un peut être difficile et chargée de danger, car une mauvaise identification mène à la folie et à l’obsession. L’opération pour obtenir la Connaissance et Conversation est habituellement une entreprise de longue haleine. Le magicien tente une métamorphose progressive, un examen complet et général de son entière existence. Il doit d’abord rechercher le plan pour sa renaissance pendant qu’il progresse. La vie est moins l’accident sans signification qu’il y paraît. Kia a manifesté cette condition particulière de dualité pour une certaine raison.

Le génie ou Augoides a souvent été relié au soleil comme la lumière de la Terre. Le soleil n’a jamais été vénéré pour lui-même, mais comme un symbole de rayonnement du Tao qui illumine l’Univers. C’est à partir de l’examen de la voie du Tao que quelques idées sur la nature générale du génie peuvent être glanées. Il peut sembler fou de chercher des qualités dans le Tao, quand, comme étant à l’origine de toutes choses, il n’y a rien qui ne soit le Tao. Bien qu’il n’y ait aucune partie de moi qui ne soient pas Dieu, qu’elle est l’origine de mon mécontentement… Dieu ? Le mécontentement survient quand les phénomènes deviennent trop complexes et quand ils ont évolué dans des positions antagonistes. Les actes et artefacts des hommes sont souvent laids parce qu’ils sont imposés, arrangés, exagérés. Il n’y a rien qui ne soit le Tao, mais il y a beaucoup de choses qui ont été déplacées loin de la source. L’agent de ce déplacement est invariablement l’esprit d’ingérence de l’homme. C’est un triste paradoxe que l’intelligence humaine crée le mécontentement par l’acte de tenter de l’éviter. C’est cette ingéniosité qui crée l’ego et imagine le mécontentement en premier lieu. Partout où l’ingéniosité libérée échoue à satisfaire et où les hommes poussent des cris pour une sagesse qu’ils imaginent perdus. Mais il y a de la sagesse dans la façon dont une rivière coule, dans la façon dont une plante pousse et même dans la façon dont se dresse une colline. Il y a de la sagesse dans la façon où un animal attrape sa proie. L’ Univers accomplit sa Véritable Volonté tout le temps.

Au contraire des autres invocations, le génie n’est pas quelque chose ajouté à quelqu’un, c’est plutôt un dépouillement du surplus afin de révéler le dieu à l’intérieur. Nous possédons déjà tout ce dont nous avons besoin pour l’existence. Nous avons seulement besoin d’abandonner la fausseté et les futilités que nous avons acquises.

Le magicien laisse tomber toutes les actions dont il résulte des tensions, de l’inquiétude, de l’anxiété, des frictions, de la rancœur, de la culpabilité, du désir ardent, des remords et des regrets ; de telles émotions sont toujours symptomatiques de contraintes inutiles. Il donne libre cour à toutes humeurs, fantaisies et émotions qui surviennent sans contraintes ou pression passée pour lesquelles elles sont une expression de sa nature. En n’étant pas en guerre avec soi-même, ses actions ont un style particulier, une grâce et une efficacité. Tout, mais le plus tordu et instinctivement attiré par lui.

Vivre en sachant que rien ne peut vraiment prendre prise sur lui, lui permet de vivre libre d’agir sans peur. Si sa nature l’emmène sur les champs de bataille, il combat sans colère ni désir de résultat et non sans humour.

Le rire est recherché en toutes choses pour son expression la plus belle de non/attachement de non/désintérêt qui lui permet d’être dans ce monde, mais pas de ce monde. Il prend du plaisir dans l’ordinaire et le naturel, rejetant l’involution des artifices frivoles, l’attitude d’une élégance formelle ou d’une humeur affectée. Il n’y a pas besoin de divertissements artificiels et ne voit pas de raisons de se passionner pour ceux-ci. Il est un artisan de sa propre existence. Percevant en toutes choses un éclat du Tao, un sourire apparaît sur ses lèvres en reconnaissance, se muant parfois en rire dans le plaisir de la découverte d’une nouvelle méthode par laquelle l’infini se cache et se révèle. Suivant la voie du Tao, il est assisté par l’ élan de l’Univers et semble posséder une incroyable chance. Conscient que le pire lui est déjà arrivé, qu’il est mort et vit en Enfer, il ne laisse rien le perturber, mais permet à chaque action d’être une science, un art et un geste religieux, un reflet du Tao.

Ce qui suit est une invocation qui peut être utilisée comme une base quotidienne pour parvenir à la Connaissance et la Conversation:

Directement au réveil, de préférence avec le soleil, l’initié va à l’endroit de l’invocation. Se représentant lui-même comme étant né à un jour nouveau, ce qui amène avec lui la chance d’une plus grande renaissance. Ce jour l’éveillera-t-il à la perfection ? En premier, il bannit le Temple de l’Esprit par rituel ou pratyahara. Il amène alors avec lui une marque ou un symbole ou un nom représentant l’Augoides comme véhicule du génie du Kia dans le Tao. Ceci peut bien le changer durant le déroulement du Grand Œuvre au moment où son inspiration commence à le pousser. Ensuite il formule ses aspirations de la manière dont il le souhaite, se soumettant humblement à la prière ou s’exaltant dans de fortes proclamations, au besoin. La meilleure formulation pour cette invocation vient spontanément du cœur et s’il y a des hésitations en premier lieu, cela s’élaborera et s’améliorera de lui-même avec le temps. Le rituel pourra être conclu avec une aspiration à la sagesse du silence par dhyana sur le symbole du Grand Œuvre ou en se représentant le corps illuminé par la blanche brillance divine. Périodiquement, une forme plus longue d’exaltation gnostique devra être employée pour conclure le rituel.

L’ initié va ensuite au-devant de la vie qu’il a voulu provoquée.

À la fin de la journée, il pourra y avoir un compte rendu et de nouvelles résolutions. Bien que chaque journée puisse être un catalogue d’échec, il n’y a pas de fautes ni de culpabilité parce que la magie est la construction d’un homme dans sa totalité en équilibre parfait avec la puissance de l’infini et de telles sensations font que cette action d’équilibrage est plus difficile.

L’étape ultime est l’abandon de l’Augoide tout entier traversant les abysses dans le royaume de la non-dualité ou Tao et s’unit avec Kia. Si le magicien garde des tendances ou renferme des complexes non résolus, en d’autres mots, si son Génie n’est pas en manifestation parfaite, des désastres surviendront. La force vitale coule directement dans les débris restants de l’ego et les enfle en monstres grotesques et variés connus comme étant le démon Chorozon.

Certains magiciens ayant tenté prématurément le saut ont échoué à bannir ce démon et sont devenus fous d’une manière spectaculaire.

Pour en savoir plus:

http://www.philhine.org.uk/writings/ess_hga.html
http://www.chaosmagic.com/archives/chaosmagicktheory/on-the-magical-egregore.shtml

Illustration : The Love Potion (« le philtre d’amour »), par Evelyn De Morgan (1903). Au pied de la sorcière se tient son esprit familier représenté sous la forme d’un chat noir.