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Voici la traduction d’extraits du livre d’Emma Wilby « Cunning folk and familiar Spirits ». Emma Wilby est une historienne britannique et un auteur spécialisé dans les croyances magiques de la Grande Bretagne du début de l’époque moderne.
La relation des chamanes et de leurs esprits alliés est, comme celle des rebouteux (j’ai pris le parti de traduire ainsi « cunning folk » qui désigne des guérisseurs qui pratiquent la magie populaire et la divination) et de leurs esprits alliés, basée sur une série de fréquentes rencontres visuelles. Comme leurs homologues des temps modernes, certains esprits alliés se réservent le droit d’apparaitre spontanément devant le chamane de temps en temps, mais ils apparaissent plus communément en réponse à une invocation ou une conjuration. Bien que les techniques invocatoires employées par les rebouteux et les sorcières sont largement perdues pour nous, en grande partie parce que les rencontres avec les familiers de ces derniers avaient souvent lieu lorsqu’ils étaient seuls, ou non-observés, Les techniques invocatoires employées par les chamanes, elles, ont été rigoureusement décrites dans les nombreux récits de témoins oculaires. […]
Comme la rencontre entre les rebouteux ou les sorcières et leurs familiers, la rencontre entre le chamane et son esprit allié est avant tout visuelle bien que, comme nous le verrons dans les chapitres suivants, les rencontres auditives, non-visuelles, avec les esprits peuvent jouer un rôle clef dans les activités magiques à la fois des chamanes et de leurs homologues des temps modernes. Les esprits alliés apparaissent habituellement sous la forme d’êtres humains, d’animaux, ou plus rarement, d’hybrides mi-humains mi-animaux, d’objets inanimés ou de phénomène naturel. Les formes humaines peuvent être belles, grandes ou imposantes mais aussi horribles, petites ou ordinaires. Nous entendons parler de « deux grands esprits de la colline, grands, grands comme un chapiteau » ; d’un « adorable petit esprit » assis sur le tronc d’un arbre pourri ; d’une « belle fille dans de beaux habits » ; d’un esprit, une fille qui était « boiteuse et grosse » ; et d’un petit homme haut de quatre pieds (qui mesurait environ 1 mètre 20)… habillé en bleu ».
Les formes animales sont également variées. En Sibérie, par exemple, nous entendons parler d’esprits alliés à la forme de baleines, de phoques, d’ours polaires, de loups, de corbeaux, de hiboux/chouettes, de mouettes, de canards, d’écureuils et de chiens, tandis qu’en Amérique du Nord, nous les trouvons sous la forme de chevaux, de buffles, grizzlis, de couguars, de cerfs, de rouge-gorge, de lézards des montagnes, de serpents, de poisson, lapins, renards et ainsi de suite.
Au début de la Grande Bretagne Moderne, la taille de l’esprit n’était pas nécessairement liée à son pouvoir. Les chamanes de la tribu Paiute nord américaine, par exemple, comme les sorcières des « Home Counties » d’Angleterre, prisaient particulièrement les esprits sous forme de petits rongeurs tels que la souris ou le rat, croyant qu’ils étaient particulièrement habiles pour « s’emparer » des maladies.
Par ailleurs, le chamane quinault nord américain Sammy Hoh avait de l’estime pour son esprit allié qui avait la forme d’une taupe, raconte l’anthropologue Ronald Olso. Car lorsqu’il fut attaqué par un autre chamane, qui avait envoyé un esprit pour « bloquer la voie » et empêcher son retour (celui de Sammy) d’un voyage dans les mondes des esprits, il fut bien sûr en mesure de creuser sous ce barrage. »
De nombreuses descriptions d’esprits alliés que l’on retrouve dans les rencontres narrées des chamanes sont autant observées rigoureusement et spécifiques que celles des familiers britanniques. Le récit suivant, donné par un chamane zuni nord américain Palowahtiva, nous évoque la description détaillée de Tom Reid faite par Bessie Dunlop. Le chamane a vu :
« la forme d’un petit vieillard, vêtu du plus ancien costume de mon peuple. Blanc était son vêtement, avec un caleçon long de coton noué, doux et à motifs, frangés sur le devant, en bas des jambes, avec un pagne brodé, et un manteau de coton brodé à larges manches et ses très longs cheveux étaient aussi blancs que la neige, ils retombaient devant et de chaque côté de sa tête, et à l’arrière, ils étaient coiffés en un étrange nœud démodé. Son visage était bien sûr agréable, mais très vieux, et il était petit, pas aussi haut que la partie la plus basse de la fenêtre. Bien qu’il fut très vieux, il marchait avec aisance et majesté, sans bruit, comme le vent. »
L’esprit allié du chamane partage également la capacité du familier des temps modernes à se métamorphoser. Un chamane de la tribu sibérienne Gold affirmait que « tantôt elle [son esprit] apparaît sous l’aspect d’une vieille femme, tantôt sous celui d’un loup, ainsi elle est terrible à regarder. » Parfois, elle se montre sous l’apparence d’un tigre ailé. Comme les rebouteux et les sorcières, les chamanes peuvent aussi posséder plusieurs esprits alliés simultanément. Un chamane Netsilik canadien, nommé Iksivalitaq, possédait sept esprits alliés dont « l’esprit de la Grande Montagne, les fantômes de trois hommes morts, l’un d’entre eux était son grand-père, et les esprits d’un scorpion de mer, d’un épaulard et d’un chien noir sans oreilles. »
Comme les familiers des Temps Modernes, les alliés surnaturels du chamane sont souvent perçus comme étant l’esprit d’une femme ou d’un homme défunts, fréquemment un parent qui a lui-même était chamane. Le chamane canadien caribou, Aggiartoq, affirmait que sa défunte mère et un squelette humain sans nom étaient devenus ses esprits alliés, alors que sa compatriote, la chamane Kinalik, déclarait que son défunt frère était son principal esprit protecteur et qu’il « lui rendait souvent visite en planant dans les airs, jambes et tête en bas. Mais dès qu’il atterrissait sur le sol, il était capable de marcher comme un homme ordinaire ».
Illustration : Esprit familier. Encres. Par Lune