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Les moissons, par Véro © 2006.
De tout temps, les moissons et les récoltes ont été très importantes pour la population. Donc, depuis les périodes les plus reculées il y a eu des rites et des cérémonies en rapport avec ces mêmes récoltes. Je me souviens qu’il y a encore peu d’années, quand nous faisions de la route, je voyais dans les champs de céréales des carrés qui avaient été laissés debout. Je savais que c’était une pratique en rapport avec un dieu, mais je ne savais plus quoi au juste ? En faisant des recherches récemment, j’ai trouvé divers textes traitant de ce sujet et je vous en livre ici une synthèse.
LES DIVINITÉS
Dans les pays germaniques Freir et Holda étaient les protecteurs de l’agriculture, Hertha et Nerthus avaient à peu près les mêmes rôles. Les fêtes au printemps, en mai et en été étaient là pour garantir la protection des champs et des animaux domestiques. La croyance voulait que les plantes cultivées soient représentées par une divinité à visage humain. Ainsi les Péruviens louaient-ils une mère du maïs et une mère des pommes de terre que l’on peut associer à la « Kornmutter » (mère du blé) ou « Roggenmuhme » (tante du seigle). Dans les deux cas, on les représentait par des poupées végétales.
Mais qui dit divinités protectrices, dit forcément divinités maléfiques, car sinon quel serait l’intérêt des premières ? Parmi elles, citons le Deus spiniensis (dieu des ronces) romain, ou le Robigo qui amenait les incendies et les chardons. Chez les Germains, il y avait le Roggenwolf (loup du seigle), le Bilwitz, le Tauschlepper, etc.
Le Roggenwolf est un démon, qui est à l’œuvre quand le vent souffle dans les blés et les détruit, ou quand le seigle est ergoté. Mais le Diable en personne devient le Bilwitz. Il va dans les champs les nuits sans lune et mange les épis. Particulièrement durant la nuit de Walpurgis (30 avril) et durant celle de la Saint-Jean (24 juin). On trouve des écrits à son sujet dès le 13e siècle. Ses pieds sont comme des faucilles et quand il court dans les récoltes il les coupe par la même occasion.
Le Tauschlepper est un personnage qui durant les périodes sèches prend la rosée des prés (Tau = rosée, Tauschlepper = celui qui traîne la rosée)
Le lièvre est également une représentation du démon du blé. Afin de s’en protéger, on s’enduisait les mains de graisse de lièvre avant de semer.
LES RITES DE PROTECTION
Lors de la récolte, on laissait un bouquet sur pied pour Odin et Holda. On cherchait aussi à emprisonner le démon du blé qui volait de gerbe en gerbe, dans la toute dernière. Parfois, plutôt que de la laisser, on la ramenait avec soi, sous l’appellation de « vieil homme » elle participait ainsi aux fêtes de la récolte, on la bichonnait durant tout l’hiver et au printemps suivant on l’éparpillait dans le champ. Cette poupée était souvent arrosée de bière ou d’hydromel, on la décorait d’herbes, d’ail, de fleurs des champs, de camomille, de ronces, de rubans de couleur. On posait du pain et parfois des pierres près d’elle. Ainsi on se garantissait une prochaine récolte fructueuse.
Évidemment ces rites païens ont fini par être remplacés par des traditions plus « catholiques ». Ainsi à la fin du 19e siècle, quand on arrivait à la dernière gerbe, tout le monde s’agenouillait et remerciait le Seigneur lors d’une prière. Et la gerbe, cette dernière gerbe qui avait été une poupée adulée autrefois, qui s’était appelée « le vieil homme », devenait une « Betgarde » (gerbe à prière).
Pour se protéger du Bilwitz, on plantait trois croix à chaque coin du champ, le jour de la Saint-Jean.
Le début des récoltes se faisait environ un mois plus tard. Le jeudi précédent les moissonneurs et les lieurs recevaient un repas et une boisson « fortifiants ».
Le premier jour on ne travaillait que l’après-midi, dans une ambiance de liesse, les chants et les bruits devaient éloigner les mauvais esprits. Les faux et les faucilles étaient décorées de fleurs et de rubans. Mais le premier coup de faux était donné dans le plus grand silence. L’état des épis de la parcelle laissée sur pieds l’année précédente laissait augurer si la nouvelle récolte serait bonne ou non.
Il y avait une tradition qui voulait que l’on entourât le bras gauche des lieurs d’un lien fait de tiges de blé (plus tard on utilisera du ruban vert) tout en disant une prière à Odin.
Une autre tradition était que lors du premier jour le propriétaire vint au champ avec sa famille et saluât son personnel. Alors le premier faucheur s’avançait, caressait sa faux afin qu’elle émît un doux bruit, et souhaitait une bonne récolte. Il recevait alors une pièce de monnaie. Ensuite une des lieuses prenait trois tiges de blé avec leurs épis, et de longs rubans, et les nouait autour du bras droit de la famille du propriétaire (trois épis pour chacun), accompagnant son geste d’une incantation. Elle aussi recevait une pièce de monnaie en retour.
Afin de protéger la récolte des souris, il fallait fabriquer les liens des futures gerbes à Carnaval. Et afin qu’ils ne se rompent pas, on les enduisait de saindoux de carnaval. Ces mêmes liens ne devaient à aucun prix être jetés après usage, sous peine que l’on devienne épileptique.
LES RITES DE REMERCIEMENT
Comme je l’ai dit plus haut on laissait en place une gerbe dans laquelle l’esprit du blé était enfermé. On l’appelait « Erntebock » (le bouc de la récolte) ou « Wold » (Odin). On dansait autour d’elle. La notion de « bouc » serait en rapport avec Donar/Thor.
Par contre, les premiers épis récoltés étaient jetés au coq de la basse-cour.
Une autre gerbe était jetée dans le pré ou dans une eau courante, en offrande à Frigg, en tant que Kornfrau.
Dans certaines régions, on laissait les derniers épis pour « les petits oiseaux du bon Dieu » une version christianisée d’une ancienne tradition qui consistait à les laisser pour les âmes des défunts. En effet Wotan et Holda sont tous deux en rapport avec les défunts et la chasse sauvage. Et comme l’automne est tout près, et qu’après lui viendront l’hiver et la chasse sauvage… Mieux vaut faire une offrande !
Dans le même esprit quand on récoltait les pommes on laissait pendre trois fruits pour le chasseur sauvage ou pour Frau Holle – également appelée Frau Percht (je vous rappelle que pour entrer dans le sidh, on passe sous un portique où pendent trois pommes d’argent).
Une fois la récolte terminée les faucheurs s’asseyaient sur la terre pour signifier ainsi que le champ pouvait à présent se reposer. Dans d’autres régions, c’étaient les lieuses qui s’asseyaient afin de donner leur force à la terre, elles plantaient alors dans le sol un bouquet de blé ou de pavot.
Après que la dernière charrette fut rapportée à la ferme, et que la fermière l’eut arrosée d’un peu d’eau pour conjurer le risque de pluie, on façonnait une couronne de blé et de fleurs champêtres, on y ajoutait des rubans et des figurines en bois peint, parmi lesquelles le coq, symbole de prospérité. Ailleurs, on façonnait une poupée emplie de pois. Elle était dédiée à Thor. Plus tard les grains de ces couronnes seront rendus à la terre afin que tout ne lui soit pas pris. Ainsi se garantissait-on une bonne récolte pour l’année à venir.
Il y a des traditions similaires pour la fenaison. Quand celle-ci est terminée, les faucheurs se mettent en rond, poussent un cri par trois fois, et passent la pierre à aiguiser sur le fil de leurs faux. Autrefois, ils se mettaient en rond et faisaient une offrande de boisson à la terre, puis ils frappaient trois fois leur faux en criant « Wotan » ou « Wold ». L’offrande de boisson s’est perdue, le cri est resté.
TRADITIONS DIVERSES
Dans certaines régions on s’entraide entre voisins, on se réunit tout d’abord un peu à l’avance, autour d’un bon repas et on prévoit un planning. Si ensuite une parcelle n’est pas terminée dans le temps imparti alors celui à qui elle appartient aura un gage. On « lui fait l’ours ». C’est-à-dire qu’un des travailleurs se déguise en ours, d’autres deviennent des chasseurs ou des chiens et on démarre une poursuite à travers les collines. L’ours sera finalement « abattu » et il dévalera la pente. Ainsi essayera-t-on toujours de finir l’ouvrage à temps afin de ne pas être celui que l’on « fera ours ». Il semblerait toutefois que cette très vieille façon de faire ait subi quelques changements. En effet, en vieux dialecte le mot « Bär » (ours) ne désigne pas seulement le plantigrade, mais aussi un homme particulièrement répugnant. Un « gros porc ». On comprend alors mieux que personne ne veuille qu’on l’assimile à cela parce que sa récolte n’aurait pas été finie à temps…
Après la récolte venait le moment où on battait le blé (ou d’autres céréales ou légumes secs). Celui qui donnait le dernier coup de fléau avait un gage. On lui fabriquait une sorte de mitre en blé et en rubans (rouges), il devait monter dans une charrette et les autres batteurs le faisaient parader ainsi à travers le village. Ensuite était pris un repas, où il avait la place d’honneur, on lui donnait les meilleurs morceaux, mais à côté de sa belle assiette s’en trouvait une autre, emplie de fiente de poulet, accompagnée d’un couteau et d’une fourchette. Et il gardait son couvre-chef durant tout le repas, subissant les quolibets que l’on imagine ! Mais la tradition connaissait quelques variantes selon les endroits. Parfois on lui passait un garrot de paille autour du cou et on l’enduisait de suie. En fait celui qui donne le dernier coup est considéré comme ayant tué le démon du blé et son gage aura un rapport avec la forme qu’on donne au démon en question. Selon l’endroit on dira que le batteur a « attrapé » tel animal et c’est de la chair de cet animal qu’on mangera au repas.