La jarretière, symbole des sorcières

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Par Doreen Valiente, traduction Lune. Extrait de « ABC of Witchcraft », éditions Phoenix

En 1892, l’écrivain français Jules Lemoine montrait, dans son livre « La Tradition », l’importance de la jarretière comme signe du rang chez les sorcières. Il écrivait (en français dans le texte) :

Les mauvaises gens [les sorcières] forment une confrérie qui est dirigée par une sorcière. Celle-ci a la jarretière comme marque de sa dignité.

Margaret Murray cite ce passage dans « Witch-cult in western Europe » (Oxford University Press, 1921), ainsi que dans son livre plus récent « Le Dieu des Sorcières » [(Faber, London, 1952), elle avance la remarquable théorie selon laquelle la fondation du premier ordre de Chevalerie de Grande-Bretagne, l’Ordre de la Jarretière, prend son origine dans la Vieille Religion de la sorcellerie. Elle croyait que le roi Plantagenêt, Édouard III, le fondateur de l’Ordre de la Jarretière, avait certainement été un sympathisant de la sorcellerie, si ce n’est un réel membre du culte.

Aujourd’hui, nous avons tendance à considérer la jarretière comme une frivolité féminine que l’on associe aux danseuses de french cancan et aux belles édouardiennes. Mais  bien sûr, les jarretières d’autrefois n’étaient pas ces élastiques froufroutants. Il s’agissait de longs lacets ou ficelles que l’on nouait autour de la jambe. Elles étaient utilisées aussi bien par les hommes que par les femmes.

Margaret Murray a suggéré que la signification portée par la jarretière en sorcellerie renvoie à la véritable explication de la vieille histoire de la fondation de l’Ordre de la Jarretière. L’histoire raconte que le Roi Édouard III dansait avec une dame de sa cour, la belle dame du Kent ou comtesse de Salisbury, lorsque la jarretière de celle-ci tomba. La dame était embarrassée, mais le roi ramassa galamment la jarretière en disant (en français dans le texte) :

Honi soit qui mal y pense.

Et il attacha la jarretière à sa propre jambe. Cet incident lui aurait donné l’idée de fonder l’Ordre de la Jarretière, composé de douze chevaliers pour le roi et de douze autres pour son fils, le prince noir, faisant deux fois treize ou trente-six chevaliers en tout.

Le nombre treize a acquis une signification supplémentaire à travers les insignes du roi, en tant que chef de l’Ordre. Son manteau était décoré des représentations des 168 jarretières, ce qui, avec la vraie jarretière qu’il portait à la jambe, donnait un compte de 169, soit treize fois treize.

Cet incident de la vie de la cour semble trop insignifiant pour qu’il ait été à l’origine de la création de ce noble ordre, à moins qu’il recèle un sens caché. Mais si la jarretière que la dame a laissé glisser était une jarretière de sorcière, alors tout l’épisode prend un aspect complètement différent. La confusion de la dame et le geste du Roi semblent avoir une signification beaucoup plus profonde qu’une simple et jolie histoire de galanterie courtoise. Elle, se révèle comme une sorcière de premier plan et, lui, témoigne publiquement de son empressement à protéger la vieille religion et ses fidèles.

Une autre preuve de l’importance de la jarretière en tant que symbole des sorcières apparaît sur une rare et ancienne gravure en frontispice d’un livre du XVIe siècle sur les sorcières, « Dialogues Touchant le Pouvoir des Sorcières et la Punition qu’elles Méritent » de Thomas Erastus (Genève, 1579), et seulement dans quelques exemplaires.

Cette image montre l’intérieur d’une chaumière de sorcière, située en un endroit isolé entre bois et collines. Quatre sorcières sont en train de partir pour le Sabbat sur leurs fabuleux balais volants. Deux d’entre elles se sont déjà envolées par la large cheminée de la chaumière, tandis qu’une troisième noue une jarretière autour de sa cuisse avant de s’en aller elle aussi. Une quatrième sorcière, balai en main, attend son tour. À l’extérieur et à leur insu, un homme espionne toute la cérémonie par le trou de la serrure.

L’artiste reprend évidemment l’histoire des sorcières volant sur des balais, mais il ajoute à son fantasme un détail authentique, à savoir la jarretière. Les artistes d’autrefois qui dessinaient des scènes avec des sorcières agissaient souvent ainsi, car ils représentaient les croyances populaires à propos des sorcières, qui étaient un mélange de connaissances réelles et de fantasmes.

Photo d’en-tête : la jarretière de Doreen Valiente (photo : Doreen Valiente Foundation).