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Extrait de Shadowplay. Par Caroline Tully, traduction et adaptation Lune.
L’image la plus stéréotypée de la sorcière est celle qui la représente avec un chapeau noir pointu, son chat noir et un chaudron. Le chapeau noir conique appartient à la sorcière. Tout le monde sait ce qu’est un chapeau de sorcière. Quand on en voit un, on sait que c’est un chapeau de Sorcière et rien d’autre. Cependant, beaucoup de sorcières modernes ont renoncé à le porter et le seul moment où on veut bien le montrer, c’est lorsqu’on se déguise pour Halloween. Les sorcières modernes sont sans doute un peu gênées de se montrer en public avec ce chapeau, car beaucoup d’enfants (et d’adultes) reconnaissent immédiatement une sorcière coiffée de son chapeau et la montre du doit en disant : « Maman, regarde, une sorcière ! » 1
Comme Mémé Ciredutemps (des livres du Disque-Monde de Terry Pratchett) le dit, elle porte le chapeau parce que sinon « Quel intérêt d’être une sorcière si personne ne le sait ? ». Le chapeau dit tout. Mémé Ciredutemps et sa complice Nounou Ogg, traditionnelles et quelque peu conservatrices, portent toujours le chapeau. Leur apprentie sorcière et étudiante, Magrat, a adopté l’approche moderne du port de la couronne de fleurs, si l’on peut dire. Mémé et Nounou essaient souvent de convaincre Magrat de la sagesse des « Anciennes Traditions » 1.
Quelles sont, s’il y en a, ces « Anciennes Traditions » par rapport au chapeau de Sorcière ? Le chapeau des Sorcières pourrait provenir du port des cornes comme signe de pouvoir. Nous l’associons habituellement à une déité mâle lorsque nous pensons les porter réellement sur la tête ; cependant, les Déesses lunaires portaient souvent les cornes comme des symboles des cornes du croissant de la Lune dans ses phases croissante ou décroissante. Doreen Valiente fait mention des peintures rupestres de l’Âge de pierre sur lesquelles sont représentées des figures coiffées de chapeau pointu. Les gnomes sont réputés porter un chapeau pointu. Margaret Murray, l’auteur de « The Witch Cult in Western Europe » et le « Dieu des Sorcières », dit « Le vêtement le plus caractéristique de la garde-robe de la Fée était son chapeau dont la forme et la couleur différaient en fonction de la région d’où elle venait. Dans les “West Highlands”, c’était un chapeau vert, conique. Sur l’Ile de Man, c’était un rouge également conique.
Les chamanes de Sibérie portent un chapeau particulier appelé un “dayligda”, qui possède son propre pouvoir. Sa conception est souvent donnée par l’Esprit-Guide particulier du chamane. Certains chamanes possèdent différents chapeaux spécifiques pour différents types de soins (guérisons) ; d’autres en ont un seul. Ces chapeaux peuvent être faits de cuir, de peau de poisson, de coton ou de bandelettes sacrées. Habituellement, ils auront des “saivans” petits et gravés ou des esprits-guides cousus dessus.
Selon le magazine “Biblical Archaeology Review’, un objet haut d’environ 60 cm, en or, conique, dont le lieu, l’époque et les circonstances de sa découverte restent enveloppés de mystères, passe désormais pour être une coiffe portée lors de cérémonies religieuses. Les fragments de cuir retrouvés à l’intérieur du cône semblent exclure ce qui était jusqu’à présent l’identification la plus populaire de ce type de cône : une coupe rituelle. Mais les fragments trouvés permettent de soutenir l’hypothèse du chapeau. Une douce garniture de chapeau aurait transformé le cône inconfortable en une coiffe acceptable. Avec sa base de 20 cm de diamètre, le cône correspond à la taille de chapeau d’un homme (ou femme moyenne). Le cône possède même un rebord, comme un chapeau type de Sorcière. 5
Au Mexique de l’époque précolombienne, sur des peintures mexicaines indigènes, appelées ‘Codex Fejervary-Mayer’, est représentée une figure qui ressemble énormément à une Sorcière, nue à l’exception d’un chapeau pointu, chevauchant un balai6. Pendant la Rome Antique, les prêtres païens appelés flamen, portaient un chapeau conique. Au cours des périodes romanes plus tardives, une illustration nommée ‘Le Jardin de Plaisirs’ par Herrad d’Hohenberg (ndlt : Herrad de Landsberg et son ‘Hortus Deliciarum’ 7 représente de malheureux Juifs coiffés de chapeau conique plongés dans un chaudron que des Diables font chauffer. Les juifs, qui passaient souvent pour être en coalition avec les Sorcières, en ennemis de la chrétienté, étaient fréquemment représentés dans l’art avec le chapeau conique. Les hérétiques, également associés aux Sorcières en tant qu’ennemis de l’Église, portaient le chapeau conique. On pense que ce chapeau d’hérétique était le prédécesseur du chapeau d’âne, une humiliation, le chapeau conique que l’on met aux vilains écoliers. Une peinture du XIXème siècle réalisée par P. Berruguete, appelée ‘Auto-da-fe’ met en scène deux cathares, des hérétiques, exécutés et deux autres, portant des Chapeaux coniques, enchaînés par le cou qui attendent leur destin.
Un cas de chapeau pointu moins désagréable que les précédents au cours de l’Histoire est celui du costume associé à ‘la princesse type’, le ‘Hennin’. Le Hennin est le chapeau pointu orné d’un voile en son extrémité. Il était l’article à la mode féminine vers 1440. Un autre chapeau ‘historique’ : le ‘Copataine’ dont parle Valiente, porté comme ‘chapeau d’équitation’. Le Copataine était réalisé en une matière très rigide, il était orné d’un voile ou d’une lanière sur le dessous du menton afin de garantir sa tenue. La hauteur du chapeau devait avoir été exagérée par des artistes avant que cela ne devienne le Chapeau type de la Sorcière. 8
John Mumford, auteur de ‘Sexual Occultism,’ voit le chapeau de sorcière comme un autre symbole que connaît l’hindouisme : le lingam-yoni. C’est un objet sacré qui consiste en un bassin en forme de vagin (yoni) et une sorte de jeu de pilier, à l’intérieur de ce bassin, et qui représente le pénis (Lingam). Le lingam et le yoni représentent le Dieu Shiva et la Déesse Parvati dans l’union éternel et donc dans l’état de constante création.
Les dévots hindouistes font une libation au lingam-yoni avec des substances comme le beurre fondu ou du ghee, du lait et des pétales de souci (calendula officinalis). Mumford voit dans le chapeau des Sorcières le Yoni représenté par le rebord et le Lingam représenté par le cone. 9 Une autre théorie est celle-ci : le chakra Couronne modèle une forme conique lorsqu’on se raccorde aux énergies de la terre. Cela a mené Hamish Miller, célèbre radiesthésiste et guérisseur, à penser que ‘… Peu de doutes que la conception originale de sa forme (celle du chapeau de Sorcière) soit venue aux personnes qui pouvaient voir le champ d’énergie. 10’
Le chapeau de sorcière représente également le ‘Cône de Pouvoir’, une forme-énergie créée à l’intérieur du cercle magick par une circumambulation, par le chant ou par la concentration, et utilisée comme ‘carburant’ de la Volonté du Coven projeté vers son but. Le Coven est symbolisé par le bord du chapeau et le cône de pouvoir par le cône. Au sein des systèmes sorciers qui possèdent trois degrés de progression, le symbole de ce troisième degré (où la Sorcière (ou le sorcier) devient un(e) Grand(e) Prêtre(sse)) est habituellement celui d’un pentagramme couronné d’un triangle pointe en haut. Tandis que le (la) maître(sse) du Cône de pouvoir, le (la) Grand(e) Prêtre(sse), à la fois symboliquement et littéralement porte le chapeau de Sorcière.
Il ne faut pas forcément être membre d’un Coven ou un(e) Grand(e) Prêtre(sse) pour adopter le chapeau de sorcière. Si vous êtes une sorcière, le chapeau vous appartient. Il n’y a pas mieux (selon moi) pour se faire voir, seule ou en groupe, que le port du chapeau de sorcière quand on vaque à ses occupations quotidiennes tel qu’aller à la poste ou au supermarché. Si vous vous sentez trop embarrassé pour porter ce chapeau en public, essayez-le pendant un rituel. La sorcellerie est une religion avec la bonne structure pour ça, c’est pourquoi elle est si populaire et pourquoi le port d’un tel chapeau peut augmenter le pouvoir de votre rituel au lieu de l’amoindrir. Un chapeau peut être fait de cuir, de velours, de fourrure ou en vinyle ou encore acheté un week-end sur un marché dans une de ces étales rigolotes qui vend des chapeaux un peu fous, souvent fabriqués au Népal pour les touristes. Si vous ne voulez pas porter ce chapeau, c’est que vous ne devez pas (mais gardez à l’esprit que c’est le chapeau des sorcières et personne d’autre… ne peut le porter… Et en tant que sorcière, c’est le vôtre.) Essayez-le.
Notes de bas de page :
1. Terry Pratchett. Wyrd Sisters. Corgi books. 1988
2. Doreen Valiente. Witchcraft For Tomorrow. Robert Hale. London. 1978. p.106
3. Margaret Murray. The God of the Witches. Oxford University Press. Oxford. 1931. p.59
4. Shaman’s Drum magazine. No.53. 1999. p.59
5. Biblical Archaeology Review. Vol.25. No.5. pp.17-18. (Cette coiffe en or a fait partie d’une exposition intitulée « Dieux et héros de l’âge de bronze » et qui a été présentée à Paris et à Athènes de septembre1999 à mai 2000.)
6. Valiente. op.cit. p.106
7. Il ne s’agit pas de la peinture de Heironymous Bosch qui porte le même titre.
8. Valiente. op.cit. p.106
9. John Mumford. Sexual Occultism. Compendium. Birregurra South. 1977. pp.69-74
10. Hamish Miller. Its not Too Late. Penwith press. UK. 1998.