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Par J. & S. Farrar ©, traduction & adaptation Lune. Extraits de la section XV – Witchcraft & Sex – WITCHES’ BIBLE.
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Quelles sont, alors, les différences essentielles entre l’homme et la femme dont nous avons parlé ?
La différence la plus évidente, bien sûr, est que chaque femme peut potentiellement ou réellement porter un enfant. C’est vraiment la seule différence que le patriarcat considère comme importante, car il doit y avoir un résultat. Ce stéréotype met donc cela en valeur, alors que l’on considère l’autre différence physique évidente (la menstruation) comme un simple ennui, ‘une malédiction’, un événement concomitant, fâcheusement inévitable, permettant de porter des enfants. Les hommes et les femmes tombent d’accord là-dessus; les hommes en se résignant face à l’humeur potentiellement capricieuse, voire totalement indisposée, une fois par mois et les femmes en acceptant leur douleur et leur chamboulement mental comme ‘naturel’ (qui n’ont rien d’une fatalité ; et si vous pensez que cet état des choses est dogmatique, lisez The Wise Wound, Chapitre II).
En fait, le cycle menstruel est plus fondamental à la nature de la femme – physique et psychique – ce que la grande majorité des hommes et des femmes comprend. En fait, sa véritable importance commence tout juste à être étudiée. Les psychologues Jungiens (en particulier les femmes) ont fait un bon début ; mais le seul livre vraiment important sur le sujet que nous connaissons est le travail de Penelope Shuttle et Peter Redgrove (1978) : The Wise Wound : Menstruation and Everywoman. Quand Redgrove & Shuttle ont commencé à travailler sur leur livre, vers 1971, ils ont demandé au bibliothécaire de leur université quelques livres à propos de la psychologie des menstruations. À la grande surprise du bibliothécaire également, IL N’Y AVAIT AUCUN LIVRE DE LA SORTE !… Aussi incroyable que cela puisse être, la situation est restée en l’état jusqu’en 1975, lorsque « Menstruation & Menopause » de Paula Weideger a fait franchir un nouveau pas aux États-Unis – et même ce livre, bien qu’étant d’une grande aide, n’est qu’un « petit guide sur l’expérience intérieure et la signification du cycle menstruel ».
The Wise Wound est une chose rare, un livre vraiment révolutionnaire. Ses thèses principales, nous le pensons, seront si immédiatement convaincantes pour la plupart des femmes – et pour la plupart des hommes qui vivent avec une femme – que nous sommes stupéfiés, comme le bibliothécaire de l’université, qu’elles n’aient jamais été consignées auparavant. C’est une lecture essentielle pour tous sorciers et toutes sorcières – et à ce propos, il y a certaines choses pertinentes à dire sur la sorcellerie, historique et moderne. (C’est une triste preuve de l’enracinement des attitudes stéréotypées : la réaction immédiate de certains de nos sorciers mâles lorsque nous leur avons dit de lire ce livre, fut un : « Beurk ! » – mais leur attitude a changé une fois lu.)
Shuttle et Redgrove précisent qu’il y a deux pics au cours du cycle menstruel – l’ovulation et la menstruation, quand l’utérus perd ses parois et se renouvelle. Et ces deux pics ont des implications tout à fait différentes et sont accompagnés par des états psychiques tout à fait dissemblables. En un sens, lors de l’ovulation le corps de la femme appartient à la race ; elle est porteuse et elle est celle qui transmet potentiellement les codes génétiques ADN raciaux, et les molécules ADN sont indifférentes à son égard en tant qu’individu, une fois qu’elle a assuré leur combinaison avec celles d’un homme et est assurée de la survie de cette combinaison. Au cours de la menstruation, elle n’appartient qu’à elle-même ; elle traverse un processus de renouveau physique et psychique.
La qualité de sa sexualité diffère aussi. Lors de l’ovulation, elle est typiquement réceptive, passive, désirant la pénétration. Lors des menstruations, elle va plus probablement être active, prenant l’initiative érotique, désireuse d’expérience pour son amour propre, indépendamment de sa fonction de reproductrice de la race.
Le stéréotype patriarcal reconnaît uniquement le pic sexuel de l’ovulation, parce qu’il est lié à la reproduction, seule raison ‘valable’ aux yeux du patriarcat pour qu’une femme ait des désirs sexuels.
Même « les quelques psychologues compétents », conditionnés à croire que le désir sexuel de la femme est essentiellement passif et réceptif, sont souvent passés complètement à côté du pic menstruel – parce qu’en questionnant les femmes sur leurs pics sexuels, ils ont naturellement été recherchés les points culminants réceptifs ; et les femmes, conditionnées de la même manière, ont répondu en fonction. Les questions stéréotypées ont engendré des statistiques stéréotypées. L’idée d’un pic sexuel féminin actif peut être dérangeant pour les hommes élevés dans l’idée que c’est la prérogative du mâle d’entreprendre les rapports sexuels. La combinaison du saignement et de l’accroissement de la capacité sexuelle est quelque chose de formidable pour la vision conventionnelle (The Wise Wound, p.89).
De puissants tabous ont toujours entouré les femmes ayant leurs règles. Aux temps pré patriarcaux (et encore au sein de nombreuses cultures dites « primitives ») les tabous menstruels et l’isolement ont pour but de protéger la femme pendant une période réceptive, au cours de laquelle elle peut effectivement se replier sur elle-même et faire des rêves ou donner des informations prophétiques qui sont utiles à la communauté ou, au contraire, avoir de mauvaises expériences qui peuvent par la suite l’affecter terriblement. « Tout particulièrement, les ménarches ou premières règles, ont été considérées comme une période spéciale d’ouverture mentale, aussi bien que physique, pendant laquelle une jeune fille ferait des rêves ou aurait d’autres expériences qui la guideraient dans une vie future et qui permettraient de savoir si elle doit être une chamane ou une sorcière-guérisseuse. Ainsi, c’était l’accord selon lequel elle entrait dans une relation particulière avec les puissants esprits de sa menstruation ». (The Wise Wound p.65.)
Mais avec la relève patriarcale, les tabous au sujet des menstruations se sont transformés en une recherche de protection contre la femme, contre sa magie ‘dangereuse’, contre toutes ses facultés que l’ego empirique s’efforce de bannir. Là où on ne pouvait les bannir, on les adoptait et les discipliner pour les utiliser ; par exemple, si la crainte et l’estime qu’on a de la magie du sang de la femme sont données avec le respect qui lui est due, celle-ci est totalement bénéfique, mais pouvait bien soulever les cruautés patriarcales du sacrifice du sang (ibid. p. 61). Les hommes ne peuvent être menstrués – mais il y avait d’autres moyens de produire du sang à des fins magiques. La raison dirait : « Le Sang est évidemment magique. Mais la chamane qui a ses menstrues est dangereuse. Alors, neutralisons-la avec des tabous et tuons quelque chose – ou quelqu’un – à la place ». Il est significatif que les cultures à fort tabous menstruels, imposés par les hommes (en incluant la nôtre), semblent être les plus enclines à l’agressivité et à l’anxiété (ibid. pp. 98, 185).
Les sociétés païennes, cependant, ont compris et saisi les pleins avantages des pouvoirs chamaniques de la femme qui a ses menstruations. Les universités d’Héra, par exemple et les pythies (prêtresses oraculaires) de Delphes, faisaient leurs prédictions mensuellement, et il y a des signes évidents qui indiquent qu’en de tels lieux les femmes synchronisaient leurs règles par des disciplines psychiques volontaires. (ceci est parfaitement possible ; des recherches ont montré qu’elles survenaient spontanément aujourd’hui au sein de communautés féminines semblables, tels que les couvents ou les universités de femmes.) Shuttle et Redgrove soutiennent de manière persuasive que Delphes porte toutes les marques d’un chamanisme menstruel. Ils suggèrent que le célèbre omphalos (que l’on peut voir au musée de Delphes) n’est pas un nombril mais un col de l’utérus ou une bouche d’utérus et que le trépied sur lequel la chamane de Delphes s’asseyait était en fait un speculum pour observer les premiers signes des règles. (cela nous rend toujours perplexes de voir les écrivains classiques être aussi anxieux de mettre une signification sur un simple meuble ; cette explication pourrait expliquer cela). On peut ajouter à cela, dans le cas de Delphes, la prise de contrôle patriarcale qui est consignée dans la légende de la conquête d’Apollon sur le serpent de Delphes (c’est-à-dire, la pythie) ; mais bien que le temple d’Apollon ait pris la charge de Delphes, les pythies elles-mêmes restaient indispensables ; pendant des siècles aucune décision importante n’était prise en Grèce sans leur conseil oraculaire, ainsi elles maintinrent leur rôle – mais avec les prêtres pour les contrôler et les administrer, elles et les riches tribus qu’elles attiraient.
Qu’est-ce que tout cela signifie aujourd’hui – et pour les sorcières ?
Pour résumer : la nature de la femme est cyclique, du pic de sensibilité-tournée-vers-l’extérieur, mensuel, reproducteur, de l’ovulation, à l’intervention du renouvellement mensuel, du pic de sensibilité-tournée-vers-l’intérieur de la menstruation. Plus elle accepte et comprend cela (et cesse de le considérer comme ‘une malédiction’), plus elle sera accomplie et efficace – et plus l’homme l’accepte et le comprend, davantage il la respectera et la complétera.
Ces deux pics ont un sens égal, forment un tout dynamique, un yin-yang absolu, s’entrelaçant à tous niveaux. C’est le cycle lui-même qui est important, pas un pôle ou l’autre de celui-ci ; le cycle fait d’une femme ce qu’elle est. Les « valeurs de l’ovulation » et les « valeurs de la menstruation » doivent se compléter les uns les autres ; mais le patriarcat reconnaît seulement les « valeurs de l’ovulation » et base son stéréotype féminin là-dessus.
Ce cycle avec ses différents types de conscience signifie que l’expérience totale de la femme est plus profonde, que les événements du cycle sont également plus profondément enracinés et physiquement plus étendus que toutes expériences masculines habituelles. Bien que cela signifie que l’expérience féminine de la vie est plus profonde, cela veut dire également qu’elle est plus vulnérable lorsqu’elle s’ouvre elle-même à ces expériences, plus vulnérable à l’agressivité et au dénigrement. L’homme qui devrait être le gardien et l’étudiant de ces capacités féminines, devient à notre époque le fier et envieux agresseur. (Ibid., p.33). Aussi, comme Gerald Massey l’a démontré il y a un siècle dans The Natural Genesis, « la nature féminine a été le premier enseignant de la périodicité ».
C’est peut être quelque chose de difficile à avaler pour le mâle fier, cabré sur ses stéréotypes patriarcaux ; cela semble le mettre dans la position nouvelle d’être inférieur. Mais ce serait une réaction faussée. L’homme a également une contribution positive à apporter.
La nature masculine est typiquement analytique, avec une conscience concentrée. La nature féminine synthétise, avec une conscience diffuse. Il est linéaire, avançant tel un châssis de voiture ; elle est cyclique, avançant telle une partie de la jante d’une voiture (et remarquez que ces deux mouvements peuvent être aussi rapides). Il prend les choses par morceaux pour voir de quoi elles sont faites ; elles les assemblent pour voir comment elles se relient.
Les deux fonctions ont besoin l’une de l’autre. Laissez à elles-mêmes, sa conscience concentrée peut devenir vision étroite et sa conscience diffuse peut devenir désorientation. Son analyse à lui peut devenir destructrice, en plaçant les faits au-dessus des sentiments. Sa synthèse peut perdre de la cohérence, en plaçant les sentiments au-dessus des faits. Sa sensibilité à elle, sans la protection de la force de son frère, peut devenir une vulnérabilité dangereuse ; sa vigoureuse détermination, non guidée par l’intuition de sa sœur, peut devenir une bête agressivité.
En travaillant ensemble, d’autre part, ils peuvent trouver leur voie à travers la forêt. Il peut repérer les arbres solitaires et l’aider à ne pas buter contre. Elle peut avoir « un meilleur plan » de la forêt entière et l’aider à ne pas se perdre.
Ce n’est pas seulement cela – mais chaque nature possède à l’intérieur d’elle-même la graine de l’autre, comme le rond blanc dans le noir yin et le rond noir dans le blanc yang. En la femme, c’est l’animus, sa part masculine enfouie, son assimilation enrichit sa féminité ; cet animus a tendance à se manifester particulièrement au pic de la menstruation, comme son « autre époux » ou « partenaire lunaire », qui est soit effrayant soit dynamisant selon son degré de prise de conscience et de l’équilibre qu’elle a atteint entre ses deux jeux cycliques de valeurs. En l’homme, c’est l’anima, sa part féminine enfouie, son assimilation enrichit également sa masculinité. Puisque l’homme est linéaire plutôt que cyclique, l’empiétement de l’Anima sur la conscience de l’homme a tendance à sembler spasmodique et imprévisible ; cette part peut être au mieux identifiée (et écoutée fructueusement) sous l’aspect mythique d’une femme bien connue du rêveur, mais qu’il ne peut remettre dans la vie éveillée. (Quand Stewart a commencé à noter ses rêves, il l’a dénommée « la femme X », avant qu’il n’ait commencé à lire Jung et n’ait compris qui elle était.) Elle, aussi, peut être effrayante ou bien utile, selon si l’homme accepte et va vers elle ou bien lui résiste. Mais elle est toujours là, une partie inaliénable de sa psyché entière ; et comme l’exprime The Wise Wound (p.130) de façon éclatante : « Ce monde féminin réprimé doit inclure le problème de la menstruation, sa condition et sa forme, pour l’homme aussi bien que pour la femme. Ce qu’on ne doit jamais oublier, c’est que l’anima est menstrué. »
Cela vaut la peine d’indiquer ici que la croyance des sorcières en la réincarnation est non seulement en accord avec le concept Animus/Anima, mais doit aussi inévitablement l’inclure. L’Individualité immortelle, comme nous l’avons dit (p.116), est dynamiquement hermaphrodite, avec les deux aspects dans un équilibre qui est imparfait ou parfait selon son degré de progression karmique. Mais la Personnalité de toute incarnation est soit masculine, soit féminine ; ainsi l’autre aspect, subordonné temporairement, fera sentir naturellement sa présence – comme Anima ou Animus. Ainsi le degré d’intégration harmonieuse qu’une Personnalité montre par son Anima ou Animus est révélateur du degré de l’évolution karmique réalisée par l’Individualité qui est incarnée.
Pendant un instant, quittons les hommes et les femmes en tant qu’individu pour nous tourner vers la société humaine dans son ensemble – et le fait qui est peut-être stupéfiant, c’est que c’est la menstruation qui l’a provoquée. Comme Shuttle et Redgrove le disent (The Wise Wound p. 142 – en italique) : « Selon l’opinion reçue de la science zoologique, le développement du cycle menstruel est responsable de l’évolution des primates et des sociétés humaines au final. » La majorité des mammifères possède un cycle oestral ; ils sont périodiquement « en chaleur » et à d’autres moments n’ont aucun intérêt pour l’accouplement. L’ovulation est leur seul pic ; le sexe signifie reproduction et rien d’autre, comme facteur de survie pour les espèces. Mais avec les Singes du Vieux Monde, les grands singes et l’être humain, un immense changement évolutionnaire s’est produit. C’était le développement du cycle menstruel. Le signal de l’accouplement du sang génital a été arraché à son ancienne position de l’ovulation pour une nouvelle position, celle de la menstruation, lorsqu’il est très peu probable que l’ovulation puisse survenir ou la progéniture puisse être conçue. La libido sexuelle, également, s’est désormais étendue à la presque totalité du cycle. Comment cela pourrait-il être un facteur de survie ? « La réponse doit être que l’expérience sexuelle des primates (singes et gens) doit être parvenue à devenir un avantage et ait eu de l’importance pour l’individu (et de là, pour la race) aussi bien qu’à l’espèce par la reproduction. »
« La libido non-stop », ou ce que The Wise Wound (p.152) appelle « la luminosité sexuelle », était une adaptation évolutionnaire favorisant le développement de la coopération économique et sociale et encourageant l’intuition durant la résolution de problème. L’époque patriarcale pourrait avoir tenté de réduire le sexe à la copulation pour la reproduction ; l’évolution en sait bien plus. « La luminosité sexuelle » est le besoin de s’unir, la chose qui fait de nous des humains, en contraste avec ces espèces pour qui le sexe est une simple copulation pour la reproduction. « La création d’enfants est en partie une joie humaine. L’autre partie est la création « d’enfants mentaux » : idées et pensées séminales ». (ibid. p.210) – et Shuttle & Redgrove ajoutent avec pertinence : « Beaucoup supposent que la création « d’enfants mentaux » est le domaine unique des hommes, car la création des enfants physiques est la capacité exclusive des femmes ».
Il est ironique que nombre de religions occidentales, du Catholicisme aux Sciences Chrétiennes, interdisent les plaisirs du sexe en dehors de la reproduction – et ainsi, en effet, essaient de faire régresser l’humanité à une étape pré-humaine de l’évolution !
Sculpture : © Jan Campbell