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Doreen Valiente’s Lecture : PF Conference 1997. Traduction : Lune.
Le 22 novembre 1997, Doreen Valiente s’est adressée à la foule réunie lors de la conférence nationale de la Pagan Federation, une organisation qu’elle a contribué à mettre en œuvre 27 ans auparavant. Les allées se sont vidées et les exposants ont fait une pause, tandis qu’un millier de païens ou plus remplissaient la salle principale afin d’écouter l’une des figures les plus influentes et respectées de la sorcellerie moderne.
Publié dans Pagan Dawn, Lughnasadh édition 1998.
Mes amis, je suis ici aujourd’hui, accusée d’avoir participé à la création d’une nouvelle religion. Comme j’ai toujours pensé que la religion organisée n’était rien d’autre qu’une malédiction pour l’humanité, ceci me place dans une fâcheuse posture. C’est pourquoi je suis reconnaissante envers la Pagan Federation de me donner l’opportunité de me défendre de cette grave accusation.
Cependant, je pense que ce qu’il s’est produit en 1951, lorsque Gerald Gardner « a rendu publique » la survivance de la sorcellerie en Grande-Bretagne, était simplement la manifestation d’une idée dont le temps était venu. Les gens comme le vieux Gerald et moi-même n’étions qu’un simple moyen par lequel elle s’est manifestée, grâce à quelque chose qui a agité les Plans Intérieurs. Pourquoi ? Je ne sais pas, mais ce quelque chose a un rapport avec l’émergence de l’Âge du Verseau.
J’ai entendu dire qu’on avait informé les autorités de la mort de la sorcellerie et que c’est l’une des raisons pour lesquelles la dernière loi sur la sorcellerie a été retirée de la législation en 1951. Or, elles furent vite détrompées.
C’est en juillet 1951 que le moulin des sorcières, the Witches’ Mill de Castletown sur l’Île de Man, ouvre ses portes en tant que musée de la sorcellerie, sous le nom de Folklore center. Il semble qu’il s’agisse de l’idée originale de Mr Cecil Williamson, qui est toujours parmi nous et qui est, je crois, en train d’écrire son autobiographie. Ce qui devrait être très intéressant. Dans les articles de presse de l’époque, Gerald Gardner est décrit comme « le sorcier résident ». Plus tard cependant, les deux hommes se sont brouillés et leur association a pris fin. Mr Williamson a récupéré sa part du musée et l’a d’abord installé à Bourton-on-the-Water dans les Cotswolds, puis plus tard à Boscastle dans les Cornouailles. Je suis heureuse d’apprendre qu’à la retraite de Mr Williamson, le musée de Boscastle a été racheté par de sympathiques propriétaires et qu’il sera préservé.
Nous devrions tous nous souvenir du vieux Witches’ Mill avec affection, car il fut une phare pour les païens et les sorcières du monde entier. J’ai tout d’abord été attirée par la sorcellerie suite à une lecture à propos de ce musée. Je suis tombée sur un article dans un magazine intitulé “Illustrated”, datant du 27 septembre 1952, et j’ai écrit au musée en demandant plus d’informations. C’est ainsi que j’ai finalement pris contact avec Gerald Gardner, comme je l’ai expliqué dans mon livre, The Rebirth of Witchcraft.
Cet article contient un point intéressant, qui montre clairement que je n’ai pas introduit le concept de déesse dans la sorcellerie d’aujourd’hui, comme certaines personnes l’ont suggéré. L’un des paragraphes de l’article commence ainsi :
Les dieux des sorcières étaient les plus anciens de tous (de la fertilité et de la mort). Les covens d’aujourd’hui sont dirigés par une femme officier, en raison d’un changement en faveur de la Déesse de la Vie (une femme) et qui s’éloigne du Seigneur de la Mort.
Cet article a été publié avant que je ne rejoigne l’Art des Sages.
« L’Art des Sages », j’aime cette expression. La première mention que j’ai pu trouver de cette expression apparaît dans les livres de l’historien Hugh Ross Williamson, dans les années quarante. L’autre expression parfois employée pour décrire la sorcellerie est « l’ancienne religion ». Elle remonte aux travaux du folkloriste américain Charles Godfrey Leland, dont le plus connu est Aradia ou l’évangile des sorcières, qui témoigne de la survivance de traditions de sorcellerie, bien que très fragmentées, en Italie où elle est connue sous le nom de « la vecchia religione », ce qui signifie « l’ancienne religion ».
Il est devenu courant aujourd’hui de parler de « Wicca », bien que ce mot ne signifie pas du tout « sorcellerie ». C’est un terme anglo-saxon pour désigner un sorcier (ndlt : dans le texte « a male witch », c’est-à-dire littéralement une sorcière mâle ;o)). Toutefois, ce mot est si bien passé dans le langage courant, que désormais il trouve probablement sa place dans les dictionnaires modernes, de sorte que nous n’y pouvons pas grand-chose. En fait, nos amis américains l’ont trouvé très utile pour inscrire leurs groupes comme organismes religieux.
Ici, et pour le moment, nous n’avons pas cette possibilité. Cependant, tout cela est sur le point de changer. Le mois dernier, une nouvelle très importante pour nous tous est parue dans la presse et à la télévision. Il semble enfin que nous soyons sur le point d’obtenir quelque chose comme une déclaration des droits. Dans un communiqué daté du 24 octobre, on nous dit ceci :
Le gouvernement a fait aujourd’hui un premier pas vers l’incorporation de la protection des droits de l’homme dans la loi britannique. Les ministres ont publié un livre blanc, comportant leurs propositions pour intégrer la Convention européenne des Droits de l’Homme à la législation britannique. En même temps, ils ont déposé le projet de loi concernant les Droits de l’Homme à la Chambre des Lords.
Bien, ce projet de loi est potentiellement de la dynamite, car dans le journal télé qui en parlait, il était question d’interdire toute discrimination, non seulement à propos de votre couleur de peau, de votre sexe, de votre origine ethnique, ce que la loi exige déjà, mais aussi à propos de votre religion. Je me rappelle avoir écrit il y a quelque temps à mon député à ce sujet et on m’a répondu que la loi actuelle ne disait rien à propos de la discrimination religieuse. Il s’agit donc d’une lacune importante de la loi sous sa forme actuelle et nous devons nous efforcer de la corriger.
Si cette nouvelle législation des droits civiques est adoptée, alors la presse à sensation ne pourra plus, par exemple, agir comme elle l’a fait par le passé, lorsqu’elle a découvert l’identité d’une sorcière pratiquante et, s’adressant à ses employeurs, a suggéré son licenciement. Si elle tentait cela, ou quoi que ce soit de ce genre, selon les termes de la nouvelle proposition de loi, elle aurait des ennuis, car il s’agit de discrimination religieuse. Je demande donc à cet auditoire de s’intéresser vivement à ce sujet, car il s’agit d’une déclaration des droits (Bill of Rights), et en effet, elle est déjà décrite comme telle. Les gens comme nous, en particulier, ont besoin d’une déclaration des droits. Nous devrions surveiller cela de près et faire de notre mieux pour qu’elle devienne une loi.
Je me souviens bien des années 1970, lorsque je me suis rendue aux chambres du parlement pour faire pression sur un député gallois qui proposait de remettre l’ancienne loi sur la sorcellerie dans le corpus législatif, suite à quelque gesticulation stupide adoptée à la télévision par notre vieil ami Alex Sanders. Le député et sa femme se sont avérés être des gens charmants et m’ont offert le thé dans le salon de thé de la Chambre des communes. Je ne sais pas quel genre de personne ils s’attendaient à recevoir, mais après leur avoir parlé et expliqué ce qu’était vraiment la sorcellerie d’aujourd’hui, je suis heureuse de dire que la proposition d’interdire la sorcellerie ne s’est jamais concrétisée. Je me rappelle également avoir dit aux représentants des médias qui m’avaient interrogée sur cette visite que les sorcières envisageraient de se rendre à la cour internationale de justice pour revendiquer nos droits civiques, si une telle interdiction redevenait une loi dans ce pays. Eh bien maintenant, nous n’aurons peut-être plus à le faire. Nous pourrions être en mesure de revendiquer nos droits civiques devant les tribunaux britanniques. C’est une question très importante pour nous et je suis sûre que la Pagan Federation y veillera tout particulièrement.
Les gens d’aujourd’hui ne peuvent imaginer à quel point la société des années 1950 était guindée et répressive, lorsque le vieux Gerald a évoqué pour la première fois le sujet de la sorcellerie comme la survivance d’une ancienne religion. À l’époque, vous ne pouviez pas vous rendre dans un magasin afin d’acheter un jeu de tarot ou un livre sur l’occultisme sans attirer des regards curieux, et l’on vous disait généralement ne pas avoir de telles choses en stock. Il n’y avait pas de livre de poche sur l’occultisme, à l’exception d’ouvrages tels que l’Old Moore’s Almanac ou sur des thèmes très populaires comme la lecture des feuilles de thé. Les livres sérieux sur le sujet n’étaient disponibles que d’occasion, à des prix très élevés. La mentalité de cette époque a été parfaitement illustrée par la célèbre enquête réalisée par un éminent avocat, lors du procès concernant la publication du livre de D.H. Lawrence, L’amant de Lady Chatterly, lorsqu’il a demandé très sérieusement au jury : « Permettriez-vous à vos domestiques de lire ce livre ? » Il sous-entendait que les gens ordinaires n’avaient pas le droit de lire ce qu’ils voulaient ni de penser ce qu’ils voulaient, et encore moins de faire ce qu’ils voulaient. Et, bien sûr, c’est pourquoi des livres comme Witchcraft Today du vieux Gerald, publié pour la première fois en 1954, ont eu tant d’impact.
Riders, ses éditeurs, prenaient réellement des risques en le publiant et ce n’est, je crois, qu’après avoir été soigneusement édité par le regretté Ross Nichols qu’ils ont accepté de le faire. Même des auteurs reconnus comme Dion Fortune se sont heurtés aux obstacles que sont les préjugés. Elle a dû publier elle-même sa plus célèbre œuvre de fiction, The Sea Priestess, car aucun éditeur à son époque ne voulait y toucher, à cause de ses références à la magie lunaire et à la sorcellerie.
Le jour où j’ai pris le thé dans la maison de Dafo, à la lisière de la New Forest, pour rencontrer le vieux Gerald, je n’aurais jamais pensé que je finirais, plus de 40 ans plus tard, à parler lors d’une conférence comme celle-ci, de sorcières et païens autoproclamés. Et croyez-moi, à cette époque, une telle conférence n’aurait pas été autorisée. La police l’aurait interdite ! Les temps ont en effet changé et seuls ceux de l’ancienne génération comme moi réalisent à quel point.
Vous vous demandez peut-être à quoi ressemblait vraiment le vieux Gerald ? Eh bien, c’était un personnage authentiquement singulier, d’apparence impressionnante, avec ses cheveux blancs hirsutes et son visage basané, les tatouages sur ses bras et son gros bracelet en bronze à son poignet. Cependant, c’était un homme très gentil, pas pompeux comme certains pseudo-leaders du monde de l’occultisme, mais plein de véritables connaissances et d’expériences hors des sentiers battus, acquises dans de nombreux endroits lointains et lors de rencontres, avec des personnes comme Aleister Crowley et d’autres véritables praticiens de la magie, pas de gens qui en ont seulement parlé.
Il avait également un sens de l’humour merveilleusement espiègle. Je me rappelle d’une fois où il a voulu envoyer à un correspondant en Amérique quelque chose qu’il avait fabriqué. Il était très habile à la fabrication des outils de sorcellerie, car on ne pouvait rien acheter de tel à l’époque et il avait fabriqué un magnifique petit objet pour constituer la tête d’une baguette. Le problème était que cet objet avait la forme d’un phallus en érection (assez traditionnel), mais comment allait-il le décrire dans le formulaire postal pour tout envoi à l’étranger qu’il devrait remplir ? Eh bien, Gerald y a réfléchi et est parvenu à une formulation qui a résolu le problème. Il a appelé cela : « A portable religious erection » (ndlt : une érection religieuse portative ; érection au sens de fabrication, construction). Évidemment, personne ne l’a interrogé et l’objet est arrivé sain et sauf à destination.
Au début, je n’ai pas remis en question tout ce que Gerald m’a raconté sur ce qu’il prétendait être des enseignements traditionnels de l’Ancienne Religion. Mais finalement, j’ai commencé à m’interroger, je me suis demandée ce qui était vraiment traditionnel et ce qui était simplement les préjugés de Gardner. Par exemple, il était totalement contre le fait que les gens de même sexe pratiquent ensemble, en particulier s’il s’agissait d’homosexuels. En fait, il est allé jusqu’à décrire les homosexuels comme étant « maudits par la Déesse ». Eh bien, je ne vois aucune raison de croire cela. À toutes les époques de l’Histoire, dans tous les pays du monde, il y a eu des personnes homosexuelles, hommes et femmes. Alors pourquoi Mère Nature n’aurait pas su ce qu’elle faisait en créant ces personnes de cette façon ? Je ne suis pas d’accord avec ce préjugé à l’encontre des homosexuels, que ce soit au sein de l’Art des Sages ou en dehors.
En 1978, un livre très intéressant a été publié aux USA, dont le titre est Witchcraft and the Gay Counterculture, d’Arthur Evans. Son sous-titre est : A radical view of western civilisation and some of the people it has tried to destroy. J’aurais voulu que le vieux Gerald puisse le lire, parce qu’il lui aurait ouvert les yeux (comme il l’a fait pour moi quand j’en ai acheté un exemplaire récemment) sur tout un domaine de la sorcellerie perçu jusque-là comme un sujet tabou. Comme ils disent dans X-files: « la vérité est ailleurs. »
Je suis venue à remettre en question un autre enseignement de Gerald, elle concerne la croyance populaire connue comme « la loi du triple retour ». Celle-ci nous dit que, quoi que vous fassiez en sorcellerie, vous le récupérez au triple, en bien ou en mal ! Eh bien, je n’y crois pas ! Pourquoi diable devrions-nous supposer qu’il existe une loi du karma particulière qui s’appliquerait seulement aux sorcières ? Pour l’amour de la Déesse, nous illusionnons-nous vraiment au point de nous croire si importants ? Pourtant, me dit-on, de nombreuses personnes, en particulier aux USA, prennent cela comme article de foi. Je n’ai jamais vu cela dans aucun des vieux livres de magie et je pense que c’est une invention de Gardner.
Je n’essaie pas de démolir le vieux Gerald. Nous avons eu suffisamment de gens pour le faire, généralement des gens qui n’auraient jamais entendu parler de sorcellerie sans lui. Mais, en fin de compte, j’en suis venue à me demander comment il pouvait très solennellement faire jurer le secret à ses initiés et ensuite aller donner une interview à quelque journal qu’il savait spécialisé dans les formes les plus grossières de publicité.
Gerald recherchait la publicité, à l’exaspération de la vieille Dorothy, son initiatrice parmi les sorcières de la New Forest, de Dafo sa Grande Prêtresse, et finalement de moi-même ; mais il avait un but en le faisant. Il croyait honnêtement que l’Ancienne Religion allait mourir dans son pays à moins d’attirer du sang neuf. Qu’il ait eu raison ou non dans cette croyance, je ne le sais tout simplement pas ; bien que je crois personnellement que l’Ancienne Religion possède ses propres gardiens sur les Plans Intérieurs. Cependant, Gerald avait l’enthousiasme d’un converti et a considérablement alarmé les personnes plus âgées. Je me souviens que lorsque j’ai finalement cessé de pratiquer avec Gerald et que j’ai pris contact avec Robert Cochrane, qui prétendait être un sorcier héréditaire, ce dernier m’a dit que les sorcières traditionnelles de sa connaissance étaient scandalisées par les activités de Gerald.
En fait, m’a-t-on dit, certaines d’entre elles ont même déploré l’abrogation de l’ancienne loi sur la sorcellerie. Car, disaient-elles, cela ouvrirait la porte à toute sorte de charlatanerie. Elles voulaient que le public partage le point de vue officiel, à savoir que la sorcellerie était morte. Ainsi, serait-elles libres, croyaient-elles, de pratiquer les Anciennes Voies en paix.
Les gens doivent décider par eux-mêmes si ces anciens praticiens avaient raison ou non. J’avoue qu’il y a eu des fois où j’ai failli penser qu’ils avaient raison. Cependant, selon moi, rien ne peut rester immuable. Nous ne pouvons pas vivre dans le passé. Nous devons nous tourner vers le futur. Et pourtant, certaines personnes semblent plutôt choquées de constater que les sorcières et les païens ont des sites sur Internet, en particulier aux USA. Eh bien, Internet sonne plutôt comme quelque chose de magique : the World Wide Web, la toile mondiale ! Savent-elles que l’une des formes de la Déesse est une araignée posée sur sa grande toile d’argent ? Savent-elles que certains cultes vaudous en Amérique l’appellent « la Reine Araignée de l’Espace » ?
Je me demande comment feu Robert Cochrane aurait réagi à ces développements modernes. Il était le Magister, ou leader masculin d’un coven, que j’ai contacté dans les années 1960, après avoir cessé de pratiquer avec Gerald Gardner. Il prétendait être un sorcier héréditaire et détestait ceux qu’il appelait « les Gardnériens ». En fait, je crois qu’il a inventé ce terme de « Gardnerien », à l’origine il s’agissait d’une injure ! Sa façon de pratiquer était très différente de celle de Gerald Gardner. Tout d’abord, il rejetait l’idée de la nécessité de pratiquer nu. C’est pourquoi on a donné le nom de « coven en robe » à son type de coven. Ses membres portent des robes, habituellement noires ; premièrement, parce qu’ils préfèrent pratiquer en extérieur, pour être plus proches de la nature ; et deuxièmement, ils affirment que si le pouvoir de la sorcière ne peut pas passer à travers les couches de vêtements, c’est qu’il s’agit alors d’un pouvoir vraiment très faible. La robe noire représente la nuit et le secret. Elle a un usage pratique de camouflage la nuit, lorsque ceux qui la portent veulent pouvoir se fondre dans les ombres et ne pas être vus.
La pratique de Cochrane était beaucoup moins verbale que celle de Gerald Gardner. Elle était essentiellement méditative et silencieuse. Je pense moi-même que c’était probablement plus conforme à la façon de nos ancêtres, car la majorité des gens d’autrefois savaient à peine lire ou écrire, et les rituels devaient être appris par cœur et transmis oralement. Mais, Cochrane observait les mêmes événements rituels que ceux des disciples de Gerald ; à savoir, la pleine lune et les 4 grands sabbats de la Chandeleur, de May Eve (la veille de mai), de Lammas et d’Halloween. Il observait également les équinoxes et les solstices, mais leur accordait moins d’importances. Le chant rituel sans paroles était un des moyens favoris de lever le pouvoir, comme l’était la danse en cercle, souvent autour d’un feu ou un symbole du Dieu et de la Déesse, tels que le bâton fourchu (connu sous le nom de stang) et le chaudron.
Je n’ai aucun doute sur la puissance de cette façon de pratiquer et, personnellement, je la crois plus proche de la sorcellerie traditionnelle que celle de Gardner. Selon moi, la raison pour laquelle le coven de Cochrane s’est finalement séparé (comme je l’ai décrit dans mon livre The Rebirth of Witchcraft) a davantage à voir avec ses défauts de personnalité et problèmes personnels qu’avec un dysfonctionnement de son système magique. Je suis donc heureuse de pouvoir dire que ses pratiques se perpétuent, ici et aux USA, bien que dans le plus grand secret.
Nous évoquions les moyens de lever le pouvoir, mais qu’est réellement ce pouvoir des sorcières que nous érigeons ? Il semble s’agir d’une sorte d’énergie frontière, telle qu’en ont parlé divers praticiens de l’occulte, en différents lieux et époques. Par exemple, les kahunas d’Hawaï l’appellent Mana. Les hindous l’appellent Prana. Lorsqu’au XVIIIe siècle, les adeptes de Mesmer ont commencé à redécouvrir cette énergie, ils ont parlé (plutôt confusément) de « magnétisme animal ». De nos jours, Wilhelm Reich nous a donné le concept « d’énergie d’orgone ». Apparemment très similaire à celui du Baron Von Reichenbach du début du XIXe siècle, qu’il appelait Od ou Odyle et qu’il prétendait voir s’écouler des pointes des cristaux de quartz. Un concept qui rappelle les « pouvoirs des cristaux » dont nous entendons tant parler de la part des adeptes du New-Age aujourd’hui. Il semble évident que tous ces termes décrivent une énergie très similaire et, peut-être qu’aujourd’hui, alors que l’esprit des gens est plus ouvert, nous pouvons commencer à étudier de plus près ce domaine des énergies subtiles. Peut-être également redécouvrirons-nous ce qu’il se passe réellement lorsque les sorcières se réunissent pour « ériger le cône de pouvoir » ( supposément ce que représente le chapeau pointu des sorcières).
Mais que devrions-nous faire de cette puissance, une fois que nous l’aurons érigée ? En effet, quel est le but fondamental de l’Art des Sages ? On nous a dit que la sorcellerie est un culte de la fertilité. Dans les temps anciens, c’est probablement ce qu’elle était. Elle concernait la fertilité de la terre à travers les quatre saisons de l’année et le bien-être du pays et de ses habitants. Elle concernait les aspects fondamentaux des aspects de la vie : la naissance, la mort et la renaissance. Il s’agissait donc fondamentalement de l’invocation de la force de vie elle-même. « L’ancienne providence » comme l’appelaient les gens de la campagne en Grande-Bretagne.
Cependant, l’idée de fertilité est quelque chose qui va beaucoup plus loin que l’espoir de bonnes récoltes et d’un bétail qui prospère. Et je suis sûre que cela a toujours été le cas. Il y a une fécondité aussi bien spirituelle que matérielle. Les gens ont besoin d’être en bonne santé, vigoureux et créatifs. La vie est faite pour être appréciée et pas seulement pour être endurée. Il y a un merveilleux passage dans les célèbres écrits « canalisés » d’Aleister Crowley, Le Livre de la Loi :
Souvenez-vous tous que l’existence est pure joie ; que toutes les souffrances ne sont que des ombres ; elles passent et disparaissent ; mais il y a ce qui demeure.
Aleister Crowley n’était peut-être pas quelqu’un de très bien ; mais c’était un grand poète.
Les initiés des antiques mystères païens apprenaient à dire :
Je suis l’enfant de la terre et des cieux étoilés*, et il n’y a nulle part de moi qui n’est pas des Dieux. »
De nos jours, si nous croyons en cela, alors nous comprendrons que cela est vrai non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour les autres. Nous cesserons, par exemple, ces chamailleries stupides entre covens, parce qu’ils leur arrivent de faire les choses différemment de notre manière de faire. Soit dit en passant, c’est la raison pour laquelle j’ai finalement quitté [le coven de] Robert Cochrane. Il voulait déclarer une sorte de guerre sainte contre les disciples de Gerald Gardner, au nom de la sorcellerie traditionnelle. Cela n’avait aucun sens pour moi, parce qu’il me semblait, et c’est toujours le cas, qu’en tant que sorcières, païens ou quelle que soit la façon dont nous nous appelons, les choses qui nous unissent sont beaucoup plus importantes que les choses qui nous divisent.
J’ai dit cela dans les années 1960, à l’époque de l’ancienne Witchcraft Research Association, et je le répète aujourd’hui. Cependant, je crois que nous avons fait de gros progrès depuis cette époque. Nous nous sommes littéralement répandus dans le monde entier. Nous sommes un mouvement créatif et fécond. Nous avons inspiré les arts, la littérature, la télévision, la musique et les recherches historiques. Nous avons combattu les calomnies et les insultes. Nous avons survécu à la trahison. Donc, il me semble que les Puissances En Place doivent avoir un objectif pour nous, dans l’Ère du Verseau** qui est en train d’émerger. « So Mote It Be ». « Qu’il en soit ainsi ».
Note de la traductrice:
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* Cette phrase est inspirée de la formule des tablettes éleusiniennes : « Prononce ces mots : “Je suis l’enfant de la Terre et du Ciel étoilé : mais mon origine est le ciel même”. »
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** Doreen Valiente voyait l’émergence publique de la wicca comme un signe de l’ère du Verseau. Elle pensait que la wicca devait s’allier aux mouvements féministes et écologiques afin de créer un avenir meilleur pour la planète. (cf. Tapsell, Jonathan (2013). Ameth: The Life and Times of Doreen Valiente. London: Avalonia). L’ère du Verseau est considérée comme étant une ère de transformation, de progrès et d’évolution spirituelle. Son avènement marquerait un changement de conscience collectif. Il s’agirait d’une période de transition et de réalignement des valeurs et des croyances. Certains pensent que cela se traduit par une ouverture accrue à la spiritualité, à la conscience écologique, à l’éveil de soi et à l’élévation de la conscience collective.