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Gerald Gardner, Anciens Mots et Anciennes Lois
Par Oakser, traduction & adaptation Tof
Les origines de la Wicca Gardnerienne (dans tout cet article j’emploie « Gardnerien » pour désigner tous les mouvements religieux qui découlent apparemment du travail de Gerald Gardner, y compris des ramifications telles que l’Alexandrian Wicca et (California) Central Valley Wicca, plutôt que de restreindre ce terme aux branches de la Wicca qui revendiquent l’étiquette Gardnerienne) ont été sujettes à polémique depuis la description par Gerald Gardner de la religion dans Witchcraft Today en 1954. La première question fut, « quel a été le rôle réel de Gardner ? Était-il l’inventeur, re-créateur ou simplement celui qui a transmis la tradition qu’il a pratiquée et prêché ? Bien que quatre décennies de discussions n’ont pas répondu à cette question, j’espère lever le voile sur une partie du problème.
Gardner a dit qu’il fut initié et formé dans un vieux coven de Sorciers dans la région de New Forest en Angleterre. Malheureusement, les circonstances ont placé de gros obstacles dans notre recherche de la vérité :
Nous manquons de témoignage direct sur les affirmations de Gardner : aucun autre membre du coven de New Forest, duquel Gardner prétendait avoir reçu son enseignement, ne s’est jamais montré au grand jour pour confirmer ou nier ces affirmations, et alors que le temps passe et les gens décédent, cela devient encore plus improbable. Nous n’avons que la parole de Gardner pour affirmer que le coven a existé.
Nous n’avons aucun document indépendant : Gardner a dit que le coven de la New Forest était extrêmement discret, puisque se déclarer sorcier pouvait être (et c’est toujours le cas) la cause de diverses persécutions. La dernière chose que les sorciers voulaient était le genre de documentation rigoureuse dont on a besoin pour débattre de considérations historiques.
Gardner lui-même, qui était tout sauf réservé, ne peut pas être considéré comme une source entièrement crédible : en dépit de sa présentation de « Witchcraft Today » et « The Meaning of Witchcraft » comme des études anthropologiques, il y a de bonnes raisons de croire que la priorité de Gardner était de faire revivre la sorcellerie, plutôt que d’en fournir une description scientifiquement précise.
En dépit de ces handicaps, il y a beaucoup qui peut et devrait être découvert à partir des données qui sont disponibles. Une grande partie de mon propre travail fut d’examiner les preuves disponibles dans le matériel édité par et au sujet de Gardner : ses deux essais, « Witchcraft Today » and « Meaning of Witchcraft », ainsi que sa biographie, « Gerald Gardner, Witch », par l’associé de Gardner, Jack Bracelin. (Il y a eu une polémique considérable sur l’auteur réel de « Gerald Gardner, Witch ». Allyn Wolfe, par exemple, a suggéré que le travail ait été écrit anonymement par Idries Shaw, qui fut associé à Gardner pendant un certain temps. Pour cet article, j’ignore cette polémique et me réfère simplement à Bracelin en tant qu’auteur du livre. J’ai essayé de déterminer s’il y a une preuve quelconque dans les livres de Gardner qui augmenterait ou diminuerait la crédibilité de ses dires.
Un argument que les détracteurs de Gardner avance est que tout ce qui forme le Livre des Ombres Gardnerien (BoS) pourrait avoir été créé par Gardner lui-même, en puisant dans son immense bibliothèque traitant de sorcellerie et de sujets occultes. La validité de cet argument est discutable, puisque l’âge d’une religion n’a pas forcement à être jugé par l’âge de ses écrits. Les textes les plus anciens du Nouveau Testament, par exemple, ont été semble-t-il écrits des décennies après les événements qu’ils décrivent. Comme Gardner a affirmé qu’une partie du matériel qu’il a transmis à ses étudiants a été copié du livre de sa Grande Prêtresse, trouver une preuve que le Livre des Ombres serait antérieur à Gardner serait une étape pour contrer ses critiques.
Je crois avoir trouvé une partie de cette preuve en examinant un document appelé « Les Anciennes Lois » (également appelées les « Lois de l’Art » et « Ordonne ») à la lumière du matériel édité. « Les Anciennes Lois » est probablement le document le plus ancien dans le livre des ombres Gardnerien (si on ne tient pas compte, naturellement, des Clavicules de Salomon, un grimoire qui date au moins du moyen-âge) et certainement la plus controversée. Il est aussi remarquable à d’autres égards, comparé aux autres textes Gardneriens publiés : (J’estime que la crédibilité de la wica exige un débat public. Nous avons eu tous trop d’exemples de personnes faisant des déclarations au sujet de notre histoire, mais refusant d’indiquer leurs sources en raison des serments de secret. Pour la plupart, ces affirmations étaient visiblement des mensonges. Pour cela, je base mes conclusions sur des textes édités et généralement disponibles à l’exception des « Anciennes Lois » issu du manuscrit de Kelly (voir ci-dessous) qui est inclus dans son ensemble dans l’annexe B.)
C’est le seul document dans les parties éditées du livre qui contient plus que superficiellement une langue archaïque.
C’est le seul document présentant des références à la persécution légale des sorcières comme un phénomène contemporain.
Il est l’un des quatre documents connus dans le BoS qui contienne des textes « théologiques » et un des deux qui n’est pas connu pour être d’origine récente dans sa forme actuelle. ( Les deux autres sont « la charge de la déesse » et « de la prière de Dryghtyn (ou bénédiction), » tous deux ont été réécrits par Doreen Valiente lorsqu’elle était Grande Prêtresse de Gardner (1953-1957). Gardner affirme qu’il a reçu le troisième, « la Légende de la Descente de la Déesse, » du coven de New Forest, mais il admet qu’il a pu avoir été écrit relativement récemment.
C’est le document contenant des informations sur la façon dont les covens sont organisés et fonctionnent.
En raison de sa langue et des références à la persécution légale des sorcières, si le contenu « des Anciennes Lois » est authentique, il dit qu’une forme de sorcellerie, l’ancêtre de celle d’aujourd’hui, a été pratiquée pendant des siècles. Je dis « si », puisque les détracteurs de la Wica Gardnerienne considèrent « les Anciennes Lois » comme un faux écrit par Gardner.
Certainement, les circonstances dans lesquelles le document est apparu le rend extrêmement douteux. Doreen Valiente décrit la situation dans son livre « The Rebirth of Witchcraft ». (Doreen Valiente, The Rebirth of Witchcraft, (Robert Hale, 1989), pp. 69-71).
En 1957, un désaccord avait éclaté entre Gardner et certains des membres au sujet du penchant de Gardner pour les entretiens avec la presse. Doreen Valiente, la Grande Prêtresse du coven, trouvait qu’il compromettait la sécurité du groupe et l’intégrité de ses propres enseignements. Elle et un autre membre ont essayé de régler la situation en créant un ensemble de règles pour le groupe, appelé « Proposition de Règles pour la Wica » (Voir l’Annexe B), qui incluaient :
Aucun membre de la Wica ne donnera d’informations ou d’entrevue sur la wica à un journaliste ou un écrivain, ou ne participera pas à la publication de telles informations, sans l’approbation des Aînés (Elders en anglais), même les Aînés devront obtenir l’approbation du reste des Aînés.
Une autre règle indiquait que Gardner lui-même devait suivre ces nouvelles règles :
Tous les membres comprendront que ces règles lient également tous les Wica de tous les Degrés, y compris les Aînés, et qu’une infraction sérieuse et/ou persistante de ces règles sera une cause d’exclusion.
Comme réponse, Gardner a affirmé que cette « Proposition de Règles » était inutile, puisque la wica avait déjà un ensemble de lois traditionnelles. Il a alors envoyé aux membres de son coven « les Anciennes Lois », un document contenant des règles, des précautions, des conseils pratiques et de la théologie. Mme Valiente a douté de l’authenticité de ces « Anciennes Lois » et s’est fortement opposée à elles. Elle a donc suivi un chemin différent de Gardner pendant plusieurs années (Mme Valiente est un cas exceptionnel). Si je comprends bien, elle doute de l’authenticité « des Anciennes Lois, » mais soutient fortement l’idée que la Wica de Gardner provient de sources traditionnelles.
Gardner, apparemment, continuait à affirmer que ces lois faisaient partie du BoS (ndt : BoS, abréviation pour Book of Shadows = Livre des Ombres), puisqu’elles sont souvent trouvées dans les textes publiés sur la wica. (Deux exemples sont contenus dans King of the Witches de June Johns (Pan Books 1969) et le Grimoire of Lady Sheba (Llewellyn Publications, 1974). Malheureusement, aucune de ces versions éditées ne semble être identiques à l’originale que décrit Mme Valiente. A un degré plus ou moins grand, la langue y a été modernisée par rapport à ce qui semble être l’original, souvent avec des ajouts et des fautes d’orthographe. Si ce n’était pas grâce à une circonstance peu commune, nous n’aurions pas eu à analyser ce qui semble être une copie de cet original.
En 1977, Aidan Kelly était un étudiant à la Berkeley Theological Union en Californie. En tant qu’élément de ses études, il a choisi d’écrire un article sur l’histoire de la wica. Kelly a eu de la chance en établissant des contacts avec Ripley’s International, une compagnie de divertissement qui avait acheté le contenu du musée de la sorcellerie et de la magie de Gardner à ses héritiers. Il était également un ami d’Issac Bonewits, qui travaillait comme éditeur pour Llewellyn Publications, la maison d’édition occulte bien connue.
Pendant une visite à Ripley’s International, Kelly a découvert un manuscrit de Gardner précédemment inconnu, « Ye Bok de Ye Arte Magickal » (BAM) qui contenait apparemment des textes anciens, datant probablement d’avant que Gardner ait choisi d’employer « Livre des Ombres » comme titre du Livre des Sorcières (Le titre, « Livre des Ombres, » est apparemment une expression chose que Gardner a trouvé vers 1949 dans un magazine. C’est ce qui est dit par D. Valiente). Il a également trouvé, dans les archives de Llewellyn, une collection de textes Gardneriens qui avaient été envoyés au propriétaire de Llewellyn, Karl Weschcke, par un élève de Gardner. Kelly pouvait en déduire que ces articles venaient réellement directement de Gardner, puisqu’ils semblaient avoir été dactylographiés sur la machine à écrire que Gardner utilisait dans sa correspondance avec Weschcke lui-même. Elles contiennent également des corrections qui semblaient être de la propre main de Gardner. Le correspondant de Weschcke l’a confirmé plus tard.
Le résultat des recherches de Kelly fut un long manuscrit livre, « The Rebirth of Witchcraft : Tradition and Creativity in the Gardnerian Reform ». Par la suite Llewellyn a édité une version de ce manuscrit en 1991 sous le nom de « Crafting the Art of Magic » livre I, le premier volume d’une histoire de la Wica contemporaine et du paganisme.
Malheureusement, (je crois) Crafting the Art of Magic a beaucoup de défauts dans sa logique. Le pire, comme l’a montré Don Frew du Covenant of the Goddess , (« Don, Anna and Allyn Show Us ‘Ye Book of ye Art Magical’ » par Oakseer in Red Garters International, Vol. 22, No. 2.) les transcriptions supposées du manuscrit qu’il a trouvé comporte de nombreuses erreurs. (Une de ces erreurs fut récemment la cause de deux articles donnant une mauvaise interprétation de l’histoire de « la charge de la Déesse » ( En 1996 et/ou 1997 deux articles dans les magazines Wica Enchanté et Aisling sont arrivés à la même conclusion que Doreen Valiente s’était inspirée de textes d’Aleister Crowley en écrivant la charge, alors qu’elle a dit qu’elle avait seulement retiré une partie des textes de Crowley qui lui semblait inadéquate. C’était parce que les textes en question ne figurent pas dans la transcription de Kelly du « Leviter Veslis » du BAM. Ces lignes existent réellement, mais ne sont pas incluses dans Crafting the Art of Magic.
Heureusement, le manuscrit original de Kelly a circulé dans la communauté païenne pendant quelques années avant d’être édité. J’ai pu examiner une copie et comparer son contenu à une partie des textes qu’il cite. Bizarrement, j’ai découvert le manuscrit où le texte ne figurait pas. (Personne ne sait pourquoi Kelly à laisser à ces erreurs paraître dans Crafting the Art of Magic.) Pour cette raison, je pense que la version « des Anciennes Lois » du manuscrit original de Kelly est suffisamment crédible pour y baser une analyse. (J’ai écrit à Karl Weschcke pour obtenir une photocopie du texte original. Jusqu’ici cette demande est restée sans réponse.)
Beaucoup de ceux qui ont étudié cette partie de l’histoire de la wica ont senti que l’on pouvait raisonnablement suspecter Gardner d’avoir inventé « les Anciennes Lois » juste au moment où il en avait besoin. Leurs soupçons se fondent essentiellement autour de quatre problèmes sur le texte et son timing :
A ce moment, Gardner avait déjà donné des textes à son groupe depuis plusieurs années. Si ces Anciennes Lois étaient authentiques, pourquoi ne pas les avoir produites auparavant ? Montrer un « nouveau » document ancien pouvait être vu par Gardner comme un moyen d’affirmer son autorité, d’autant plus que certaines des Anciennes Lois ont été comprises alors comme augmentant l’autorité de Gardner en tant que Grand Prêtre aux dépens de la Grande Prêtresse D. Valiente.
Plusieurs des dispositions des Anciennes Lois recouvrent ou semblent très semblables à certaines règles de la « Proposition de Règles pour la Wica ». On a suggéré que Gardner a employé « les règles proposées » comme base pour les Anciennes Lois. (Aidan Kelly, en particulier, a supposé que Gardner a écrit « les Anciennes Lois » en s’inspirant de la « Proposition de Règles pour la Wica » et en « parsemant » le document d’anciens mots trouvés dans un ouvrage de référence, probablement le dictionnaire de l’Anglais d’Oxford.)
Si « les Anciennes Lois » était réellement anciennes, pourquoi est-il écrit dans une langue aussi inégale ? Certains des mots et tournures semblent anciennes, alors que d’autres sont de toute évidence modernes. Certaines parties semblent même avoir été vieillies par un apport pseudo archaïque postérieur.
Un examen plus précis révèle des faiblesses dans ces arguments : Même si Gardner n’a pas divulgué les Anciennes Lois à ses amis pendant plusieurs années, il y a de nombreuses preuves qu’au moins certaines d’entre elles préexistaient. Une grande partie du texte est cité ou paraphrasé dans Witchcraft Today (Ici nous avons différents arguments menant à la même conclusion). Doreen Valiente a rejeté « les Anciennes Lois » car elle pensait qu’elles étaient nouvelles ; Kelly argumente contre car il pensait qu’elles étaient simplement de vieilles idées de Gardner de Witchcraft Today. Ni l’un ni l’autre argument ne tient la route. Nous ne pouvons pas juger de l’âge d’un texte en se basant uniquement sur la date où on l’a rendu public. Je suspecte qu’une raison de ce retard, est lié au fait que les Anciennes Lois semblent avoir été, non un seul document, mais une collection de textes de plusieurs l’origine distinctes. Ils ont pu avoir été copiés par Gardner sur les documents qu’il a vu dans le coven de New Forest et réunis que des années plus tard, lorsque Gardner a pensé avoir besoin d’un ensemble de règles réunies en un seul texte. Ce n’est pas nécessairement la seule possibilité : dans ses textes édités, Gardner cite l’enseignement qu’il prétend avoir reçus des sorcières du coven de New Forest qui ne semblent pas n’avoir aucune contre partie dans la wica moderne. La wica moderne (au moins ses branches américaines) impose que les étudiants reçoivent tous les textes que leurs professeurs ont reçus ; une telle pratique a pu ne pas avoir existé à l’époque de Gardner. En outre, comme on l’a vu, il a pu tarder à assembler les Anciennes Lois et les écarter parce qu’il aurait dû expliquer pourquoi il ne les avait jamais réellement suivies lui-même.
Tandis que la date de publication des Anciennes Lois peut provoquer un doute raisonnable, l’idée que ce n’étaient qu’un stratagème politique ne résiste pas à l’examen non plus. Le désaccord entre Gardner et les membres de son coven venait principalement de l’habitude de Gardner de parler de la wica à la presse. « Les Anciennes Lois, » plutôt que de permettre à Gardner de faire ce qu’il voulait, sont beaucoup plus restrictives que les règles proposées par les membres de son coven. Là où la « Proposition de Règles pour la Wica » limitent les entrevues avec des journalistes, « les Anciennes Lois » interdisent absolument de parler de la wica à n’importe qui ! Elles donnent également une autorité quasi absolue à la Grande Prêtresse, qui était dans ce cas-ci l’adversaire principal de Gardner. (Avec respect, je suggère qu’à cette époque D. Valiente était suffisamment fâchée contre Gardner pour ne pas avoir lu « les Anciennes Lois » assez précisément pour le voir.) Si Gardner avait voulu se donner une plus grande latitude, il aurait sûrement écrit autre chose !
Que les Anciennes Lois et la « Proposition de Règles pour la Wica » devrait être très semblable ne devrait pas étonner. Dans The Rebirth of Witchcraft, Doreen Valiente dit que les dispositions de « sécurité » dans « proposition de Règles pour la Wica » ont été en grande partie basées sur ce que Gardner leur avait déjà enseigné ; les nouvelles règles devaient obliger Gardner à suivre son propre enseignement. Cet enseignement, pourrait très bien avoir eu son origine dans les Anciennes Lois elles-mêmes (ou les textes qui en sont à l’origine).
En conclusion, la langue des « Anciennes Lois » pourrait être ce qu’on attendrait de textes écris (soi-disant) au 16ème ou 17èmes siècle et modernisé au petit bonheur. (La première thèse de Kelly est conforme à cette idée. Voir l’Annexe C.)
J’ai entendu plusieurs histoires qui sont censées expliquer une partie l’écriture par Gardner des Anciennes Lois. La première est que quand Doreen Valiente et les siens ont quitté le coven de Gardner et ont créé le leur, ils ont demandé à Gardner s’ils pouvaient continuer à se réunir dans leur ancien lieu de réunion. Gardner est censé avoir refusé, en citant les Anciennes Lois :
C’est une règle qu’un coven ne sache pas où se réunit un autre coven, ou qui en sont les membres.
Si l’histoire est vraie, ceci peut avoir été une bassesse de la part de Gardner, mais il n’a certainement pas composé ces règles pour l’occasion. Ceci avait été déjà évoqué dans Witchcraft Today, des années avant que coven se sépare :
Ils ne doivent pas savoir où les autres coven se situent. S’ils ne le savent pas, ils ne peuvent pas en parler, qui sait quand la persécution peut recommencer ? (Witchcraft Today, p. 129.)
Doreen Valiente dit qu’elle croyait que Gardner a écrit certaines des dispositions des Anciennes Lois spécialement pour pouvoir la remplacer en tant que Grande Prêtresse du groupe par une autre femme. Il est vrai que les Anciennes Lois indiquent :
Et la plus grande vertu pour une Grande Prêtresse est qu’elle comprenne que la jeunesse est nécessaire pour représenter la déesse, de sorte qu’elle se retirera avec élégance en faveur d’une plus jeune femme, si le Coven en conseil devait en décider ainsi.
Mais les lois ne donnent pas ici à Gardner le pouvoir de déposer ou de nommer les Grandes Prêtresses. Le reste de coven aurait dû donner son accord. De plus, les Anciennes Lois rendent sa position de Grand Prêtre bien plus ténue :
Et la Grande Prêtresse dirigera son Coven comme représentante de la Déesse, et le Grand Prêtre la soutiendra comme représentant du Dieu. Et la Grande Prêtresse choisira qui elle voudra, s’il a un rang suffisant, pour être son Grand Prêtre.
* * *
Après avoir vu que « les Anciennes Lois » n’ont donné à Gardner aucun grand avantage, une autre question est soulevée. Était-il capable de les écrire ? Un examen des écrits de Gardner m’incite à croire qu’il ne l’était pas. En dépit de ses considérables qualités intellectuelles dans d’autres domaines, il s’avère que Gardner était singulièrement peu apte à comprendre l’Anglais archaïque. Ses nombreuses erreurs dans Witchcraft Today et The Meaning of Witchcraft m’amènent à croire qu’il n’a pas compris certains des mots des Anciennes Lois et qu’il était donc peu susceptible de les avoir écrits. Pour illustrer cela, j’ai réuni quelques exemples de l’incompétence apparente de Gardner. Mon premier exemple, qui apparaît dans Witchcraft Today et est presque une citation exacte des Anciennes Lois, est parfois appelé « l’avertissement » :
Garde un Livre écrit de ta main. Laisse tes frères et sœurs copier ce qu’ils veulent ; mais jamais ne te sépare du Livre, et jamais ne conserve les écrits des autres, car si leur écriture était reconnue, ils pourraient être emmenés & torturés. Chacun conservera ses propres écrits et les détruira en cas de danger. Apprend par cœur tout ce que tu peux, et récris le Livre une fois le danger passé. Pour cette raison, si quelqu’un meurt tu détruiras son livre s’il n’a pas pu le faire, et qu’il soit trouvé, ce serait une preuve suffisante contre lui. « Il n’est point de sorcier isolé », ses amis risqueraient la torture, Aussi, détruis tout ce qui est superflu. Si l’on trouve le livre sur toi, ce sera une preuve contre toi et, tu pourrais être torturé.
Garde-toi de toute pensée sur le culte. Dis que tu as eu des cauchemars, qu’un démon t’a forcé à écrire cela sans que tu ne t’en rendes compte. Pense en toi-même : « Je ne sais rien, je ne me souviens de rien. J’ai tout oublié ». Tâche de t’en convaincre. Si les supplices sont insupportables, dis : « je confesserai, car je ne peux endurer ces tourments. Que voulez-vous que je dise ? Dites et j’admettrai ». S’ils veulent te faire parler de la fraternité, ne le fais pas, mais s’ils tentent de te faire avouer des chimères, tel que voler dans les airs, converser avec le Diable, sacrifier des enfants ou manger de la chair humaine, dis : « J’ai fais des cauchemars, je n’étais pas moi-même, j’étais fou ».
Tous les magistrats ne sont pas méchants. Avec des circonstances atténuantes, ils pourraient se montrer cléments. Si tu nous as dénoncés, rétractes-toi ensuite ; dit que tu as bafouillé sous la torture, que tu ignorais ce que tu faisais ou disais. Si tu es condamné, ne crains pas. La Fraternité est puissante. Ils pourront t’aider à t’échapper si tu restes inébranlable. Si tu nous trahis, IL N’Y A AUCUN ESPOIR POUR TOI EN CETTE VIE OU DANS LA PROCHAINE.
Si tu restes inébranlable jusqu’au bûcher, DES DROGUES T’AIDERONT et tu ne sentiras rien, mais tu trépasseras, qu’est-ce qui t’attend au-delà ? L’extase de la Déesse.
Il en va de même pour les outils de travail. Qu’ils soient des objets courants que n’importe qui peut avoir chez soi. Que les Pentacles soient fait de cire, afin qu’ils fondent ou cassent aisément. N’aies point d’épée, à moins que ton rang ne t’y autorise, N’aies aucun nom ou signe sur quoi que ce soit, écris les noms et les signes à l’encre avant de les consacrer et effaces-les immédiatement après. Ne jamais se vanter, ne jamais menacer, ne jamais souhaiter du mal à qui que ce soit. Lorsque l’on parle de l’Art, dits : « ne me parles pas d’une telle chose, cela m’effraye. Cela porte malheur d’en parler. » ( Witchcraft Today, 1954, p. 51-52)
Puisqu’il fait référence à l’exécution des sorcières par la crémation, Gardner dit qu’il pensait que le passage venait du continent plutôt que l’Angleterre, puisque les Anglais la plupart du temps pendaient les sorcières. Il pensait qu’il avait été traduit en anglais. Après coup, il ajoute, « il pourrait avoir été écrit en Écosse, mais les Écossais l’aurait exprimée plus clairement, je pense. » Gardner a pensé à l’Écosse, je présume, parce que les Écossais brûlaient également les Sorcières.
Après avoir lu les commentaires de Gardner, j’ai relu «l’avertissement», essayant de comprendre pourquoi Gardner l’a pensé «rudement traduit». Certainement, le dernier paragraphe semble mal placé, peut-être devait-il être après «détruis tout ce qui est superflu» dans le premier paragraphe. Autrement, la seule chose qui semble étrangère est l’expression, «Garde un Livre écrit de ta main » qui, à première vue, ressemble à ce qu’un Français (par exemple) pourrait avoir écrit. Est-ce ce que Gardner pensait qu’il aurait été exprimé plus clairement par les Ecossais ? Si oui, Gardner se trompe, parce que l’expression «écrit de ta main», s’avère être, selon le Oxford English Dictionary, une ancienne expression écossaise ( OED Vol. H, p. 55).
Il se passe la même chose dans Meaning of Witchcraft. Ici Gardner dit qu’on lui a parlé d’une vieille « langue sorcière » que plus personne ne parle plus, mais qu’il reste des mots aux consonances étranges comme « halch », le « dwale », « warrik » et « ganch ». Gardner pense qu’ « il s’agit d’une langue plus ancienne ». (The Meaning of Witchcraft, p. 74-75). En fait, cette « langue plus ancienne » est simplement l’anglais archaïque – que chacun peut facilement trouver dans le Oxford English Dictionary. (A l’exception de « warrik » qui est probablement une faute d’orthographe pour «warrok». En aparté, je n’ai jamais trouvé la plupart de ces mots dans les livres publiés (ou non) sur la Sorcellerie Gardnerienne, de nouveau, cela indique encore que Gardner n’a jamais donné à ses disciples tous ses textes. Une exception est « dwale » — un des nombreux mots archaïques que l’on trouve dans « les Anciennes Lois ».
Certains pourraient objecter que je ne vois Gardner que comme il voulait être vu, qu’il pensait que ses textes pourraient sembler plus authentiques si le lecteur pouvait y découvrir des informations que Gardner avait apparemment manquées. Cette idée plait à certains, en particulier à Aidan Kelly, bien qu’elle soit très différente du portrait de Gardner qu’ont fait de lui ceux qui l’ont connut. En particulier, j’ai eu l’occasion de rencontrer deux personnes qui faisaient partie du coven de Gardner à la fin des années 50 : «Dayonis», la femme qui a remplacé Doreen Valiente en tant que Grande Prêtresse et «Robert», qui était également là lorsque le coven s’est scindé. «Dayonis» a catégoriquement nié l’idée que Gardner était capable d’avoir inventé la sorcellerie moderne et de la faire passer pour une tradition ancienne. « Robert » semble croire que Gardner a fait beaucoup de changements et d’ajouts à l’enseignement qu’il a reçu à l’origine, mais a basé (la plupart du temps) son travail sur la tradition orale qu’il a reçue des sorcières New Forest.
Naturellement, ni l’un ni l’autre ne pouvaient fournir de preuve de ce que Gardner avait fait presque vingt ans avant qu’ils l’aient rencontré, mais il peut être significatif qu’aucune personne ayant travaillé avec Gardner n’ait jamais dit qu’elle pensait que Gardner «avait inventé» la sorcellerie qu’il leur a enseignée.
En tout cas, Gardner n’avait aucune raison de faire cette sorte d’«erreurs » en écrivant sur d’autres sujets que la wica, et pourtant il l’a fait. Dans un chapitre de Witchcraft Today consacré aux Chevaliers du Temple et à leur fin, Gardner compare ce qui est connu de leurs croyances avec celles des sorcières. En particulier, il mentionne qu’une corde utilisée comme ceinture avait une signification pour les sorcières et les Templiers. Pour indiquer que d’autres avaient noté l’usage des Templiers de ces cordes, il cite la Chronique médiévale de St. Denis : « dans leurs ceintures était leur mahommerie ». Gardner explique :
On a dit que cela signifiait qu’ils étaient secrètement musulmans; mais les accuser d’être musulmans auraient agravé l’accusation, et on ne l’a même jamais laissé entendre. A cette époque un Mammot était une expression employée pour décrire une poupée ou une idole et une Mahommerie voulaient dire, «avoir affaire à des idoles» (Witchcraft Today, p. 72)
Une fois encore Gardner se trompe dans l’emploie d’un mot ancien. « Mahommerie » n’a rien à faire avec des idoles, mais est un vieux mot pour mosquée (OED, Vol. M, p. 38). Cette fois, il n’y a aucune raison de douter qu’il ait voulu dire ce qu’il a écrit, puisqu’il ne parle pas l’enseignement de la sorcellerie, mais d’une vieille chronique chrétienne. Il n’a aucune raison d’être mystérieux ou réservé.
Comparez ce manque de justesse avec l’usage des mots dans « les Anciennes Lois ». Non seulement on y trouve des archaïsmes évidents comme « alther », « dwale » et « skith » utilisé correctement, mais certains mots qui existent toujours en anglais moderne sont utilisés également (et plus subtilement) dans leur ancienne signification : « engine », pour torturer ; « tormentor », le nom des fonctionnaires qui exécutaient la torture juridique ; et « convenient », moralement approprié. Même Kelly, dans sa thèse originale ne pouvait croire que Gardner pouvait avoir écrit « les Anciennes Lois ». Il imagine plutôt que (ne connaissant pas la réalité) « les Anciennes Lois » ont été écrites, sous les conseils de Gardner, par la personne qui a écrit « Proposition de Règles pour la Wicca ».
Alors que ce qui précède est à peine concluant, je sens qu’il y a des doutes significatifs sur l’écriture par Gardner « des Anciennes Lois ». C’est aussi, je pense, basé sur une preuve plus objective que les discussions au sujet de Gardner. J’ai examiné la compréhension par Gardner des mots anciens et ai trouvé des lacunes dans un certain nombre d’endroits liés aux Anciennes Lois. Puisque celui qui a écrit les Anciennes Lois semble avoir une connaissance beaucoup plus grande avec l’Anglais ancien, du seizième ou dix-septième siècle, aussi à moins que Gardner fut bien plus adroit que je ne peux le croire, il n’en étais pas l’auteur.
En dépit de la faiblesse des arguments des critiques de Gardner, et du manque de preuve réelle pour l’une ou l’autre thèse, les critiques de Gardner semblent actuellement être crus par beaucoup de Wicca. Je devine que c’est partiellement parce que les détracteurs potentiels ont écrit la plupart des livres et des articles sur le sujet. En particulier, Crafting the Art of Magic d’Aidan Kelly semble avoir eu une influence au delà de ses mérites au sein de la communauté Néo-Païenne. Quoique Kelly affirme qu’il a « prouvé » que Gardner a tout créé dans le Livre des Ombres, sa logique, étant souvent circulaire, a du mal à convaincre.
Une autre raison du succès des détracteurs peut être psychologique : Beaucoup de Païens et de Sorcières modernes se donnent beaucoup de peine pour éviter de paraître crédule, en réaction, peut-être, à la présentation romantique des origines de la wicca proposées dans un premier temps (entre autres par Gardner). Comme les Wicas deviennent soucieux d’avoir une image acceptable dans la communauté, il y a une tendance à favoriser ce qui semble être la version la plus conservatrice de notre histoire. L’idée d’une ou quelques personnes inventant une nouvelle religion semble « plus saine » que de croire en cette sorcellerie, la plupart du temps présentée comme un conte de fées, et qui pouvait avoir émergé, vivante et vraie au milieu du vingtième siècle après des siècles de « dissimulation ». (On sait maintenant qu’une pratique religieuse souterraine traversant les siècles peut exister. En 1992, exactement cinq cents ans après l’expulsion des juifs de l’Espagne, un groupe de personnes ont été découverts dans le Sud-Ouest Etats-Unis. Ils s’étaient officiellement converti au catholicisme romain avant leur émigration au Mexique espagnol, mais avaient secrètement maintenu leurs traditions juives pendant 500 ans.)
Ici je devrais énoncer que ma propre thèse (je ne peux pas dire « la prouver ») est que Gardner a assemblé « les Anciennes Lois » à partir de ce qu’il avait obtenu des sorcières de New Forest. Je dis « assemblé » parce que la forme inégale des textes implique qu’il est peu probable que toutes les sections ont été écrites en même temps. En fait, la copie que Kelly a examinée était en deux parties distinctes, qu’il a appelé « Documents O et P ». (Kelly, Aidan, The Rebirth of Witchcraft : Tradition and Creativity in the Gardnerian Reform, (manuscrit inédit, 1977), p. 144)
Quant à savoir qui était le véritable auteur (ou plus probables, les auteurs), je ne peux que spéculer. Il est possible que quelqu’un avant Gardner ait essayé de faire renaître la sorcellerie et a écrit « les Anciennes Lois » pour établir son authenticité supposée. Si c’est le cas, quand et comment cela s’est produit ne sera probablement jamais connu. En conclusion, on ne peut pas entièrement écarter la possibilité que les Anciennes Lois soient exactement ce qu’elles semblent être, le texte d’un groupe de personnes qui se sont appelé la Wica qui, contre toute attente, est parvenu à survivre à l’époque des persécutions et à laisser leur legs à leurs descendants du vingtième de siècle.