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Une interview de Doreen Valiente. Copyright Hag und Hexe 1997, traduction et adaptation par Véro.
Cette interview a été réalisée par Michael Thorn, dans la maison de Doreen à Brighton, Sussex. Texte original : 1ère partie et 2e partie.
NDLT : une première partie de ce texte concerne les problèmes de santé de Doreen, je n’ai pas jugé utile de vous la traduire.
Doreen : vous savez, je ne crois pas à la réalité du triple retour. J’ai toujours été une personne très sceptique, mais je le suis plus encore à ce sujet. Et plus je vieillis, plus je suis sceptique. Il y a bien des choses dont j’étais fermement convaincue autrefois et auxquelles je ne crois plus aujourd’hui.
Michael : D’où pensez-vous que vienne ce principe du triple retour ?
Doreen : Je crois que c’est le vieux Gerald qui a réchauffé cette notion dans un de ses rituels, et les gens l’ont tout simplement pris à la lettre. Pour ma part, j’ai toujours été sceptique à ce sujet, car pour moi ça n’a pas de sens. Je ne vois pas pourquoi il y aurait un karma particulier pour les sorcières, qui n’existerait pas pour le reste de l’humanité. Je n’adhère pas à cette idée. Mais il y a bien des choses auxquelles je n’adhère pas.
Michael : et à quoi adhérez-vous ?
Doreen : Je m’intéresse de près à la réincarnation car je pense que cela explique beaucoup de choses. Voyez-vous, je me sens très proche de l’Égypte et je crois que j’ai vécu là-bas autrefois. Je me souviens d’un livre sur l’Égypte, qui traitait de la période d’Akhenaton ; ce livre m’avait tellement énervée, que j’aurais voulu le jeter à travers la pièce et crier « ce n’était pas du tout comme ça ! ». Et puis je me suis demandée : « pourquoi t’énerves-tu à ce point-là ? Ces choses se sont produites il y a des siècles ». Je pense que ce livre a éveillé le sentiment d’avoir été là-bas à cette époque-là ; sinon cela ne m’aurait pas touchée à ce point. Depuis lors, j’ai essayé de compléter ce puzzle mais il n’y a évidemment pas de preuves pour confirmer ce sentiment. J’ai aussi l’impression que Mme Thatcher…. Avez-vous remarqué à quel point elle ressemble à la Reine Élisabeth Ire? A part cela, il y a des ressemblances frappantes dans la manière dont ces deux femmes régissent leur pays. C’était tout à fait dans l’esprit d’Élisabeth, son règne ne valait rien aux pauvres gens. Mais laissons de côté les problèmes de politique.
Michael : tout est politique, même l’art sorcier.
Doreen : J’aimerais que cela ne le soit pas. C’est une des raisons qui me fait me demander si le temps de l’ancienne forme des covens n’est pas révolu. Ils avaient été créés en un temps où il nous fallait encore pratiquer en sous-sol. Je me rends compte que c’est cette forme de coven qui a permis à l’ancienne religion de perdurer. Mais je crois que tout change ; aujourd’hui nous sommes plus individualistes. D’un côté, la plupart des authentiques covens étaient des affaires de famille ; les gens habitaient un même village et bien souvent n’en bougeaient pas pendant des siècles. Ils savaient très bien à qui ils pouvaient faire confiance et à qui ils ne le pouvaient pas. Ils savaient que l’oncle Harold était quelqu’un de droit quoi qu’il arrive et depuis toujours, mais que le cousin Herbert aurait vendu sa grand-mère pour 50 penny. Ils savaient à qui faire confiance car ils se connaissaient tous. Personne n’aurait pu leur prétendre être un haut adepte de Dieu et Grand Mamamouchi, car ils lui auraient aussitôt dit « reviens sur terre, nous te connaissions déjà quand tu n’étais qu’une étincelle dans l’œil de ton père »
Voilà dans quelles circonstances ont pris naissance les anciens covens. Ils étaient forts car ils étaient construits sur la lignée des sorcières, par les liens du sang, et qu’ils savaient à qui faire confiance. Ils étaient pratiquement un produit de la terre sur laquelle ils vivaient.
Michael : Si vous pensez que les covens ont perdu leur utilité, comment voyez-vous l’avenir de la pratique et de son apprentissage ?
Doreen : Je pense que les wiccans doivent foncièrement changer, au lieu de se soucier uniquement de savoir qui sera la prochaine grande prêtresse. Je pense qu’ils vont s’organiser sur une base beaucoup plus individuelle. Les gens vont remplacer le grand coven d’autrefois par un groupe de deux ou trois âmes ; il y aura beaucoup de groupes de petite taille. Et ils pratiqueront à leur façon. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Je ne crois pas qu’il existe une seule façon de croire, à laquelle chacun devrait se conformer.
Michael : Le problème de la survie de l’art sorcier ne se pose plus aujourd’hui ; de cela nous pouvons être pratiquement assurés.
Doreen : Gerald était quelque peu inquiet à ce sujet, car il avait remarqué que la plupart de ceux qui pratiquaient l’art étaient assez vieux. Il me disait que lui et Dafo étaient pratiquement les plus jeunes du Coven de New Forest, et il se demandait qui reprendrait le flambeau quand les autres ne seraient plus là. A cette époque les gens craignaient d’impliquer leurs enfants et attendaient qu’ils soient déjà adultes. Bien vu, je ne pense pas que cela était une mauvaise idée. Je ne suis pas d’avis de forcer les enfants à suivre la voie de leurs parents. Mais il craignait vraiment que tout ne disparaisse s’il n’y avait pas de sang neuf, et il ne voulait pas en être témoin. C’est une bonne question, de se demander ce qui serait arrivé s’il n’avait pas été là, et c’est uniquement cela qui motivait son combat pour une plus grande visibilité.
Michael : Quand vous avez débuté aux côtés de Gerald Gardner dans les années 50, espériez-vous que l’art sorcier connaîtrait une telle ampleur ?
Doreen : non. Je n’y aurais pas pensé une seule seconde. Même maintenant il y a des jours où je peux à peine y croire. C’est incroyable. Je ne crois pas que ce soit l’œuvre de moi, de Gerald ou de quelqu’autre individu. Je pense tout simplement que le temps est venu, que l’idée est « dans l’air du temps ».
Michael : Que pensez-vous que Gerald attendait de ses écrits ? Que quelques covens en naîtraient ?
Doreen : Je ne suis même pas sûre qu’il en espérait tant. Je crois simplement qu’il voulait que les gens sachent que l’art sorcier existait toujours. Cela se passait ainsi : quand les gens ont commencé à lui écrire et qu’il recevait des pleins sacs de courrier…. Évidemment, le gag c’était que plus les journaux du dimanche le dénonçaient et plus il recevait de courrier. Et le pauvre garçon ne savait pas par où commencer. Il essaya de rencontrer quelques personnes, qui semblaient raisonnables et c’est de là que tout est parti. Mais je ne crois pas qu’il ait imaginé une seconde que ça se divulguerait des USA à l’Australie, et même jusqu’en Union soviétique.
Une copine sorcière est venue papoter l’autre jour et elle m’a dit avoir vu un article dans le Times, sur la résurgence des covens sorciers en Russie et dans d’autres pays du bloc Est. Même là-bas la petite étincelle a su garder vie, le brandon redevient feu. A part cela, ce phénomène fit mentir tous ceux qui avaient dit que Gerald avait tout inventé.
En fait, il lui a donné une forme qui permette aux gens de l’utiliser ; mais je ne crois pas qu’il ait tout inventé. J’échange régulièrement des courriers avec mon vieil ami Aidan Kelly. Il disait autrefois (en tout cas c’est ainsi que je le comprenais) que Gerald Gardner et moi faisions partie d’une conjuration qui aurait dû démentir cette publicité. Je n’acceptais pas ce rôle et m’en défendis farouchement. Je pense qu’il a fini par accepter le fait que je ne faisais partie d’aucune conjuration qui aurait chercher à tromper son monde.
Concernant le vieux Gerald…. Je n’affirmerais pas qu’il était une personnification de l’amour de la vérité, mais je ne crois pas qu’il ait tout inventé. Je crois qu’il y avait un vieux coven à New Forest et je crois qu’il les avait contactés. La question est : dans tout ce que nous pratiquons aujourd’hui, qu’est-ce qui est de Gerald et qu’est-ce qui vient de New Forest ? Voilà la vraie question et je ne sais pas si un jour nous aurons la réponse, car malheureusement il y a eu beaucoup de pertes et beaucoup de disputes à ce sujet. C’est à chacun de se faire son opinion. Si j’étais plus jeune et si j’avais beaucoup d’argent, je m’installerais à New Forest et je chercherais, je ferais des investigations, j’essayerais de déterrer ce qui s’est vraiment passé là-bas. Mais je ne sais pas si un jour toute cette affaire sera élucidée.
Dans ce temps-là, les gens devaient effacer toute trace de leur passage. Croyez-moi, la sorcière qui disait que l’art sorcier ne se pratique pas derrière des vitres cassées, ne plaisantait pas. De ce temps-là, il était réellement dangereux, non seulement de pratiquer la sorcellerie, mais de toucher à l’occulte. Tout cela n’était pas accepté, comme ça l’est aujourd’hui. Les gens n’avaient pas les mêmes droits qu’aujourd’hui. Aujourd’hui il y a des lois qui empêchent les propriétaires de vous mettre à la rue car ils n’aiment pas ce que vous étudiez, qui empêchent qu’on vous licencie car votre patron est chrétien ou d’autres choses du même style. On ne peut plus traiter les gens comme on le faisait autrefois. Il fallait se tenir coi. Il fallait essuyer ses traces et être extrêmement respectueux. Dion Fortune, par exemple, a essayé d’intégrer dans son organisation une forme de christianisme mystique, pour faire l’équilibre avec l’aspect païen. Malheureusement ça n’a pas pris. Mais cet enseignement ne pouvait être reçu que par des gens qui, soit étaient assez forts pour se moquer du « qu’en dira-t-on », soit qui pouvaient garder un secret absolu à son sujet. A cette époque-là, si on allait dans une librairie qui avait pignon sur rue on ne trouvait pas les livres qu’on peut trouver aujourd’hui : ils étaient interdits.
Michael : ainsi donc les gens qui travaillaient avec Gardner à l’époque où est sorti son livre, n’étaient pas en odeur de sainteté.
Doreen : oh non. Dorothy (la responsable du coven de New Forest) était une femme cultivée. Quand elle déconseilla à Gerald de tout rendre public si rapidement, elle avait la tête sur les épaules. Je crains que la discrétion n’ait pas été le point fort de Gerald et il voulait à tout prix tout rendre public. Elle le convainquit de ne pas écrire un texte historique, mais bien plutôt une forme romancée. Je pense qu’il y apparaît des idées qui donnent bien plus d’informations occultes qu’on n’en trouve dans la littérature à ce sujet. A mon avis les meilleurs œuvres de Dion Fortune sont ses romans, je dois avouer n’avoir jamais pu terminer « the cosmic doctrine ». Mais ses romans sont pour moi très intéressants et pleins d’informations.
Michael : si on admet que le groupe avec lequel Gerald travaillait menait ses rituels d’une façon différente de celle qu’il présenta plus tard, il serait intéressant de savoir s’il détenait des écrits à leur sujet.
Doreen : Je ne sais pas si cette histoire est vraie ou non, mais son associé, M. Cecil Williamson, qui a ouvert le premier musée de l’art sorcier, disait que Gerald possédait un vieux livre pas très épais. C’était un manuscrit dont il prenait grand soin. Malheureusement, un jour qu’il faisait visiter son musée de l’Ile de Man, le livre lui fut volé et on ne put jamais savoir ce qu’il en était advenu. Je ne sais pas ce que c’était comme livre, et je ne crois pas l’avoir jamais vu. Nous ne savons pas ce qu’il contenait, pourquoi il était utilisé, ni s’il réapparaîtra un jour.
Michael : d’où viennent, selon vous, les différences de pratiques entre la Grande Bretagne et les États-Unis ? Pourquoi, selon vous, y a-t-il de telles différences ?
Doreen : Je pense qu’ici nous sommes moins formels, mais comme je ne suis jamais allée en Amérique, je ne peux pas parler d’expérience. Mais j’ai l’impression qu’en Amérique tout est plus organisé, ce qui me perturbe quelque peu car je pense que ça diminue un peu le bonheur. Tout devient un peu plus tendu. Je ne sais pas pourquoi les américains ont cette tendance à l’organisation. Évidemment, ici l’inorganisation est chronique, et nous avons la réputation d’être excentriques, mais je pense que nous sommes beaucoup plus informels. Nous n’organisons pas de grands merrymeets comme ils le font là-bas, mais peut-être cela vient-il du fait que nous ne sommes pas aussi fortunés qu’eux. Cela doit être très coûteux d’organiser de telles grandes fêtes, mais c’est sans doute générateur de grandes joies.
Michael : c’est une expérience assez particulière car on rencontre beaucoup de gens, qui font des choses différentes, et leurs rituels…. On peut voir comment les autres gens procèdent. C’est en cela que c’est intéressant et instructif, parce qu’on voit la grande diversité de ce que les gens entendent pas « art sorcier » dans les différents pays.
Doreen : Nous essayons actuellement d’organiser quelque chose de ce type pour halloween. Shan Jayran a organisé un festival qui a lieu quelque part près de Battersea, et j’ai entendu dire que ça connaît un gros, gros succès. Mais je n’y suis jamais allée. Mais ça ne se passe pas en plein air comme en Amérique. De fait, les USA sont un beaucoup plus grand pays : ils ont donc plus d’espace, comprenez-vous. Mais nous essayons d’organiser des rencontres en plein air et il y a quelques personnes qui viennent, mais on ne peut pas le faire de façon très officielle. On ne peut pas louer un terrain sans que l’église du coin ne fasse un bruit du tonnerre, etc….
Michael : Quoi que cela ne se passe pas toujours sans problèmes aux États-Unis. Parfois, quand on loue un camping il faut donner toutes sortes de précisions quant à ce qu’on compte y faire.
Doreen : Le truc dont nous devons absolument nous défaire ici, c’est toutes ces histoires que nous qualifions de « mauvais traitements à enfant satanistes » et qui, pour la plupart des gens, s’apparentent à la sorcellerie. Tout ça a débuté aux USA et là-bas ça a été monté en épingle avant qu’on ne prouve que c’était n’importe quoi. Entre temps, ça a été importé ici –un nouveau marché. Certaines organisations évangéliques se font un plaisir d’entretenir ces rumeurs.
Le pire dans tout cela ce sont ces histoires terribles mais bien réelles, comme celle de Rochdale. Là-bas les travailleurs sociaux et les organismes sociaux ont pris part à un séminaire où on leur a bourré le mou avec tout cela et où on leur a donné une liste de « signes ostentatoires » qui permettaient de reconnaître les satanistes et les « bourreaux d’enfants satanistes » et ils ont tout avalé tout rond. Et, au petit jour ils sont entrés dans les maisons qui répondaient à ces critères et ont enlevé les enfants à leurs parents. Ce qui est grave c’est que, par des moyens légaux, ils ont fait en sorte que ces personnes soient condamnées pour la façon dont ils assumaient leurs devoirs parentaux, mais qu’on leur a interdit d’en parler à leurs enfants. Ça a l’air incroyable pour la société anglaise des années 90 mais c’est une réalité. Ce n’est que récemment que la presse nationale s’est emparée de cette affaire et en a fait grand bruit. Certains de ces enfants ont été rendus à leurs parents entre temps, d’autres sont toujours « en sécurité » selon les termes officiels. Tout d’abord l’assistance juridique fut interdite aux parents, mais entre temps elle leur fut accordée pour aider au retour des enfants. Il y aura certes une grande action auprès des autorités, mais ça ne se fera que parce que la presse y a mis le nez et s’est exclamée : « mais bon sang, que se passe-t-il en Grande Bretagne, en 1990 ? ». Je ne dis évidemment pas que ces enfants n’ont pas souffert, nous ne savons pas si ce fut le cas ou non. Malheureusement, il y a d’innombrables enfants qui sont maltraités, mais ça fait une grande différence de déclarer que c’est dû à des rites sataniques ou sorciers. Et c’est bien là ce que cherchent à faire ces gens.
Fort heureusement le Maréchal des logis chef de Nottingham, d’où sont parties toutes ces suspicions de satanisme, va envoyer un mémorandum aux autorités compétentes, dans lequel il expliquera qu’il n’y a pas de relation établie avec le satanisme et qu’il déplore toutes ces rumeurs qui traversent le pays comme une épidémie de grippe asiatique. Il en va de même à Manchester où les mêmes histoires circulent à propos de sorcières et de satanistes. Après enquête minutieuse il n’a été trouvé ni de nouveaux nés cuits au micro-ondes, ni d’ossements, ni d’endroits de réunions secrètes. Rien. Aucune histoire qui pourrait être prouvée de quelque façon que ce soit.
C’est quelque chose qui me donne envie de me taper la tête contre les murs, tous ces gens qui prétendent avoir été témoins de meurtres rituels. Ils le racontent. Ils en parlent à la télé, ils en font des livres, en parlent dans les journaux. Mais il y a un endroit où il semble qu’ils ne veuillent pas se rendre pour y raconter leur histoire. Pourquoi ne vont-ils pas le dire à la police ? Nous avons ici, en Grande-Bretagne, très souvent des gens qui font de telles allégations, mais quand la police s’empare de l’affaire il s’avère qu’il n’y a aucune preuve de quoi que ce soit. Mais les gens continuent à dire « nous ne pouvions pas aller à la police, car nous avions trop peur. » Bien, mais alors pourquoi en parlent-ils maintenant ? Pourquoi n’ont-ils plus peur maintenant ? S’ils avaient été à la police, celle-ci les aurait protégés, comme elle le fait lors de graves délits, et quel délit pourrait être plus grave qu’un meurtre rituel ? Ainsi donc, s’ils se sont sentis tellement concernés, et s’ils veulent se sortir de ces histoires, pourquoi ne vont-ils pas tout raconter à la police ? Voilà ce que j’appellerais la question à un million –nous n’avons jamais eu de réponse cohérente, et j’aimerais la poser à chacun d’entre eux individuellement.
(…) Nous devons à présent attendre les résultats du procès, ce qui devrait se faire dans les six semaines je crois. Et cela coûtera des millions aux pauvres contribuables.
Voilà où iront les impôts de Rochdale. Il y a un mouvement chrétien très fanatique sur ces sujets. Pour eux, tout ce qui a à voir avec la sorcellerie, le satanisme, mais aussi le végétarisme et le new-age est influencé par Satan.
Michael : donc, tout mouvement indépendant.
Doreen : oui, voilà, c’est de cela qu’il s’agit, de toute forme de pensée indépendante. J’ai récemment entendu une histoire extraordinaire à propos d’un de ces types. Ils avaient une réunion publique dans un centre commercial, lors de laquelle ils distribuaient des tracts, et faisaient du recrutement. L’un d’entre eux alla au devant d’une femme, une sorcière, et lui dit « la première chose que nous voulons que tu saches, est que Dieu t’aime », ce à quoi la sorcière répondit, fort poliment « oui, je sais qu’elle m’aime. » L’homme l’accusa de blasphème.
Michael : Voyez-vous un rapport entre l’art sorcier, par exemple le mouvement païen, et d’autres mouvements, comme le new-age ou la spiritualité féministe ? Il semblerait que le mouvement sorcier se joigne à d’autres mouvements, comme les écologistes, ou participe aux Earth Day (réunion annuelle, anglaise et américaine de défenseurs de l’environnement).
Doreen : oh oui. Je pense que c’est ainsi que cela devrait être. A mon avis, il y a des liens très forts. Quand les pratiques sorcières se répandirent, au début des années 50, c’était moins du fait d’individus que du fait que le temps était venu pour ces idées ; tout comme ces autres mouvements ont vu leur temps venir. Ils seront une partie de l’histoire de l’ère du verseau. C’est le mouvement du moment dans l’Histoire, et je trouve cela très intéressant à observer. Je suis trop vieille pour faire autre chose qu’observer, mais cela je le fais avec grand intérêt, je peux vous l’affirmer.
Nous commençons à reconnaître que la persécution des sorcières était avant tout une persécution des femmes, dans le but de les amener à reprendre la place qui aurait dû être la leur selon leurs bourreaux. Des femmes à la situation élevée furent désignées comme étant sorcières, et condamnées, et de la même façon rabaissa-t-on les guérisseuses, tout simplement parce qu’elles étaient des femmes. Seuls les hommes étaient autorisés à pratiquer la médecine. Aujourd’hui, nous commençons à reconnaître que le lien entre art sorcier et féminisme n’est pas nouveau, mais que c’est quelque chose qui a toujours existé. En fait, c’est une pierre maîtresse du grand tout.
(…) comme le disait un de nos anciens premiers ministres, « c’est le vent du changement ». C’est une expression qui colle très bien à l’ère du verseau. Le verseau est un signe d’air, ainsi donc sont ce les vents du changement qui soufflent ici. Personne ne pourra rien y changer.
Michael : mais tout, même une religion autour d’une grande Déesse, peut finir par devenir orthodoxe.
Doreen : Je pense qu’une religion qui vénérerait uniquement une grande Déesse, serait bancale, car elle prétendrait ignorer la moitié de l’humanité, ce qui signifierait qu’elle ferait les mêmes erreurs que les autres, et je ne veux pas voir cela. Je préférerais des gens qui seraient capables de reconnaître un Dieu et une Déesse. Car on ne peut raisonnablement avoir l’un sans l’autre, en tout cas moi je crois que ça n’est pas possible. J’ai toujours beaucoup aimé le vieux cornu et je souhaite qu’il continue à avoir sa place dans mes rituels.
Michael : j’ai l’impression que depuis les années 50 on cherche à instaurer un tel équilibre ; mais cette ligne de pensée fut-elle le résultat du comportement vis-à-vis des femmes à cette époque, ou bien est-elle toujours allée dans ce sens ?
Doreen : je pense que dans ce mouvement la volonté de créer un équilibre entre les sexes a toujours été présente. Quand j’ai débuté dans les années 50 il y avait aussi bien le Dieu que la Déesse, on ne se posait même pas la question. Ce bon vieil Aidan Kelly croit encore aujourd’hui que c’est moi qui fus l’instigatrice du culte de la Déesse, bien que je lui aie répété des douzaines de fois que c’est faux. Quand je débutais, il y avait les deux déités et on ne se demandait pas si telle ou telle idée devait être revue.
Michael : Je pense que ce qui a motivé Aidan (quoi que je ne puisse pas parler à sa place) est le fait que vous avez écrit des choses qui aujourd’hui sont devenues une part importante dans les écrits concernant la Déesse et la wicca.
Doreen : Oui, je l’ai fait. La version du Codex par Gardner comportait beaucoup d’aspects empruntés à Aleister Crowley. D’après moi, Crowley était un merveilleux écrivain et il est sous-estimé dans la littérature anglaise, (…) Il me disait : « si tu penses pouvoir faire mieux, alors fais-le » et c’est ce que j’ai essayé. J’ai essayé de tirer le meilleur du matériel existant, et personne ne fut plus surpris que moi de voir l’influence qu’a eu ce Codex.
Michael : Sans doute que Gerald ne s’attendait pas à l’impact qu’ont eu ces livres, aujourd’hui nous assistons à un mouvement wiccan mondial. (…) pensez vous que l’art sorcier et le paganisme pourront devenir une religion capitale dans notre culture occidentale ?
Doreen : Je ne sais pas. Je préférerais que nous soyons simplement ce que Gerald appelait « le culte des dieux du crépuscule », autrement dit, en marge de la civilisation, loin des sentiers battus. Le colonel Seymour développe les mêmes idées dans un article très intéressant au sujet de l’ancienne religion.
Michael : Dans « the forgotten mage » ?
Doreen : Exactement. Il y décrit une religion des mystères qui ne se trouve pas dans la mouvance dominante, mais plutôt sur une petite route secondaire « la route qui ondoie sur le tertre aux fougères » comme il est dit dans une ancienne ballade. Je pense que c’est là, la source de la magie de l’ancienne religion : le fait qu’elle ne soit pas une religion officielle ou orthodoxe. Et quand je vois l’œuvre de ces religions officielles, je suis bien heureuse que la nôtre ne le soit pas. Parmi toutes les guerres qui ont lieu aujourd’hui, il est bien difficile d’en trouver une qui ne soit pas due à une question de religion. Le ciel nous protège d’une telle ferveur religieuse, qui déchire l’humanité.
Mais, certaines personnes ont absolument besoin d’une religion structurée. Nous avons tendance à nous reporter à la Clé de Salomon ou d’autres choses du même type. Même moi je le fais d’une certaine manière. J’ai toujours pensé qu’une religion organisée est d’un intérêt quelque part entre le rien et le pas grand chose pour la race humaine, quand elle n’est pas une malédiction –il suffit d’ouvrir le journal pour s’en convaincre ; mais d’un autre côté certaines personnes ont besoin de cette religion organisée, et nous ne pouvons pas ignorer ce fait. Déjà Akhenaton se trompait à ce sujet. Il prit aux gens leur croyance toute simple, tous leurs Dieux et leurs Déesses ; mais ce qu’il leur donna à la place ne fut pas compris : son Dieu unique et inaccessible. Ils voulaient conserver leurs anciens Dieux, qui, pour ainsi dire, habitaient chez eux. Et finalement la grande réforme religieuse d’Akhenaton ne lui survécut guère.
Michael : (…) Je crois que la version de Gerald du Codex est citée dans le livre de Stewart Farrar. Je me souviens avoir dit à Gerald « regarde ; tant que tu mettras du Crowley dans ta liturgie personne ne fera de lien entre toi et la magie blanche, car la réputation de Crowley est telle que les gens n’acceptent ni n’exploitent ton travail ». On se racontait une blague à cette époque-là, au sujet d’Avalon. « Quelqu’un mourait et dans sa vie suivante il discutait avec un ami, devant un endroit ceint de hautes murailles. Il demanda « qu’est-ce qu’il y a là, derrière ? » et l’autre lui répondait « Oh, ce sont tous les Gardneriens dans leur Avalon, ils croient être seuls ici du fait qu’ils sont si particuliers ».
Doreen : vous savez je crois qu’il y a une bonne part de vérité derrière ces idées, car on entend souvent que dans différentes religions il y des représentations différentes de vie après la mort.
(…) Ça ne m’étonnerait pas que les gens, après leur mort, se trouvent dans un endroit que pendant toute leur vie ils ont considéré comme étant leur au-delà. J’aurais tendance à dire qu’il doit y avoir des gens, assis dans leur paradis chrétien, en train de jouer de la harpe et de se dire « oui, j’y suis arrivé ». Mais je pense aussi qu’au bout d’un moment ils vont regarder autour d’eux et se dire « mais, tout cela est-il bien réel ? » Et évidemment, ils se rendront compte que non. Je pense aussi qu’il y a des gens particulièrement dévots qui doivent avoir un modèle très réglementaire de l’Enfer. Connaissez-vous ce livre de James Branch Cabell, dans lequel le héros arrive en enfer et y rencontre un diablotin complètement débordé car là, en-bas, les gens ne cessent de se plaindre du fait que le feu ne serait pas assez chaud ?
D’après moi les gens, après leur mort, commencent par expérimenter l’au-delà pour lequel ils sont mentalement préparés. Moi, je me satisfais de l’après-mort païenne.
Michael : Dolores Ashcroft-Nowicki propose dans ses livres qu’on se prévoie à l’avance un endroit où on pourrait aller après sa mort et dans lequel on se sentirait tout de suite à l’aise. Et ensuite, on aurait la possibilité de quitter cet endroit pour aller n’importe où ailleurs, selon nos souhaits. Ainsi, si on mourrait subitement, saurait-on forcément que c’est arrivé puisqu’on serait dans cet endroit prévu à l’avance et cela éviterait que des gens restent très longtemps à errer sans savoir qu’ils sont morts.
Doreen : J’admets qu’il doit y avoir des tas de gens qui errent et qui ne comprennent pas ce qui leur est arrivé. Cela expliquerait beaucoup d’apparitions et de Poltergeist. Je pense que chez les spirites, il y a une compréhension de la vie après la mort qu’il n’y a pas dans l’église orthodoxe. Évidemment, les églises en font grand mystère, il ne faut rien dire ni rien demander, ce qui est ridicule. Ils ne peuvent se permettre de faire des révélations à leurs ouailles, car alors ceux-ci voudraient à leur tour devenir prêtres ou prêtresses. Et les autres n’auraient plus qu’à pointer au chômage !
Michael : Aux USA, dans le milieu sorcier, on trouve actuellement des divergences d’opinions au sujet de l’argent : on se demande par exemple si des gens qui font des conférences en public, devraient être payées. Accepter de l’argent est un tabou pour certains car ils considèrent que l’argent n’a rien à faire dans la religion.
Doreen : Tout ça est bien beau tant qu’on peut se le permettre. Mais il faut bien subvenir à ses besoins, non ? Si une personne donne des cours à un groupe et que parallèlement à ça elle n’occupe pas d’emploi rémunéré, elle met son temps à disposition du groupe. C’est bien beau de dire que nous ne sommes pas censés accepter de l’argent pour de tels actes, mais alors de quoi cette personne vivra-t-elle ? Elle doit payer son loyer ou son crédit, payer ses impôts, se nourrir, se vêtir. Comment peut-elle vivre sans salaire ? Si on empêche les gens normaux, avec des budgets normaux d’accéder à nos cercles, on en fera des terrains de jeux pour personnes riches, qui pourront se permettre ce genre de choses. Je crois qu’il faut garder le sens des réalités.
Michael : certains disent qu’il ne faut pas faire « carrière » dans l’art sorcier, car alors on se conduirait comme Prêtre à plein temps, ou Enseignant à plein temps, et on considérerait cette activité comme étant notre métier.
Doreen : Mais, dans toutes les autres religions c’est un métier pour lequel on est payé, non ?
Michael : C’est justement là que nous faisons objection : nous ne voulons pas devenir comme eux.
Doreen : Ce ne sont pas les Grandes Prêtresses de l’art sorcier qui vivent dans des palaces, ce sont les hauts dignitaires de l’église chrétienne. On parle bien de palais pontifical, non ? Les gens d’église (que ce soient les anglicans ou les autres) doivent se donner une contenance car ils ne sont pas dans une position qui ferait qu’ils devraient vouer tout leur temps à la messe.
Selon moi il faut trouver un compromis. Dion Fortune disait (j’aime la citer) qu’il n’est pas bon de vouer tout son esprit au ciel car alors on n’est plus d’aucune utilité sur terre. Je suis tout à fait d’accord avec le fait que tout cela ne doit pas être fait que pour l’argent, et que l’argent ne doit pas être le seul but de tout cela, mais d’un autre côté, il faut rester dans la course. Sinon l’occultisme redeviendra un hobby pour les plus riches, comme ce le fut avant son renouveau récent.
Michael : Crowley avait l’argent et le temps libre pour pouvoir se le permettre.
Doreen : en fait, il était le fils de propriétaires de brasseries et il toucha un confortable héritage. Son père l’envoya au Trinity college à Cambridge et la vie était belle pour lui, jusqu’à ce que l’héritage fut complètement dilapidé. Après cela, comme l’a raconté son ami Gerald Hamilton, il ne put survivre que grâce aux dons pas toujours volontaires de ses amis et tout cela a créé des histoires sordides. La version la plus récente de la biographie de Crowley est le livre de John Symonds « king of the shadow realm ».
Michael : dans la communauté païenne américaine nous parlons actuellement de mettre en place une fondation destinée à créer des structures qui pourvoiraient aux besoins de ses participants, qu’ils soient païens ou sorciers. (…) L’idée serait de créer des communautés, un peu comme les maisons de retraite chrétiennes. (…) cela concernerait aussi le domaine de l’éducation des enfants et le soutien à des petits groupes.
Doreen : Alors là, vraiment… ce que je voudrais dire, c’est que quand j’ai débuté dans la sorcellerie on ne pouvait même pas entrer dans un magasin et demander une baguette magique, comme on peut le faire aujourd’hui – je ne sais même pas ce qui aurait pu se passer. On ne pouvait pas ouvrir ce genre de commerce ; la police l’aurait fait fermer, car ça n’aurait pas été autorisé. Pour nous tous qui avons commencé dans les années 50 et qui vivons encore aujourd’hui, ce qui se passe aujourd’hui est absolument incroyable. Nous n’aurions jamais pu l’imaginer. A l’époque, on ne pouvait même pas acheter un jeu de tarot. Authentique ! J’ai essayé pendant une éternité d’en avoir un, et aujourd’hui on peut en avoir autant qu’on veut.
Michael : Nous pensons aussi, comme dans d’autres religions, à des actions sociales ou à des aides, par exemple sous forme d’écoles ou de groupes de formation, afin de ne pas être dépendant des autres, de subvenir à nos besoins.
Doreen : je trouve ça très…. Une maison de retraite ! J’en reviens pas ! je trouve ça extra ! !
Michael : Nous donnerions le nom de certaines personnes aux diverses ailes des bâtiments. Le « Doreen Valiente Memoriam temple. »
Doreen : J’ai l’impression que ce qui pourrait ressortir de tout ça serait assez dévalorisant « oh, vous avez fondé l’art sorcier de si magnifique façon autrefois » et d’autres sottises du même genre. J’ai une vision horrible de processions en l’honneur de sainte Doreen en 2070. Je me demande ce que ça m’apportera quand je serai morte. C’est vraiment regrettable.
Je crois que je vais faire un grand plaisir à mon dentiste, car c’est vraiment un chic type. Je vais l’informer de ce qui se passe ici et je lui dirai qu’après ma mort il doit m’extraire une dent de sagesse ou quelque chose comme ça, ainsi pourrez-vous créer un Temple dentaire à Kandy au Ceylan. On part du principe que là-bas il s’agit d’une dent de Bouddha, qu’on sort une fois par an et qu’on balade de ville en ville à dos d’éléphant, tout le monde entre dans un état de transe extatique et tout le monde est heureux. Voilà pourquoi je vais suggérer ça à mon dentiste. Ça ne me gênerait pas qu’il en fasse son profit ; et s’il n’arrive pas à récupérer une de mes dents, il pourra toujours la remplacer par celle de quelqu’un d’autre. En fait la fameuse dent de Kandy a été expertisée il y a quelques années et il a été découvert qu’il s’agirait vraisemblablement d’une dent d’animal, sans doute d’un chien. Mais ça n’a pas nuit à sa popularité.
Michael : Il en va de même avec Elvis Presley. Il y a un toast dans lequel il a mordu et une cuillère qu’il aurait utilisée une fois.
Doreen : vous voulez peut-être m’acheter quelques petites cuillères ? Ça serait un investissement pour l’avenir.
Michael : Vous devez être très prudente dans le choix de celui à qui vous les laisserez. On les vendra aux enchères ! Et là encore, vous n’en tirerez aucun profit.
Doreen : Voilà bien en quoi c’est ennuyeux ! Pour moi tout cela est très effrayant. C’est comme ces quelques vers à propos du vieux Crowley :
un soir se rencontrèrent un homme horrible et une merveilleuse jeune fille,
« où t’en vas tu ainsi, humble et respectueuse ? »
« je vais au temple, vénérer Crowley »
« ainsi donc Crowley est un Dieu, et comment le sais-tu ? «
« Capitaine Fuller nous l’a dit »
« et comment sais-tu que Fuller a raison ? »
« je crains que tu ne sois fou, bien le bonsoir »
Si ce genre de chose s’appelle « succès »,
Je ne pourrai plus souffrir la notion d’insuccès »
Voilà, c’était le petit poème à ce sujet. Vous devez savoir que le plus drôle est que des gens vendent effectivement des reliques de Crowley ; j’en ai vues certaines pour des prix complètement fous. On ne peut pas faire grand chose contre ce commerce. Le problème est que je ne vois pas ce que cela m’apporte de mon vivant… Mais nous parlions de dons et de soutien à des structures communautaires. Je ne vois pas comment cela se passera, sans doute que cela viendra tout seul. Pour l’instant nous en sommes au stade où nous ne pouvons pas élever nos enfants de la façon qui nous convient, et cela m’énerve assez de voir que toutes les autres religions du monde peuvent être inculquées aux enfants, sauf la nôtre. En ce moment (et nous le devons à toutes ces histoires avec les satanistes) cela serait très difficile pour les gens d’élever leurs enfants dans la ligne de pensée de l’art sorcier, et je ne vois pas pourquoi je suis obligée de subir une telle discrimination. Voilà pourquoi je pense qu’un jour viendra où nous décréterons l’équivalent d’une « école du dimanche » sorcière. Je ne sais pas si ça arrivera, mais pourquoi ne devrions nous rien dire à nos enfants de ce à quoi nous croyons. Les fondamentalistes chrétiens en feraient évidemment tout un ramdam. Nous avons parlé en long et en large du fait que l’ancienne structure du coven avait perdu sa raison d’être. Mais peut-être nous sommes-nous trompés. Nous devons garder en tête que le fanatisme de certains de ces individus peut être terrible.
Si les autres religions peuvent élever leurs enfants comme bon leur semble nous devrions, comme vous l’avez suggéré, créer des groupes qui soutiendraient les nôtres, il y a beaucoup de gens qui auraient besoin d’un tel soutien. La plupart des structures de ce type sont gérées par des communautés chrétiennes, et certaines font du très bon boulot, mais nous devrions naturellement considérer la possibilité de le faire nous-mêmes.
Michael : comment voyez-vous l’avenir de la sorcellerie ?
Doreen : je le vois comme partie intégrante de l’ère du verseau. Voilà comment je le vois. Ce n’est évidemment pas facile pour nous d’appréhender ce futur. Parfois on croit que nous irons tous en enfer sur une carriole, et qu’il n’y a rien que l’on puisse faire contre tout ce que nous voyons à la télé. Puis on nous parle de nouveau d’autres perspectives qui nous redonnent un peu d’espoir ; comme quoi tout s’arrangera malgré tout, que nous connaîtrons des temps meilleurs. Je crois que le monde va de lui-même vers le changement. Il existe un pouvoir (appelez-le Gaia ou l’évolution, appelez-le comme vous voulez) je crois qu’un tel pouvoir est en action, qu’il a quelque chose à voir avec l’évolution de l’humanité, et qu’il nous aidera à notre prochain pas, quand il nous faudra choisir, si nous voulons continuer avec lui ou sans lui. Nous pouvons choisir d’aller à son encontre, si nous le voulons, mais je ne crois pas que cela nous mènera très loin. Ce que je veux dire est que : qui aurait pensé que le mur de Berlin tomberait, victime du grand vent de changement ? Et pourtant, c’est arrivé ! Et pas par la force des armes. Ça n’a pas été le résultat d’un projet politique, mais bien celui d’un mouvement spirituel humain si vous voulez l’appeler ainsi. De telles choses arrivent, le monde change vraiment. Ça rejoint le proverbe chinois « puisses-tu vivre en des périodes intéressantes ». C’est exactement ce que nous faisons.
Michael : Il semblerait que l’art sorcier se trouve dans une situation prédominante, qui lui permet de rassembler diverses choses. Je pense notamment au mouvement écologiste, avec son intérêt pour la terre, aux mouvements féministes et au New-Age. Apparemment la sorcellerie est capable de réunir tout cela, ce qui aurait tendance à lui octroyer un rôle de leader, car elle représente la synthèse de chacun de ces mouvements différents.
Doreen : J’espère que la sorcellerie assumera ce rôle. Je l’espère et je le vois se profiler à l’horizon. Je ne sais pas si je vivrai assez longtemps pour le voir, mais j’aimerais vraiment une fois participer à une de ces grandes réunions en plein air, comme elles se passent aux États-Unis. J’ai l’impression que ça doit être fantastique. Et j’aimerais que ces réunions soient fréquentées par des masses d’autres gens, pas seulement des pratiquants sorciers, mais aussi des gens du New-Age, des féministes, des écologistes de tout poil. Je souhaite que tous ces gens œuvrent dans le même sens, voilà comment je vois l’avenir de la sorcellerie. Nous ne pouvons plus rester chacun dans son coin. Il fut un temps où nous le devions, c’était une question de vie ou de mort ; c’était comme faire de la résistance pendant la guerre. Si nous nous étions fait remarquer en dehors de nos cercles, non seulement nous aurions pris des risques pour nous-mêmes, mais nous en aurions fait prendre à d’autres gens avec qui nous étions en relation. A cette époque là, nous apprenions vite la valeur de la discrétion, mais ces temps-là sont révolus.
Pourtant, parmi les fondamentalistes des diverses religions, il y en a qui voudraient que ces temps reviennent, mais je ne crois pas qu’ils auront beaucoup de succès, l’évolution humaine a dépassé ce stade. Il se peut qu’ils gagnent l’une ou l’autre bataille, mais la guerre est perdue d’avance.
J’espère que nous saurons assumer notre rôle de leader. Et je parle bien d’un rôle collectif et non pas d’un leader unique, car nous n’avons que faire d’un « führer » que tous les autres suivraient aveuglément (il y en a assez eus par le passé). Mais je crois que nous aurons une fonction importante dans l’introduction de ce nouvel âge et j’aimerais vraiment être là pour voir ça.
J’aime beaucoup cette histoire au sujet de Susan Anthony, que raconte Zsuzsanna Budapest dans son livre. Un journaliste quelconque demande à Susan, du fait qu’elle ne suivait aucune religion officielle, quelque chose comme « où pensez-vous que vous irez après votre mort ? » et elle répondit « Je n’irai nulle part, je resterai ici pour soutenir les mouvements féministes ».
Et moi aussi, si je ne dois pas vivre assez longtemps pour connaître tout cela, je resterai ici pour casser les pieds des gens.