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La Voie de la Sorcière et la Pierre de Sabbat. Par Nigel Jackson ©, traduction & adaptation Tof
Sur le coup de minuit, l’heure des sorcières, tous les sorciers et sorcières sont hors de chez eux et vont le long de la route jusqu’au sabbat de minuit, certains sous la forme de hiboux, de lièvres, de mites, d’oies et de corbeaux, d’autres chevauchent une fourche, un balai, un chat ou une chèvre. Des nuages passent devant la lune alors que la sombre compagnie de Striga marche sur la voie des fées dans le monde des esprits, en suivant la maîtresse aux nombreux noms que l’on a nommée Hérodias, Berchtholda, Cailleach, Morgan La Fay, L’Impératrice Irodeasa. La voie de la sorcière court la nuit dans la bruyère et s’étire derrière le passage vers le monde du Sabbat que l’on trouve en voyageant vers le nord « comme vole la corneille » sur les ailes de transe. C’est la route où vont en procession la compagnie de Diane, les tribus des fées et la danse de mort des squelettes.
Les quatre jours étapes sont les portes dans le temps qui s’ouvrent sur la sombre réunion, et plus particulièrement à l’occasion de la Toussaint et de Walpurgis (le 30 avril) lorsque les sorcières germaniques sautent furieuses et sauvages.
Elles ont sauté d’une manière extravagante sur le mont Brocken, le sommet sacré de la montagne Hartz, et les sorcières écossaises se dirigent vers la grotte des collines Eildon.
Le vrai Sabbat existe dans la dimension crépusculaire de la conscience, dans les lieux dissimulés de l’autre monde que l’on n’atteint qu’à pied. La Sorcellerie Traditionnelle a préservé des cartes magico-symboliques et des indicateurs qui peuvent guider celui qui cherche vers ces régions cachées de l’esprit.
Le sabbat est une convocation des puissances de l’Autre Monde ainsi qu’un état de communion intérieure avec la racine immortelle de la sagesse ; c’est un lieu où les hauteurs divines et les profondeurs animales de l’âme s’unissent. C’est le Mystère Sacré des sorcières qui se trouve aux croisements de Dame Hécate, la Maîtresse des trois Clefs.
Les célébrants de ce mystère nocturne se rassemblent en esprit « entre les temps » dans les près de Hel pour honorer le Bouc Noir et notre Dame de Féerie, et pour atteindre la divinité magique du monde des esprits. De ce royaume l’esprit désincarné retourne dans le monde du milieu enrichi du savoir des ancêtres et du don de l’inspiration divine.
En Italie les sorcières qui suivent « la vecchia religione », s’oignent de l’onguent de vol et disent la conjuration suivante :
« Loin loin, par la neige et la tempête,
porte-moi au noyer de Benevento. »
Puis chevauchant un bouc noir et cornu elles volent vers l’autre monde où se déroule ce sabbat. Dans le grimoire-sorcier italien Aradia ou l'évangile des sorcières du XIXe siècle, traduit par C.G. Leland, la déesse commande à ses fidèles : « Et vous ferez le jeu de Benevento ». Dans la tradition sorcière italienne, la déesse Aradia est honorée comme Domina Ludi, la « Maîtresse du Jeu ». En 1390 deux sorcières italiennes de Vicomercato furent chargées de « rejoindre le jeu de Diane que vous appelez Hérodias ».
En 1699 les sorcières de Mora et Elfdale en Suède ont décrit leur voyage chamanique dans l’autre monde ; après s’être ointes d’onguent à un carrefour elles ont par trois fois invoqué le Diable (le Dieu Cornu) avec ces mots :
« Antecessor, viens et mène-nous à Blockula ».
Antecessor dérive peut-être du vieux norois Ansor : « dieu, divinité ». Le Diable à barbe rousse apparaissait vêtu d’un manteau noir ainsi que d’un grand chapeau à rubans multicolores. Grâce à ses pouvoirs, les sorcières volaient sur le dos d’animaux « par-dessus les églises et les hautes murailles » jusqu’à son royaume, qui se trouvait dans « un pré grand et délicieux ». Elles passaient par une « porte peinte de diverses couleurs » et se rendaient dans la chambre de l’Autre Monde ou herrgard à Blockula, le « Sombre Sommet ». A Blockula, les sorcières suédoises célébraient les plaisirs éternels du sabbat – la danse sacrée, la fête, les mystères érotiques, les combats magiques et l’obtention d’esprits familiers comme des chats ou des corbeaux blancs.
La saga de Thorstein raconte comment il a visité le monde du dessous en chevauchant son bâton magique (gandr). Il a volé une bague et un bijou enchâssé au roi de l’autre monde et les a ramenés dans le monde du milieu : comme les chamans reviennent dans le monde du milieu avec des trésors de l’autre monde, des pouvoirs magiques et le savoir des anciens.
Le monde du sabbat se caractérise par un rituel paradoxal – l’illumination est recherchée dans les ténèbres, le jour dans la nuit, la naissance dans la mort.
Les formules ésotériques au symbolisme inversé sont courantes il y a la prière à rebours, la danse frénétique dos à dos dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, dans le sens inverse du soleil. Il en est ainsi, car le monde des morts est une image inversée du monde des vivants. Le chamanisme eurasien nous apprend que notre nuit est le jour des esprits de l’autre monde, notre main droite y devient la main sinistre ou gauche, notre été est leur hiver. Dans leur monde les fleuves coulent à contre sens et les arbres poussent à l’envers avec les racines vers le haut.
Le sabbat germanique culmine dans la caverne blafarde de la montagne de Vénus où la reine des Elfes donne, à ceux qui la suivent, visions et connaissance de l’art magique.
Dans l’enclos mystique de la Montagne de Vénus la déesse préside aux plaisirs de l’Autre Monde, les sorciers racontaient parfois comment ils s’étaient unis avec Dame Vénus, un « mariage sacré » initiatique avec l’illustre mère des enfers. De même les sorcières parlent de leurs rapports charnels avec le Diable libidineux. Dans son « Compendium Maleficarum », l’auteur du XVIIe Guazzo décrit comment les sorcières allumaient un « feu fou et ignoble » à leurs sabbats :
« Le Diable est le président de l’assemblée et est assis sur un trône, sous une forme épouvantable, un bouc ou un chien, et elles s’approchaient de lui pour l’adorer… »
Le Maître apparaissait aux sorcières du Valais sous la forme d’un bélier noir. Le bélier noir est le grand archétype du Dieu Cornu, Le Dieu des Animaux, le destructeur et le régénérateur de l’autre monde dont les symboles sont le crâne et le phallus.
Ce maître chamanique des Animaux vient du Dieu Sauvage Vindonos / Gwynn qui était particulièrement vénéré des Celtes de l’âge du fer. Selon Guazzo, devant cet ancien dieu, les sorcières déposaient de fines bougies votives noires qui brûlaient avec une flamme bleue et beaucoup de fumée. En 1594 la sorcière française Jane Bosdeau a participé à un sabbat où un grand bouc noir avec une chandelle entre les cornes est apparu, elle symbolisait la lumière dans les ténèbres d’Annwvyn, le monde de sous terre. On représente parfois cela par une chandelle allumée entre les deux dents du stang ou sur le mat (en ancien Norois « merkis stong »).
En 1664 au sabbat des sorcières du Yorkshire le dieu est apparu sous la forme d’un «Homme Noir sur un cheval noir avec les pieds fendus », soulignant sa domination sur le monde animal et les troupeaux cornus.
Parfois on assiste à une curieuse consécration consistant en « un pain rouge et une boisson rouge » où un gâteau à base de blé et de la bière sont partagés. Les sorcières des Basses-Pyrénées demandaient au dieu bouc de bénir le pain et lorsque le calice était dirigé vers le ciel on disait la phrase rituelle suivante « Corbeau noire » (sic) le dédiant ainsi à la déesse celte Cathu Bodua , « Corneille de Combat ». Le vin mélangé au sang sacrificiel était aspergé sur le sol et sur les présents pour leur donner une nouvelle vie. Le vin de sabbat était sensé posséder d’étranges propriétés, l’initié qui en buvait « avait la sensation soudaine de recevoir et de préserver en lui-même l’image de notre art et les principaux rituels sorciers ». Ce vin est l’équivalent de la potion que Cerridwen a mijoté dans son chaudron.
Le sabbat traditionnel se concentre sur le chaudron, la coupe magique des nourritures spirituelles et de l’omniscience, le puits dans lequel les morts retournent à la vie. Le chaudron des sorcières est un creuset psychique où les essences sont subtilement fermentées et distillées, son contenu est mis à bouillir grâce à la chaleur magique et créatrice de Notre Dame. Cette énergie est appelée seidhfire, de l’Ancien Norois « seidh » (brûler) et « seydir » (le feu qui sert à cuire). C’est la flamme féminine de la transformation et du savoir qui brille dans les circonvolutions des flammes du feu de sabbat.
C’est le mystérieux Autre Monde où les voyageurs nocturnes festoient pendant les heures sombres au son de tambourins et les voix de cornemuses et de flûtes. Ce n’est que lorsqu’à l’Est l’aube approche et que le jeune coq chante que les sorcières quittent le domaine éternel du sabbat et retournent à leurs corps en sommeil dans le Monde du Milieu.