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Nu lors de vos rites. Extrait de The Witch’s Way, éditions du Phoenix. Par J. & S. Farrar, traduction Lune.
La nudité rituelle est une pratique répandue au sein de la Sorcellerie gardnérienne et alexandrienne. On la retrouve également dans d’autres traditions Wiccanes. Pour ceux, qui comme nous, l’ont pratiquée pendant de nombreuses années, la nudité semble parfaitement normale et convenable – comme ça l’est pour trente mille naturistes et plus dans les îles britanniques et jusqu’à deux millions sur le continent. Nous devons nous rappeler que les autres gens trouvent cela étrange.
Par « étrange », bien sûr, ses détracteurs entendent : « sexuellement provocante » ou même « orgiaque». Quiconque a déjà fréquenté des camps de naturistes bien tenus, avec leurs ambiances familiales détendues, ou bien un véritable Cercle Wiccan, avec son identité de groupe tout aussi décontractée, ne peut « réellement » y croire. Se familiariser avec la nudité nous apprend rapidement l’authentique vérité : le corps nu, en lui-même, n’est ni plus ni moins aguichant sexuellement que le corps vêtu – peut-être même qu’un corps dénudé peut être moins dérangeant que le même corps vêtu de façon délibérément provocante. La sexualité est une question de comportement, d’attitude, de ‘ressenti’ – et non pas d’absence ou de présence de vêtement.
Le conditionnement patriarcal des deux derniers millénaires a enraciné l’idée que la nudité = sexe, et que sexe = danger. La sexualité – et en particulier celle de la femme – dans l’esprit patriarcal représente l’Ombre, pour tous ces ingérables abysses de la psyché qui ne peuvent être disciplinés, commandés et contenus par le rigide Ego-Empire. La nudité commerciale (les pin-up, cette chair déballée pour vendre boissons, shampooings ou automobiles) est quelque chose de différent ; l’Ego-Empire doit en tirer profit pour survivre et de toute façon l’avilissement de la sexualité est une façon de contenir cela. Mais même dans un contexte plus décontracté, la nudité non commerciale, qu’elle soit sociale ou rituelle, est effrayante. C’est l’Ombre qui refuse de jouer le jeu patriarcal.
Les sorcières, également, refusent de jouer ce jeu. Retirer leurs vêtements pour leurs rituels est un symbole de ce refus.
Comme il est dit dans la Charge : « Et vous serez libres de tout esclavage ; et en signe de cette liberté, vous serez nus lors vos rites ». Cela n’est pas une innovation gardnérienne ; c’est un héritage des sorcières toscanes (Aradia : l’évangile des Sorcières, p. 6 – voir bibliographie Leland.) :
Sarete liberi dalla schiavitù !
E cosi diverrete tutti liberi !
Pero uomini e donne
Sarete tutti nudi, per fino !Vous serez libérés de tout esclavage !
Ainsi, vous serez tous libres
Mes hommes et femmes,
Serez tous nus à la fin !
La nudité rituelle, en particulier à des fins chamaniques, est une vieille pratique païenne, qui n’est certainement pas réservée aux sorcières toscanes. C’était même l’habit des vieux prophètes hébreux. : « Et il quittait ses vêtements également, et prophétisait avant Samuel de la même manière, et s’étendait nu durant tout ce jour et toute cette nuit. C’est pourquoi ils dirent, Saul est-il également parmi les prophètes ? » (I Samuel, xix, 24). Même Saint François, un saint merveilleusement sincère, prêcha son tout premier sermon radical totalement nu dans la Cathédrale de San Ruffino en Assisi, devant une large congrégation d’hommes et de femmes. Shuttle et Redgrove (The Wise Wound, p. 227) citent E. A. S. Butterworth qui dit que la Nudité et la Prophétie vont de pair : « Nous voyons que l’offense d’Adam et Ève a été, selon toute probabilité, d’avoir cultivé une pratique apparentée au chamanisme par laquelle ils atteignaient un état de vision ou de conscience extatique, nommée manger de l’arbre de vie, ou de l’arbre de connaissance du bien et du mal. Lorsque leurs yeux se sont ouverts et qu’ils ont su qu’ils étaient nus, Adam et Ève surent qu’ils étaient des devins et des gens de pouvoirs et de qualité sacrée dans leur plein droit. » Shuttle et Redgrove commentent cela, « cela doit avoir exaspéré certaines Déités dédiées aux règles autoritaires et hiérarchiques, ou certaines églises dérivées d’une interprétation répressive de la légende, comme l’était ‘Église Médiévale Chrétienne. »
Il y a pas mal de polémique sur le fait que les sorcières des îles Britanniques travaillent régulièrement nues ou non – bien que le climat de ces îles favorise les rites en intérieur, il y a une autre raison à cela : le secret, les preuves à ce sujet seraient bien maigres. Mais il y a aussi, par exemple, les danses nues pour la fertilité des récoltes qui y prennent incontestablement place (nous citions un cas de mémoire de cette forme tiré de Co. Longford on p.86 d’Eight Sabbats for Witches.) Et de nombreux experts ont écrit sur les « onguents de vol » des sorcières que l’on frottait sur tout le corps et qui produisait une sensation de lévitation ; les utilisateurs de ces substances puissantes et dangereuses ne se seraient guère rhabillés alors que l’onguent était toujours actif sur leur peau.
Les peintures et dessins continentaux de sorcières les montrent souvent nues (voir illustration 14 de ce charmant exemple flamand), ce qui nous suggère que cette pratique était bien connue pour ça.
Que cela soit vrai ou non, l’habitude wiccane « du travail vêtu de ciel » est principalement un phénomène du revival du XXe siècle (du moins dans les îles Britanniques) ou la perpétuation d’une coutume secrète venant d’une époque « clandestine », ce n’est guère important. La nudité rituelle a toujours fait partie de la pratique païenne chamanique et même (comme nous l’avons vu) du judaïsme antique ; sa répartition géographique, quelle que soit la période, est secondaire au principe. Ce qui importe, c’est sa validité pour les sorcières aujourd’hui.
Il y a quelques bonnes raisons à ce que les sorcières travaillent vêtues de ciel.
Tout d’abord, parce que c’est un antidote évident au péché originel de la période patriarcale : la division entre l’esprit et le corps. « Dans la division du monde, l’esprit combat avec la chair, la culture combat avec la nature, le sacré combat avec le profane, la lumière combat avec l’obscurité » (Starhawk, « Femmes, magie et politique »). C’est de cette dépréciation typiquement patriarcale du principe créatif de polarité qui s’inscrit dans un dualisme faussé du bien contre le mal dont nous parlons dans la section XI, « The Rationale of Witchcraft ». Les sorcières renient cette attitude. Elles soutiennent, tout comme les kabbalistes, que « toutes les Séphiroth sont pareillement saintes » ; elles insistent sur le fait que le bien est en fait macrocosmique et microcosmique et fonctionne avec la polarité, et, que le mal est son déséquilibre ou son refus. L’église chrétienne en particulier (non pas comme Jésus qui parlait du temple de son corps) fut responsable de l’identification du corps avec le mal et de l’esprit avec le bien, les mettant en conflit l’un l’autre, au lieu de voir le corps comme la manifestation incarnée des niveaux intérieurs, par laquelle ces niveaux enrichissent et étendent leur expérience.
(à suivre)